Le 3 mars 2003, le rédacteur en chef du Monde, Bertrand Le Gendre, croyait pouvoir constater une régression du débat public sur la guerre d’Algérie par rapport à ce qu’il avait été au début des années 1990 : « La visite du président de la République en Algérie intervient à un moment particulier où ceux qui ont combattu là-bas, comme Hélie de Saint Marc, ou ceux qui y ont vécu discourent seuls sur les événements d’avant 1962. En 1992, pour les trente ans de l’indépendance de l’Algérie, il en avait été autrement. Colloques universitaires et travaux d’historiens avaient favorisé un retour salutaire sur le passé. En 2002, pour le quarantième anniversaire, rien de tel ou presque ». Pour ma part, je distingue deux évolutions simultanées en sens contraires : une régression flagrante du débat public vers une exacerbation de la guerre des mémoires, et une progression remarquable de l’histoire scientifique, malheureusement trop peu suivie et prise en considération par la presse et les médias. Ces deux évolutions seront successivement analysées dans cet article.
L’historiographie de la guerre d’Algérie en France
L’historiographie de la guerre d’Algérie est apparue en France dans des conditions très particulières : absence de mémoire nationale consensuelle et de commémoration officielle. Jusqu’à la récente loi du 18 octobre 1999, cette guerre a été une guerre sans nom, sans signification ni commémoration. Faute d’un message positif susceptible de rassembler tous les Français, l’État a longtemps cru devoir pratiquer une politique de l’oubli, contrastant avec la politique de la mémoire réservée aux deux guerres mondiales. Il s’est converti depuis peu à l’idée de commémorer aussi la guerre d’Algérie, afin de renforcer la cohésion nationale, mais les milieux politiques n’ont pas encore réussi à se mettre d’accord sur le choix d’une date commémorative, ni sur le message constructif que cette commémoration devrait transmettre aux générations futures. L’opinion publique est restée divisée en trois principales tendances : les partisans de l’Algérie française, ceux de l’indépendance de l’Algérie, et la majorité silencieuse de ceux qui ont évolué de la première à la deuxième position (à l’instar du général de Gaulle) tout en restant troublés par des sentiments confus et contradictoires. En effet, contrairement à la mémoire unique qui continue de prévaloir en Algérie, toutes les mémoires des groupes antagonistes qui ont vécu cette guerre sont représentées en France, avec les mêmes droits d’expression.
Si la volonté d’oubli a longtemps caractérisé la politique de l’État, il ne s’agissait pourtant pas d’une volonté générale de la société française. En effet, un besoin persistant de mémoire n’a pas cessé de s’exprimer à travers une historiographie surabondante. J’ai tenté de recenser systématiquement l’ensemble des livres publiés en France ou en langue française [1] et prétendant apporter une vérité sur cette guerre (à l’exclusion des romans et autres œuvres de fiction), dans une série d’articles publiés dans l’Annuaire de l’Afrique du Nord de 1976 à 1992 [2]. Bien que j’en aie sûrement oublié, les données quantitatives de ce recensement ont une certaine valeur indicative. Elles semblent montrer une tendance à un tassement du nombre annuel des publications - contrariée par une poussée exceptionnelle jusqu’à 28 titres en 1972, année du dixième anniversaire de la fin de la guerre - dans les quinze premières années, puis une progression presque continue de 1977 à ce jour. La dizaine de publications par an est régulièrement atteinte ou dépassée à partir de 1980, la vingtaine à partir de 1992, la cinquantaine en 2001. L’accélération du rythme des publications a fait parler à juste titre d’une « explosion mémorielle ».
Dans mes articles historiographiques, j’ai fait quelques constats généraux, et discerné une évolution. La prépondérance écrasante de la langue française découle naturellement de mon choix initial, mais il semble bien que la France soit, en dehors de l’Algérie, et pour des raisons évidentes, le seul pays qui publie régulièrement autant de livres sur cette guerre. Il faut signaler aussi que les auteurs algériens se partagent - en des proportions que je ne peux préciser - entre ceux qui sont publiés en Algérie, et ceux qui sont publiés en France ou ailleurs [3]. Tous ces livres se répartissent entre plusieurs genres, dont les principaux sont, par ordre de fréquence décroissante, les témoignages d’acteurs et de témoins plus ou moins importants, les enquêtes et récits journalistiques, et enfin les travaux d’historiens. Les auteurs de ces ouvrages se partagent pour la plupart entre les trois tendances de l’opinion publique française déjà citées plus haut, les Algériens renforçant celui des partisans de l’indépendance de l’Algérie.
Dans les cinq ou six premières années, ceux de l’Algérie française (dont une partie restait en prison ou en exil) étaient manifestement sur-représentés, comme s’ils voulaient faire appel de leur défaite devant le « tribunal de l’histoire », alors que les gaullistes voulaient tourner la page et que les Algériens étaient absorbés par leurs problèmes politiques internes. Puis, dans les années 1968 à 1972, on observa un changement spectaculaire, lié à une rapide succession d’événements qui ont véritablement mis fin à la guerre d’Algérie : l’ébranlement du trône gaullien par la fronde de mai 1968, l’amnistie accordée en juillet 1968 aux derniers condamnés de l’Algérie française, la défaite et la retraite politique du général de Gaulle en avril 1969, suivie en 1970 par la publication de ses Mémoires d’espoir et par sa mort. On vit alors une floraison sans précédent de témoignages pour l’histoire au ton moins véhément, et de grands récits journalistiques, dont celui d’Yves Courrière est celui qui a connu le plus grand succès. Pourtant, les incidents et les polémiques provoquées par le film italo-algérien de Gillo Pontecovo et Yacef Saadi La bataille d’Alger et par le livre La vraie bataille d’Alger du général Massu prouvèrent que les passions n’étaient pas encore refroidies.
