Amilcar Cabral, héros de la lutte pour l’indépendance bissau-guinéenne, a dit lors d’une conférence à Alger en 1968 que « les musulmans vont en pèlerinage à La Mecque, les chrétiens au Vatican et les mouvements de libération nationale à Alger ». Alger, bastion de toutes les causes pour la libération des peuples ? De quoi s’interroger et comprendre combien la décennie noire et la guerre civile en Algérie semblent cacher une autre histoire : celle de l’époque où la diplomatie algérienne était flamboyante toute impliquée qu’elle était aux côtés des mouvements de libération. C’est justement cette autre histoire que s’attache à raconter ce documentaire de Mohammed Ben Slama diffusé sur Arte, lequel revient en détail sur le rôle joué par l’Algérie au lendemain de son indépendance dans l’accueil des mouvements et des figures anticolonialistes et révolutionnaires du monde entier.
Retracer un pan d’histoire méconnue
Et le film est riche en documents inédits. « Nous voulions saisir les étapes marquantes qui ont su redéfinir profondément l’équilibre mondial. En produisant le documentaire, nous mettons en lumière un épisode déterminant de l’histoire internationale et pourtant méconnu du grand public », déclare Yannis Chebbi, producteur. Ajoutant qu’il a fallu plus d’un an pour regrouper les images et les témoignages. En effet, le documentaire est construit sur la base d’archives filmées et iconographiques retrouvées au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Allemagne, en Serbie, à Cuba et au Portugal. Objectif : contribuer à lever le voile sur une période faste de la diplomatie de l’Algérie méconnue par les jeunes générations.
De 1962, année de son indépendance, à 1974, l’Algérie aide activement les mouvements anticoloniaux et révolutionnaires du monde entier. Dirigée par le tandem Ahmed Ben Bella (à la présidence) et Houari Boumédiène (au stratégique ministère de la Défense), l’Algérie jouit alors du prestige d’une indépendance acquise par les armes. Suivant l’inspiration de Fidel Castro et du Che, qui réserveront à Cuba un accueil triomphal à Ahmed Ben Bella, le pays s’impose comme le leader des aspirations des peuples du tiers-monde. Le régime apporte un soutien total aux opposants qui viennent à lui, aussi bien moral que diplomatique et financier.
Du Che aux Black Panthers
De quoi apprendre aux jeunes générations, notamment à l’aide d’images d’archives exceptionnelles, que la plupart des opposants à la colonisation et au racisme, du Che aux Black Panthers, en passant par les indépendantistes de tous bords, feront escale dans une capitale algérienne en pleine effervescence et rebaptisée « Alger la rouge ». L’Algérie, dès les premières heures de son indépendance, trouvera notamment en Cuba un soutien de taille pour sa reconstruction. Créant par la même occasion un pont vers le reste du continent. Même après le coup d’État de Boumédiène en 1965, le pays poursuivra sur cette lancée. Même si cette politique a fini par évoluer au milieu des années 1970, elle restera un sujet de fierté pour le peuple algérien. Après sa libération, en 1990, près de trente ans après s’être entraîné avec les indépendantistes algériens, Nelson Mandela lui rendra un vibrant hommage en déclarant : « L’Algérie est mon pays. »
* « Alger, la Mecque des révolutionnaires » (2017, 57′), de Mohamed Ben Slama et Amirouche Laïdi.
http://panoramacinemalgerien.neowordpress.fr/2018/11/19/alger-la-mecque-des-revolutionnaires-de-mohamed-ben-salama-ce-mardi-20-novembre-a-nimes-un-tres-beau-documentaire-sur-une-periode-exceptionnelle/
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