Changer ou périr, voici l’alternative qui s’offre aujourd’hui au haut commandement militaire algérien en butte à l’hostilité d’une majorité de la population qui manifeste chaque vendredi.
Comme il serait bien périlleux de dissoudre le peuple algérien, le général GaId Salah, chef d’état major de l’armée algérienne et seul maitre à bord pour l’instant, doit se rendre à l’évidence. La ligne ferme qu’il a adoptée depuis six mois, en tentant à la fois de contenir le mouvement populaire et d’offrir une porte de sortie démocratique avec des élections rapprochées, ne fonctionne pas.
Le mérite essentiel de ce scénarion était d’offrir un semblant de stabilité institutionnelle alors que les élites du pays sont pour beaucoup sous les verrous et que l’Etat s’est quasiment désagrégé.
Une mobilisation renforcée
Cet été, on pouvait raisonnablement penser que le mouvement populaire s’essoufflait en laissant ainsi une vraie fenêtre de tir pour l’état major qui pouvait organiser, sous sa férule, des élections présidentielles. L’appel de la plage et les températures élevées avaient éloigné en effet bon nombre de citoyens, le vendredi, de leurs devoirs civiques Les derniers carrés de manifestants apparaissaient de plus en plus arc-boutés sur des revendications régionalistes, largement exploitées par les réseaux de l’ex DRS (services algériens) hostiles à Gaïd Salah et à son entourage.
Mais les faits sont tètus qui devraient forcer l’Etat major à quelques révision déchirante. Hier vendredi, les manifestations ont retrouvé dans une quinzaine de villes algériennes la vigueur qu’elles avaient au printemps. Le mots d’ordre sont clairs qui associent, dans un rejet sans nuances, le clan Bouteflika, les réseaux de l’ex DRS et un Gaïd Salah, nommé dès 2004 par l’ancien chef d’état et qui n’est jamais passé franchement pour un rebelle.
Deuxième élément de réflexion pour les hauts gradés, des personnalités politiques chez qui on sentait, jusqu’à présent, la tentation de rallier le calendrier des généraux, prennent leurs distances. Tel le cas de Sofiane Djilali, un chef de parti indépendant et populaire qui parvenait jusqu’à présent à tenir jeu égal entre la pression populaire et les lignes jaunes des militaires.« Aujourd’hui encore une fois, écrit le président de Jil Jadid à la fin de la démonstration de force de vendredi, les Algériens ont signifié clairement qu’ils ne voulaient pas des choix du pouvoir. L’institution militaire est maintenant face à la volonté populaire. Les dangereuses manœuvres de division du peuple ont heureusement échouées ».
L’ancien Premier ministre et opposant à Bouteflika, Ali Benflis, qui a, dit-on, les faveurs de Gaïd Salah pour être le futur chef d’état, ne dit pas autre chose. L’appel à l’apaisement est sur toutes les lèvres; Sera-t-il entendu au sommet de l’Etat-major?
Vers un saut de génération
La logique de confrontation qui se profile est la plus périlleuse qui soit pour une armée algérienne qui a eu tant de mal, après la répression brutale des manifestations d’octobre 1988, à retrouver toute sa place dans l’imaginaire du peuple algérien.
L’alternative est aujourd’hui assez claire. Premier scénario, le commandement militaire s’inspire de la doctrine des généraux français durant la tragique guerre de 1914-1918, contestée à l’époque par le général de Gaulle. Pour ces esprits bornés, il ne fallait à aucun prix changer de plan de bataille quels que soient les retours du terrain. Ce que les malheureux soldats ont payé cher lors des boucheries sanguinaires qui ont marqué la grande guerre.
Autre hypothèse, les militaires algériens apprennent à négocier avec des forces contraires autrement que par la multiplication des arrestations, la censure des médias et un discours convenu sur « la main de l’étranger ». Encore faut-il que le collège des généraux majors, qui ne sont pas des perdaux de l’année, change de logiciel!
Seul sans doute un saut de génération au sein même de l’institution militaire permettra de dépasser l’antagonisme qui s’est installé entre l’armée et le peuple, source de graves périls pour l’Algérie.
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