Après ce tournant manifeste, l’historiographie se rapprocha progressivement d’un meilleur équilibre entre les genres, les nationalités et les tendances. Le fait le plus remarquable est l’augmentation du nombre d’auteurs algériens, publiés en Algérie ou en France, dont les publications tendent à équilibrer celles des auteurs français en nombre ou en importance. Les quelques auteurs étrangers aux deux pays (la plupart anglo-saxons ou allemands) traduits en français ou non, se signalent par une proportion moins importante de témoins engagés et la prépondérance relative des journalistes et des universitaires. Durant les années 1980, les historiens français étudiant directement la guerre d’Algérie paraissent à la traîne [4] par rapport aux historiens étrangers comme l’Allemand Hartmut Elsenhans (dont la thèse monumentale publiée en allemand en 1974 attendit jusqu’en 2000 [5] pour l’être en français) et le Suisse Fabien Dunand [6], et à l’historien algérien Mohammed Harbi, dont les livres ont profondément renouvelé l’histoire du FLN. Toutefois, les années 1990 ont été caractérisées par la multiplication des publications de travaux d’historiens français, et par celle des témoignages qui ont abouti à une virulente relance de la guerre des mémoires.
Trois principaux facteurs principaux peuvent expliquer cette crue des témoignages et cette relance de la guerre des mémoires. D’abord, un phénomène générationnel : la génération de ceux qui ont fait, subi ou contesté le plus activement la guerre d’Algérie dans leur jeunesse ressent un besoin de transmettre sa mémoire aux générations futures accru par l’âge et par un sentiment d’urgence. Ensuite, la contradiction de moins en moins supportable entre le devoir de mémoire de plus en plus exigeant invoqué en faveur des victimes de la Deuxième guerre mondiale et le devoir d’oubli réservé à celles de la guerre d’Algérie, est devenue éclatante avec la déposition de Jean-Luc Einaudi [7] au procès Papon en octobre 1997. Enfin, la rechute de l’Algérie dans la violence depuis 1992, semblant donner rétrospectivement raison aux partisans de l’Algérie française, a privé les partisans de l’indépendance de l’argument de la justification par le succès ou par le « sens de l’histoire », et les incite à rappeler pour leur défense les raisons morales de leur combat. À quoi se sont ajoutées, semble-t-il, des sollicitations algériennes adressées aux intellectuels et aux démocrates français pour qu’ils diffusent dans leur société un sentiment de responsabilité et de culpabilité, afin de lui faire accepter une demande d’excuses officielles au peuple algérien pour les crimes commis en Algérie de 1830 à 1962 [8], demande exprimée dès mai 1995 dans la presse algérienne lors du cinquantenaire de la répression de Sétif et Guelma, avant de l’être devant l’Assemblée nationale française par le président algérien Bouteflika le 14 juin 2000.
En conséquence de tous ces facteurs, une campagne de révélations et d’accusations concernant l’usage de la torture, des exécutions sommaires et des viols par l’armée française pendant la guerre d’Algérie fut lancée dès la fin juin 2000 par Le Monde (avec des titres à la une tels que « La France face à ses crimes en Algérie », ou « Comment juger nos crimes en Algérie »), puis relayée par L’Humanité (qui publia le 31 octobre 2000 un appel de douze personnalités pour une condamnation officielle de l’usage de la torture) et par Libération. Relancée en 2001 par les aveux sans remords du général Paul Aussaresses [9], cette campagne unilatérale provoqua des contre-attaques sous la forme d’un Livre blanc de l’armée française en Algérie [10], contresigné par plus de cinq cents officiers généraux, puis de dossiers de presse et de livres [11] attirant l’attention sur les victimes oubliées de la guerre d’Algérie du côté français (militaires prisonniers non libérés, civils français d’Algérie disparus, « harkis » massacrés). Ce qui explique le climat passionnel dans lequel s’est faite la commémoration du quarantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie [12], déploré par le rédacteur en chef adjoint du Monde.
En effet, le débat public sur la guerre d’Algérie a régressé vers l’état qui était le sien de 1957 à 1962, en ce qui concerne sa thématique, ses arguments et son ton véhément. La guerre des mémoires a repris et continué la guerre idéologique de cette époque. Les apports de quarante ans de recul historique et de recherches historiques ont été mis à l’écart. Plus inquiétant encore, des recherches pionnières telles que la thèse de Raphaëlle Branche sur La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie [13] ont été récupérées ou disqualifiées par les camps opposés, et des historiens se sont trop souvent laissés entraîner dans des polémiques réciproques [14], au risque de mettre en danger leur communauté scientifique. La guerre des mémoires a gravement perturbé la progression de l’histoire, mais sans pouvoir l’empêcher.
L’émergence de l’histoire de la guerre d’Algérie
L’histoire de la guerre d’Algérie est apparue lentement en France, et n’est devenue visible qu’au tout début des années 1990. La discrétion de ses débuts s’explique par l’absence déjà signalée d’une politique de la mémoire, remplacée par une politique de l’oubli. Contrairement à la Première et à la Deuxième guerre mondiale, dont la connaissance historique a bénéficié de la sollicitude très précoce des pouvoirs publics, la guerre d’Algérie n’a fait l’objet pendant longtemps d’aucun encouragement, ni d’aucune directive ou contrainte de leur part : situation qui comportait des inconvénients, mais aussi des avantages. En effet, les recherches sur l’histoire de l’Algérie contemporaine ont été abandonnées à de libres vocations individuelles, peu nombreuses, mais relativement plus que sur tout autre pays décolonisé. La plupart de ces chercheurs n’ont pas abordé de front la période de la décolonisation : ils ont commencé par repenser et réécrire l’histoire de l’Algérie coloniale et celle de la formation du nationalisme algérien. Ce qui leur a permis d’attendre et de se préparer sans perdre de temps à l’ouverture de la plus grande partie des archives publiques françaises sur la guerre d’Algérie, commencée en 1992.
