Alors que la scène lyonnaise s'apprête à panthéoniser Hubert Mounier sur un disque hommage collectif et un concert en grande pompe pas du tout funèbre, se prépare au Périscope une soirée qui, d'une autre manière, ravivera la mémoire de l'autre grand Lyonnais du rock, Rachid Taha, décédé soudainement il y a tout juste un an, quelques jours avant un concert doublement anniversaire qui s'annonçait radieux.
Un événement multicartes, sous la bannière à rallonge "Lyon brûle-t-il ? : Musique, contestation et quartiers populaires, autour de l'histoire du groupe Carte de Séjour et de Rachid Taha". D'abord, écoute, projection et discussion : des membres du groupe et l'historien Philippe Hanus décortiqueront le parcours de Carte de Séjour, son "rock arabe", sa manière sans manières de braconner les genres et les identités pour s'en faire une propre.
La fièvre et la brûlure
Sa contemporanéité aussi avec la Marche pour l'égalité et contre le racisme, dite Marche des Beurs, où pour la première fois les jeunes Arabes de Douce France réclament à juste titre une place, la leur, un droit, celui d'être Français comme tout le monde, sans abdiquer leurs racines. Contemporanéité aussi d'une époque où Lyon brûle d'une fièvre rock qu'elle ne retrouvera jamais. Lorsqu'elle s'éteint, Taha file à Paris poursuivre une carrière solo aussi riche que trop souvent passée sous le radar.
C'est à lui, alors que paraît l'album posthume Je suis africain, que rendra hommage l'autrice Brigitte Giraud dont la jeunesse rillarde s'est épanouie à la lisière des premiers bouillonnements de Taha & co. En compagnie de Christophe Anglade, elle donnera lecture musicale d'un texte profond, Rachid Taha, la brûlure, oraison vitaliste qui dit l'artiste et cette jeunesse, justement, sauvée de l'ennui et de l'habitude par le rock et le métissage :
« Rachid Taha et son groupe Carte de séjour entrent en scène, frappent fort et mettent un peu de sel, presque sans le vouloir, sur la plaie restée à vif de la guerre d’Algérie, qu’on nommait "événements" et à laquelle mon père prit part quand il avait vingt ans. J’habite à Rillieux-la-Pape, sur les hauteurs de Lyon et assiste à la naissance du groupe dans cette même banlieue. Le terrain est prêt pour que je ne rate pas ce feu qui bientôt embrasera tout. » Avec cela tout est dit, qu'il faut redire encore pour préserver la flamme.
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