Mohand Ouali : Réactions des anglais à la «conquête»
Professeur d’anglais et docteur en lettres et civilisations des pays anglophones, Mohand Ouali s’intéresse à la colonisation de l’Algérie d’un point de vue des pays anglo-saxons, précise l’éditeur
Le livre est préfacé par le professeur Aïssa Kadri, qui souligne l’originalité de cette approche «Il s’agit là, écrit-il, d’un ouvrage tout à fait novateur, décentré, rafraîchissant ; un travail qui nous sort de l’éternel face-à-face franco-algérien…»
On a parfois le sentiment, en examinant une certaine historiographie des débuts de la colonisation, qu’au moment de la prise d’Alger le 5 juillet 1830, il n’y avait que la Régence, d’un côté, et le corps expéditionnaire français conduit par le général de Bourmont, de l’autre.
Qu’hormis ces protagonistes, il n’y avait aucun autre acteur, aucune autre force sur l’échiquier du monde. Pourtant, l’affaire était loin d’être gagnée, et le roi Charles X et son président du Conseil, le prince de Polignac, ont dû mobiliser des trésors de diplomatie, d’habileté, de ruse, multiplier basses manœuvres et coups de Trafalgar, pour mener leur entreprise belliqueuse et convaincre les autres puissances de l’époque, la Grande-Bretagne en tête, du bien-fondé de leur expédition. C’est qu’une rivalité coloniale sourde a toujours opposé les deux nations, et Londres ne pouvait souffrir que son éternel rival s’emparât d’un bastion aussi stratégique que les «côtes barbaresques» et étendît ainsi son empire à la Méditerranée occidentale.
Un épisode «peu exploité» par les historiens
Dans son mot d’introduction, Mohand Ouali explicite son propos en faisant remarquer : «Longtemps minorées par les études historiques relatives à l’empire britannique au cours de la première moitié du XIXe siècle, les réactions de la Grande-Bretagne face à la prise d’Alger constituent peu à peu un champ d’étude à part entière, susceptible d’alimenter les études postcoloniales concernant l’Afrique du Nord, plus particulièrement les premières années de la présence française en Algérie.» Et de noter à regret : «L’arrivée en particulier d’un consul britannique, Lord Saint-John, dont la mission »officieuse » était d’empêcher l’armée d’Afrique de s’installer dans la régence d’Alger, demeure jusqu’à nos jours mal connue du grand public et toujours aussi peu exploitée par les historiens et spécialistes de l’Algérie coloniale.» L’auteur insiste sur le fait que «les réactions britanniques face à la prise d’Alger restent peu connues en Algérie, et plus étonnant dans les milieux académiques. Pratiquement aucune mention n’en est faite dans les chapitres qui traitent des débuts de la colonisation française en Algérie : ni le refus britannique de l’intervention militaire et de l’occupation du territoire ni l’influence notoire de Londres sur les mouvements de résistance que connaîtra l’histoire de l’occupation française en Algérie n’ont fait l’objet d’un traitement sérieux au sein de la communauté des chercheurs algériens et même maghrébins».
Le coup de l’éventail, un «casus belli» anecdotique
L’incident diplomatique provoqué par le fameux coup de l’éventail infligé par le dey Hussein Pacha au consul de France Pierre Deval, le 30 avril 1827, sur fond de dettes de blé impayées par la France, est couramment invoqué comme «casus belli» pour déclarer la guerre au dey d’Alger. Tout le monde aujourd’hui est à peu près convaincu que ce n’était là qu’un alibi pour donner l’assaut sur la capitale de la Régence. Et l’ouvrage de Mohand Ouali explique justement très bien les vrais mobiles de la conquête, comme l’illustre ce passage du livre : «Les convoitises des puissances autour de la Méditerranée ont pris de l’ampleur durant la première moitié du XIXe siècle ; au point qu’un fragile équilibre s’est imposé dans la vie politique, militaire et diplomatique entre puissances européennes elles-mêmes. Polignac a noté lors d’une correspondance avec Laval (consul de France à Londres, ndlr) que l’expédition d’Alger, si elle est bien menée, va non seulement profiter à la France économiquement ou à quelques lobbies politiques à Paris, mais elle allait constituer une grande idée morale et politique que toute l’Europe allait reconnaître un jour ou un autre à la France. Polignac n’a pas omis de préciser que cette expédition va aussi remettre la France dans la cour coloniale. Il ajouta dans l’une de ses lettres au roi de France : »(…) Elle donne une direction d’utilité générale à cette humeur guerrière répandue en Europe à la suite des derniers événements… Enfin, elle peut procurer à la France des ressources commerciales immenses et lui frayer un jour la route de l’Egypte… »»
https://www.elwatan.com/pages-hebdo/histoire/la-prise-dalger-vue-de-londres-de-mohand-ouali-reactions-des-anglais-a-la-conquete-07-11-2019
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