L’essor des recherches sur cette guerre n’a pourtant pas attendu jusqu’à cette date. En effet, l’octroi de dérogations avait permis l’organisation d’un premier colloque sur les aspects français de la guerre d’Algérie (à l’exclusion des opérations militaires sur le terrain et de la prise des décisions politiques) par l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP) en octobre 1988 à Paris. Puis le Ministère de la Défense a inauguré en 1990 - non sans hésitations jusqu’au dernier moment - la publication du premier volume d’une série intitulée La guerre d’Algérie par les documents [15], sous la direction de l’historien Jean-Charles Jauffret. Et le ministre de la Défense Pierre Joxe a décidé de donner l’exemple de l’application de la loi de 1979 sur les archives en ouvrant au public, à partir de juillet 1992, tous les documents des archives militaires de Vincennes consultables au bout de trente ans, grâce à un inventaire informatisé permettant de diviser chaque carton en « unités documentaires » relevant chacune de l’un des délais définis par la loi. Cette ouverture, encore limitée au début (puisque tous les cartons du deuxième bureau relevaient du délai de soixante ans, avant d’être partagés à leur tour en unités documentaires) fut ensuite élargie, et son exemple fut plus ou moins suivi par les autres centres de conservation d’archives en fonction de leurs moyens. Elle fut assez large pour inciter des centres de recherche à multiplier les colloques spécialisés (principalement l’IHTP à Paris, le Centre d’étude en histoire de la défense (CEHD) de Vincennes, et le Centre d’histoire militaire de Montpellier).
Enfin, à partir d’octobre 1997, plusieurs déclarations officielles du gouvernement de Lionel Jospin ont inauguré une nouvelle politique de la mémoire appliquée à la guerre d’Algérie, fondée sur l’idée de « laisser travailler les historiens ». Plusieurs groupes militants, comprenant aussi des historiens, lui ont reproché de se décharger ainsi de ses responsabilités proprement politiques en ce qui concerne les « crimes d’État », mais aussi de ne pas ouvrir assez largement les archives, en s’abstenant de modifier la loi de 1979 qui a fait des dérogations une faveur octroyée ou refusée arbitrairement [16] (au détriment, notamment, de Jean-Luc Einaudi). Il semble que la recrudescence de la guerre des mémoires et des revendications de justice ait rendu les responsables de la gestion des archives plus restrictifs [17]. Mais le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a en préparation un nouveau projet de loi sur les archives qui raccourcirait les principaux délais de communication.
Depuis 1990, les publications de travaux historiques ont pris une telle ampleur que j’ai pu leur consacrer l’essentiel de la bibliographie de l’essai de synthèse que j’ai publié en 2002 [18]. Les colloques et ouvrages collectifs ont remarquablement accru leur nombre et leur fréquence. Citons les principaux dans l’ordre chronologique :
1988 : « La France en guerre d’Algérie », colloque de l’IHTP [19], publié sous la direction de Jean-Pierre Rioux, La guerre d’Algérie et les Français, Fayard, 1990, 700 p.
1992 : La France en guerre d’Algérie, catalogue de l’exposition du Musée d’histoire contemporaine, sous la direction de Jean-Pierre Rioux, Benjamin Stora et Laurent Gervereau, Nanterre, BDIC, 1992.
1992 : Mémoire et enseignement de la guerre d’Algérie, colloque organisé par la Ligue de l’enseignement et l’Institut du monde arabe, publié en 1993 en deux tomes de débats et un de documents (La guerre d’Algérie dans l’enseignement en France et en Algérie, coédition avec le CNDP), plus une synthèse par Gilles Manceron et Hassan Remaoun, D’une rive à l’autre, la guerre d’Algérie de la mémoire à l’histoire, Paris, Syros, 1993, 293 p.
1992 : Les accords d’Évian en conjoncture et en longue durée, colloque de Paris VIII publié sous la direction de René Gallissot, Institut Maghreb-Europe et Karthala, 1997, 265 p.
1996 : La guerre d’Algérie et les Algériens, colloque de l’IHTP sous la direction de Charles Robert Ageron, Armand Colin, 1997, 346 p.
2000 : Militaires et guérilla dans la guerre d’Algérie, colloque du Centre d’histoire militaire de Montpellier et du CEHD, publié sous la direction de Jean-Charles Jauffret et Maurice Vaïsse, Bruxelles, Complexe, 2001, 561 p.
2000 : La guerre d’Algérie au miroir des décolonisations françaises, colloque de la Sorbonne en l’honneur de Charles-Robert Ageron, publié sous la direction de Daniel Lefeuvre, Société française d’histoire d’Outre-mer, 688 p.
2001 : Université d’été Apprendre et enseigner la guerre d’Algérie et le Maghreb contemporain, sous la direction des inspecteurs généraux de l’Education nationale Dominique Borne, Jean-Louis Nembrini et Jean-Pierrre Rioux, publication CRDP de Versailles 2002, 192 p.
2002 : La guerre d’Algérie : 1954-1962, cycle de conférences de l’Université de tous les savoirs, Editions Odile Jacob, 2004.
2002 : Des hommes et des femmes en guerre d’Algérie, colloque du CEHD et du Centre d’histoire militaire de Montpellier, publié sous la direction de Jean-Charles Jauffret, Autrement, 2003, 573 p.
2002 : La guerre d’Algérie dans la mémoire et l’imaginaire, colloque de l’Institut d’études de l’islam et des sociétés du monde musulman et de Paris VII sous la direction de Lucette Valensi et Annie Dayan-Rosenman, Saint-Denis, Éditions Bouchène, 2004.
2004 : La guerre d’Algérie, 1954-2004, la fin de l’amnésie, ouvrage collectif sous la direction de Mohammed Harbi et Benjamin Stora, Éditions Robert Laffont, 728 p.
Cette liste de colloques et d’ouvrages collectifs, auxquels ont participé en proportions variables des historiens français, algériens et étrangers appartenant à plusieurs générations, donne une idée du dynamisme croissant de la recherche historique sur la guerre d’Algérie.
La relève des générations d’historiens
Ce dynamisme se manifeste également par la multiplication des thèse et d’autres ouvrages individuels de référence. Étant donné l’importance des phénomènes générationnels aussi bien pour la mémoire que pour l’histoire de la guerre d’Algérie, je crois utile de présenter ces ouvrages suivant un ordre inhabituel, celui des dates de naissance des historiens spécialistes du sujet [20]. Trois grandes générations peuvent être schématiquement distinguées. La première rassemble les historiens qui ont vécu activement la guerre d’Algérie, ou qui ont été concernés par celle-ci en tant que citoyens. La deuxième, ceux qui l’ont vécue passivement dans leur enfance, et en ont gardé des souvenirs. La troisième, ceux qui n’en ont aucune mémoire personnelle, la plupart étant nés après 1962.
Dans la première grande génération, les auteurs les plus anciens sont aujourd’hui décédés.
Charles-André Julien (1891-1991), auteur de L’Afrique du Nord en marche (Julliard, 1952), avait écrit un livre sur la décolonisation de chacun des trois pays, mais il n’a pas voulu publier celui sur l’Algérie.
Roger Letourneau (1907-1971) avait abordé la guerre d’Algérie dans son Évolution politique de l’Afrique du Nord musulmane, 1920-1961 (Armand Colin, 1962).
Claude Martin a écrit la première Histoire de l’Algérie française, 1830-1962 chronologiquement complète (Les quatre fils Aymon, 1963, Robert Laffont et Tchou 1979).
Xavier Yacono (1912-1990) a laissé inachevée son Histoire de l’Algérie, de la fin de la Régence turque à l’insurrection de 1954(Versailles, Éditions de l’Atlanthrope, 1993), mais il avait publié son point de vue sur De Gaulle et le FLN (mêmes éditions, 1989).
Les auteurs suivants ont presque tous en commun le fait d’avoir d’abord soutenu une thèse de doctorat d’État concernant la colonisation de l’Algérie et ses effets sur la population dite « indigène ».
André Nouschi, co-auteur de L’Algérie, passé et présent avec les géographes Yves Lacoste et André Prenant (Éditions sociales, 1960), a retracé la Naissance du nationalisme algérien, 1914-1954 (Le Seuil, 1962) et a prolongé son étude jusqu’à l’actualité dans L’Algérie amère, 1914-1994 (Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1995).
Charles-Robert Ageron, auteur notamment du Que-sais-je ? n° 400, Histoire de l’Algérie contemporaine (PUF, 1964), et du tome II de la grande Histoire de l’Algérie contemporaine, 1871-1954 (PUF, 1979), a publié La décolonisation française(Armand Colin, Cursus, 1991) et présenté l’ouvrage collectif en deux tomes dont il a rédigé la fin du tome II, Histoire de la France coloniale (Armand Colin, 1990 et 1991). Il a co-dirigé le colloque de l’IHTP La guerre d’Algérie et les Français, présenté L’Algérie des Français (recueil d’articles de la revue L’Histoire, Le Seuil, 1993), et dirigé le colloque La guerre d’Algérie et les Algériens.
Annie Rey-Goldzeiguer a publié un ouvrage fondamental sur un sujet controversé, Aux origines de la guerre d’Algérie, 1940-1945. De Mers-el-Kébir aux massacres du Nord-Constantinois, La Découverte, 2002.
Jacques Valette, Français d’Algérie a étudié notamment La guerre d’Algérie des messalistes (L’Harmattan, 2001).
Le général Maurice Faivre se distingue par un parcours exceptionnel : militaire de carrière devenu docteur en sciences politiques, il a consacré au destin des harkis trois livres successifs : Un village de harkis, des Babors au pays drouais, Les combattants musulmans de la guerre d’Algérie, des soldats sacrifiés, et enfin Les archives inédites de la politique algérienne, 1958-1962 (L’Harmattan, 1994, 1995 et 2000).
Les auteurs qui suivent ont presque tous découvert le problème algérien en tant que citoyens, plus ou moins opposés à la politique algérienne des gouvernements français. À l’exception des trois premiers cités, ils ont longtemps enseigné dans l’Algérie indépendante.
Pierre Vidal-Naquet, historien de la Grèce antique engagé dans la lutte contre la torture, a publié successivement L’affaire Audin (Éditions de Minuit, 1958 et 1989), La raison d’État (même éditeur, 1962, réédition La découverte, 2000), La torture dans la République (même éditeur, 1972), Les crimes de l’armée française (Maspero, 1975), et Face à la raison d’État, un historien dans la guerre d’Algérie (La découverte, 1989).
Mohammed Harbi, militant algérien réfugié en France, a fondé l’histoire critique du FLN par ses livres : Aux origines du FLN, la scission du PPA-MTLD (Christian Bourgois, 1975), Le FLN, mirage et réalité, des origines à la prise du pouvoir, suivi par Les archives de la révolution algérienne (Éditions Jeune Afrique, 1980 et 1981), 1954 : la guerre commence en Algérie(Bruxelles, Complexe, 1984), L’Algérie et son destin : croyants ou citoyens (Arcantère, 1992), complétés par Une vie debout. Mémoires politiques, t. 1, 1945-1962 (La découverte, 2001).
Jacques Simon, militant trotskyste et pro-messaliste, a consacré ses recherches à Messali Hadj et à son mouvement : Messali Hadj, la passion de l’Algérie libre (Tirésias, 1998), Messali Hadj par les textes (Bouchène, Saint-Denis, 2000), Messali Hadj, chronologie commentée (L’Harmattan, 2002) et quatre volumes sur la Fédération de France de l’Union syndicale des travailleurs algériens (même éditeur, 2002).
Spécialiste des rapports entre le marxisme et le nationalisme dans le monde musulman, René Gallissot a publié une synthèse de ses principaux travaux : Maghreb-Algérie, classes et nation, t. 1 : du Maghreb précolonial à l’indépendance nationale(Arcantère, 1987) et les actes du colloque de Paris VIII, Les accords d’Évian en conjoncture et en longue durée.
André Nozière a tiré un livre, préfacé par René Rémond, de sa thèse : Algérie, les chrétiens dans la guerre (Éditions Cana, 1979 et 2001).
Le politologue Jean-Claude Vatin a dressé un bilan critique de l’histoire de l’Algérie coloniale jusqu’en 1962 : L’Algérie politique, t.1, Histoire et société (Armand Colin et Presses de la FNSP, 1974).
Djamila Amrane a tiré de sa thèse deux livres : Les femmes algériennes dans la guerre (Plon, 1991) et Des femmes dans la guerre d’Algérie (Karthala, 1994).
Gilbert Meynier, après avoir étudié dans sa thèse d’État les débuts du nationalisme algérien dans le premier quart du XXe siècle, a écrit unemagistraleHistoireintérieureduFLN,Fayard,2002, 812 p, ainsi qu’une importante introduction bibliographique à la thèse de Hartmut Elsenhans, La guerre d’Algérie 1954-1962, La transition d’une France à une autre, Le passage de la IVe à la Ve République (Publisud, 2000).
Le politologue Omar Carlier a rassemblé ses principales études sur le nationalisme, l’islam et la révolution en Algérie sous le titre Entre nation et djihad, histoire sociale des radicalismes algériens (Presse de la FNSP, 1995).
Les seuls profils différents sont ceux de deux Algérois rapatriés.
Jean Monneret, enseignant, a tiré un livre de sa thèse sur La phase finale de la guerre d’Algérie (1961-1962) (L’Harmattan, 2001).
Maurice Vaïsse, après avoir d’abord opté pour l’histoire militaire et diplomatique française, a écrit Alger, le putsch (Bruxelles, Complexe, 1983) ; co-édité les actes du colloque de Montpellier Militaires et guérilla dans la guerre d’Algérie (Complexe, 2001), publié la nouvelle série de Documents diplomatiques français commençant en 1954 (Imprimerie nationale, depuis 1987), et Vers la paix en Algérie, les négociations d’Évian dans les Archives diplomatiques françaises (Bruxelles, Bruylant, 2003).
La deuxième génération a été marquée dans ses premiers souvenirs par la guerre d’Algérie, vécue de près ou de loin suivant les cas.
J’ai publié ma thèse sur Les étudiants algériens de l’Université française, 1880-1962 (Paris, Éditions du CNRS, 1984, et Alger, Casbah Editions, 1997), puis De l’empire français à la décolonisation (Hachette, 1991), 1962 : la paix en Algérie (La Documentation française, 1992), Pour une histoire de la guerre d’Algérie (Picard, 2002) et Atlas de la guerre d’Algérie(Autrement, 2003).
Jacques Frémeaux, spécialiste d’histoire militaire, né à Alger, a notamment publié La France et l’Islam depuis 1789 (PUF, 1991) et La France et l’Algérie en guerre, 1830-1870, 1954-1962 (Economica, 2002).
Jean-Charles Jauffret, autre spécialiste d’histoire militaire, a dirigé l’édition des deux premiers volumes de la série La guerre d’Algérie par les documents, t. 1, L’avertissement, 1943-1946, Vincennes, SHAT, 1990, t. 2, Les portes de la guerre, 1946-1954(Vincennes, SHAT, 1998), puis publié la synthèse de ses recherches sur les appelés : Soldats en Algérie, 1954-1962, expériences contrastées des hommes du contingent (Autrement, 2000), ainsi que les actes du colloque de Montpellier Militaires et guérilla dans la guerre d’Algérie (Complexe, 2001, avec Maurice Vaïsse), et de celui de Paris Des hommes et des femmes en guerre d’Algérie (Autrement, 2003).
Benjamin Stora, né à Constantine, a une bibliographie particulièrement riche : Messali Hadj (1898-1974) pionnier du nationalisme algérien (Le Sycomore, 1982, L’Harmattan, 1986) ; Dictionnaire biographique de militants nationalistes algériens (L’Harmattan, 1989) ; Les sources du nationalisme algérien, parcours idéologiques, origines des acteurs(L’Harmattan, 1989) ; La gangrène et l’oubli, La mémoire de la guerre d’Algérie (La Découverte, 1991 et 1998) ; Ils venaient d’Algérie, l’immigration algérienne en France, 1912-1992 (Fayard, 1992) ; co-édition du catalogue de l’exposition La France en guerre d’Algérie (avec Laurent Gervereau et Jean-Pierre Rioux, BDIC-Musée d’histoire contemporaine, 1992) ; Histoire de la guerre d’Algérie (La Découverte, 1992) ; Ferhat Abbas, une utopie algérienne (avec Zakya Daoud, Denoël, 1995) ; Dictionnaire des livres de la guerre d’Algérie, (L’Harmattan, 1996) ; Appelés en guerre d’Algérie (Découvertes Gallimard, 1997) ; Imaginaires de guerre, Algérie-Vietnam, en France et aux Etats-Unis (La Découverte, 1997) ; Le transfert d’une mémoire. De « l’Algérie française » au racisme anti-arabe (La Découverte, 1999).
Daniel Lefeuvre, spécialiste d’histoire économique et sociale, a publié sa thèse Chère Algérie, comptes et mécomptes de la tutelle coloniale, 1830-1962 (Société française d’histoire d’Outre-mer, 1997) et dirigé l’édition des actes du colloque de la Sorbonne en l’honneur de Charles-Robert Ageron, La guerre d’Algérie au miroir des décolonisations françaises.
Jean-Jacques Jordi, né à Alger, d’abord spécialiste de l’immigration espagnole en Algérie, a publié de nombreux ouvrages sur les « rapatriés » : De l’exode à l’exil, rapatriés et Pieds-noirs en France (L’Harmattan, 1993) 1962 : l’arrivée des Pieds-noirs(Autrement, 1995), Les harkis, une mémoire enfouie (avec Mohand Hamoumou, Autrement, 1999), et co-dirigé plusieurs ouvrages collectifs : Marseille et le choc des décolonisations (avec Émile Témime, Aix-en-Provence, Édisud, 1996), Alger 1860-1939, le modèle ambigu du triomphe colonial, et Alger 1940-1962, une ville en guerres (avec Jean-Louis Planche et avec Guy Pervillé, Autrement, 1999).
La troisième génération d’historiens, sans mémoire personnelle de la guerre d’Algérie, est de plus en plus nombreuse. Citons seulement les historiennes et historiens qui ont soutenu et publié [21] des thèses justement remarquées dans les dix dernières années :
Claire Mauss-Copeaux : Appelés en Algérie, la parole confisquée (Hachette, 1999).
Sylvie Thénault : Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie (La Découverte, 2001).
Raphaëlle Branche : La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, (Gallimard, 2001).
Jacques Cantier : L’Algérie sous le régime de Vichy, (Odile Jacob, 2001).
Sybille Chapeu : Des chrétiens dans la guerre d’Algérie, l’action de la Mission de France, Editions de l’Atelier, 2004.
De nombreuses autres thèses sont en préparation. Ainsi, la relève des générations de chercheurs est maintenant assurée pour l’avenir.
Signalons enfin que des historiens non spécialisés dans l’histoire de l’Algérie ont eux aussi contribué au progrès des connaissances, tout particulièrement à l’occasion du colloque pionnier de 1988 La guerre d’Algérie et les Français, qui a réuni 55 historiens [22].
Un essai de bilan
Etant donné le foisonnement des recherches publiées ou en cours, il n’est pas facile de tenter un bilan approfondi de leurs apports. Pour donner une idée de la diversité croissante des problématiques, partons du plan du colloque de 1988 cité plus haut. La guerre sur le terrain et la prise des décisions politiques à Paris étant encore exclues à cause de la fermeture des archives publiques, ses organisateurs avaient voulu défricher systématiquement un champ d’étude encore peu exploré, en invitant les spécialistes des principales approches thématiques de l’histoire à lui appliquer leurs méthodes. D’où son plan, divisé en cinq parties : « 1- La guerre d’Algérie et l’opinion publique en métropole. 2- La guerre d’Algérie et la République. 3- La guerre d’Algérie dans l’évolution économique et sociale de la France. 4- La guerre d’Algérie et la France dans le monde. 5- Séquelles et enjeux de mémoire de la guerre d’Algérie ». Dans sa conclusion, Charles-Robert Ageron distinguait les questions qui avaient reçu des réponses plus précises, mais conformes aux connaissances auparavant acquises, les nouvelles voies qui avaient été ouvertes, et les pistes qui restaient à explorer. Dans la première rubrique, il rangeait les études sur l’évolution de l’opinion publique métropolitaine (bien connue grâce aux sondages), l’engagement des intellectuels, l’impact de la guerre sur les partis, le fonctionnement des institutions et le changement de régime, ainsi que sur la composition démographique et ethnique de la population française. Dans la deuxième, il mentionnait l’impact économique et financier de la guerre, le rôle de l’environnement international et des pressions extérieures, ainsi que l’étude des mémoires collectives et individuelles de la guerre. Enfin, il signalait des lacunes à combler : l’étude quantitative du rôle de la presse et des médias, la guerre des propagandes et les propagandes de guerre, la crise de l’armée, l’OAS, et ce qui avait permis à la France d’échapper à la guerre civile et à un traumatisme national durable [23]. Les colloques qui ont suivi ont combiné davantage les points de vue français et algérien, et diversifié les thèmes traités [24].
En effet, l’ensemble des recherches collectives et individuelles effectuées depuis montre un remarquable élargissement de l’éventail des thèmes. L’évolution de la mémoire collective et du débat public a concentré l’attention de la presse et des médias sur un seul d’entre eux, les crimes de guerre (voire les « crimes contre l’humanité »). Situés dans le prolongement des livres de Pierre Vidal-Naquet, les thèses de Sylvie Thénault sur la justice française et surtout celle de Raphaëlle Branche sur la torture et l’armée française ont eu un très grand retentissement. Au contraire, les livres de l’historien Jean-Paul Brunet [25] sur la répression policière du 17 octobre 1961 ont eu beaucoup moins d’écho parce qu’ils contestaient la méthode et les conclusions chiffrées de ceux de Jean-Luc Einaudi [26]. Le général Maurice Faivre et Jean Monneret ont tenté d’attirer l’attention sur la tragédie des « harkis » et sur celle des Français d’Algérie enlevés en 1962. L’OAS a fait l’objet de quelques études non manichéennes, dont la plus connue est celle d’Anne-Marie Duranton-Crabol, Le temps de l’OAS (Bruxelles, Complexe, 1995).
La nouvelle histoire militaire, concernant tous les aspects matériels et moraux de la vie des soldats, a des perspectives beaucoup plus larges. Elle s’est manifestée notamment par les colloques organisés en commun en 2000 et en 2002 par le CEHD de Vincennes et par le Centre d’histoire militaire de Montpellier, par la grande enquête sur les soldats du contingent dont Jean-Charles Jauffret a tiré la synthèse dans son livre Appelés en Algérie, ainsi que dans la thèse du capitaine Frédéric Médard sur la présence militaire française en Algérie et au Sahara de 1954 à 1967, dont on souhaite une publication plus complète [27].
L’histoire des relations internationales a continué à éclairer le rôle de la politique extérieure française et de celle d’autres États dans l’issue de la guerre d’Algérie. Citons notamment les publications de documents sur Les négociations d’Évian dans les Archives diplomatiques françaises par Maurice Vaïsse [28], l’ouvrage de Klaus-Jürgen Müller et Jean-Paul Cahn sur La République fédérale d’Allemagne et la guerre d’Algérie [29], et celle de l’historienne tunisienne Samya El Mechat sur les États-Unis et l’Algérie, de la méconnaissance à la reconnaissance, 1945-1962 [30].
La politique économique et sociale de la France en Algérie et l’impact de la guerre sur l’économie et la société française, sujets défrichés d’abord par Harmut Elsenhans, ont été repris par Daniel Lefeuvre dans sa thèse Chère Algérie. Ce dernier s’est tourné ensuite vers l’histoire économique et sociale du rapatriement des Français d’Algérie, auquel il consacre un programme de recherche collective avec Jacques Frémeaux.
Le bilan démographique de la guerre, particulièrement lourd pour la population algérienne, a été d’abord exploré par plusieurs articles de Xavier Yacono, Charles-Robert Ageron, et G. Pervillé [31], avant d’être approfondi par le livre du démographe Kamel Kateb, Européns, « indigènes » et juifs en Algérie (1830-1962), Paris, INED et PUF, 2000.
L’histoire de l’immigration algérienne en France est tiraillée entre deux problématiques : l’histoire sociale et politique du nationalisme algérien (illustrée surtout par Benjamin Stora, et par Jacques Simon) d’une part, l’intégration des immigrants et leur apport et économique et démographique à la société française d’autre part. La guerre d’Algérie en métropole fait l’objet d’un nouveau programme de recherche de l’IHTP, dirigé par Sylvie Thénault. Une seule thèse régionale, celle de Jean-René Genty sur L’immigration algérienne dans le Nord-Pas de Calais, 1909-1962, (L’Harmattan, 1999) a été publiée.
L’étude de la mémoire collective de la guerre d’Algérie et de ses rapports avec l’historiographie dans les deux pays concernés a été lancée en 1991 par l’ouvrage pionnier de Benjamin Stora, La gangrène et l’oubli, puis en 1993 par celui de Gilles Manceron et Hassan Remaoun tirant les leçons du colloque de la Ligue de l’enseignement et de l’Institut du monde arabe, D’une rive à l’autre, la guerre d’Algérie de la mémoire à l’histoire. L’interrogation des mémoires individuelles douloureuses des anciens combattants est au centre de la thèse de Claire Mauss-Copeaux, Appelés en Algérie, la mémoire confisquée. La mémoire collective des communautés « rapatriées » a été analysée notamment par Janine Verdès-Leroux [32], et par Jean-Jacques Jordi, celle des « harkis » par le sociologue Mohand Hamoumou [33]. L’analyse des images, qu’elles soient photographiques, cinématographiques ou télévisées, a été défrichée par Benjamin Stora [34], Claire Mauss-Copeaux [35], et Béatrice Fleury-Vilatte [36].
L’évolution de l’opinion publique métropolitaine, le rôle des intellectuels, des forces religieuses, des partis, sont parmi les sujets les mieux explorés (par le colloque de 1988 et ses tables rondes préparatoires). La prise des décisions par les responsables gouvernementaux de la IVe République a intéressé surtout des journalistes (Philippe Bourdrel, Georgette Elgey). Les motivations et les décisions du général de Gaulle ont été étudiées notamment par Charles-Robert Ageron dans de nombreux articles et communications à des colloques sur la décolonisation, par Xavier Yacono, et par Michèle Cointet [37]. Leur processus a été éclairé par des publications de documents : les Archives inédites de la politique algérienne, 1958-1962, citées et commentées par le général Faivre, et les documents diplomatiques relatifs aux négociations et aux accords d’Évian publiés par Maurice Vaïsse. Mais ils n’ont pas fait l’objet d’une étude systématique comparable aux thèse pionnières de Fabien Dunand et de Hartmut Elsenhans.
L’histoire de la révolution algérienne a bénéficié de tous les travaux antérieurs sur le nationalisme algérien [38]. Elle a combiné des approches variées (histoire socio-culturelle par Omar Carlier et par Guy Pervillé, histoire des femmes par Djamila Amrane), et n’a pas négligé les tendances politiques tombées en disgrâce : le messalisme étudié par Benjamin Stora, Jacques Simon, ou Jacques Valette, Ferhat Abbas par Benjamin Stora, le PCA par l’historien israélien Emmanuel Sivan [39]. L’histoire critique du FLN, fondée par les ouvrages pionniers de Mohammed Harbi, a été complétée par les travaux des autres historiens algériens [40], mais elle a surtout été considérablement approfondie par la monumentale Histoire intérieure du FLN [41]due à Gilbert Meynier. Celle-ci, jointe à la thèse enfin publiée de Hartmut Elsenhans sur le versant français de la guerre d’Algérie, forme le deuxième volet d’un diptyque rassemblant la plus grande somme d’informations et d’analyses actuellement disponible. Signalons néanmoins deux essais de synthèse moins détaillés publiés en 2002, l’un par l’auteur du présent article (Pour une histoire de la guerre d’Algérie), et l’autre par Jacques Frémeaux (La France et l’Algérie en guerre).
Ce trop bref tour d’horizon ne prétend pas citer exhaustivement tous les auteurs et tous les ouvrages qui ont apporté leur contribution à l’histoire de la guerre d’Algérie, mais seulement donner une idée de la diversité et de la richesse croissantes de ses problématiques, propre à décourager toute tentative de bilan complet [42]. Il ne faudrait pourtant pas en conclure que le champ des recherches encore à faire est en voie d’épuisement, bien au contraire. Pour les jeunes historiens, marqués par l’héritage de l’école des Annales, la tentation est forte de définir des problématiques audacieuses, en dédaignant l’histoire événementielle considérée comme suffisamment connue. Et pourtant, notre connaissance des événements reste largement tributaire des publications antérieures, œuvres d’acteurs, de témoins et de journalistes, qui étaient les principales sources d’information avant l’ouverture de la majeure partie des archives publiques françaises. C’est pourquoi elle souffre de graves insuffisances qu’il convient de corriger [43] ;
De nombreux auteurs ont cru devoir présenter des synthèses globales de la guerre d’Algérie sans disposer des monographies et des synthèses partielles que les maîtres de l’école méthodique jugeaient un préalable indispensable à toute généralisation bien fondée : « une vie d’analyses pour une heure de synthèse » (Fustel de Coulanges). Notre connaissance des faits privilégie les « grands événements » qui ont retenu l’attention des journalistes parce qu’ils se sont déroulés, le plus souvent, à Alger ou à Paris. Mais elle laisse dans l’ombre ou le flou de larges intervalles chronologiques et de vastes espaces géographiques [44], parce que les témoignages qui les concernent sont très dispersés et fragmentaires. C’est pourquoi nous avons besoin de séries de monographies locales ou régionales, couvrant toute la durée de la guerre, et permettant des comparaisons systématiques avant toute généralisation. Étant donné la répartition très inégale de la population dite européenne (y compris les juifs autochtones) à travers l’espace algérien, il conviendrait d’établir des séries de monographies urbaines, en distinguant les villes ayant eu longtemps une majorité non musulmane (Oran, Alger...) et celles qui ont toujours conservé une majorité musulmane absolue ou relative (Tlemcen, Constantine). De même, il conviendrait d’étudier séparément les campagnes fortement marquées par la colonisation (plaines d’Oranie et des environs d’Alger) et celles qu’elle n’a pas directement touchées (montagnes de Kabylie, de l’Aurès, du Nord-Constantinois), en distinguant également les régions arabophones et les berbérophones. Or, les études monographiques sont encore trop rares [45]. Et même les grands événements, tels que la « bataille d’Alger » ou la « bataille de Paris », souvent abordées dans un esprit journalistique ou militant, sont encore loin d’être suffisamment bien connus.
D’autre part, les contraintes de la thèse nouveau régime en trois ans et l’accès aux archives plus facile en France qu’en Algérie ont contribué à limiter le plus souvent les sujets de recherche au versant français de la guerre, et à les inscrire par là dans la perspective des querelles franco-françaises de l’époque. C’est ainsi que plusieurs thèses récemment publiées ont attiré l’attention sur les aspects les plus sombres de l’action de l’armée française : les directives draconiennes données au printemps 1955 pour déclencher une guerre totale contre les « hors-la-loi » (citées par Claire Mauss-Copeaux [46]), la soumission de la justice au pouvoir politique et au pouvoir militaire (Sylvie Thénault), la diffusion de la torture, des exécutions sommaires et d’autres violences illégales dans l’armée française (Raphaëlle Branche). Ces publications, faites en pleine recrudescence de la guerre des mémoires antagonistes, l’ont alimentée en fournissant des arguments aux accusateurs de la torture pratiquée par l’armée française, sans prendre suffisamment en compte le fait que celle-ci n’en avait pas le monopole. Au contraire, les recherches historiques pourraient aider à dépasser les vieux débats et les vieux combats en se situant dans une perspective comparative, et en mettant l’accent sur les interactions entre les comportements des deux camps qui sont le propre de toute guerre, si inégales que soient les forces en présence. Le livre de Gilbert Meynier a démontré que des études approfondies sur le côté algérien de la guerre étaient possibles, même sans avoir encore accès aux archives nationales algériennes. Nous pouvons donc souhaiter que désormais les recherches historiques sur la guerre d’Algérie procèdent par des enquêtes parallèles dans les deux pays sur des sujets analogues (avec échanges d’informations), ou par des synthèses prenant en compte l’interdépendance entre les adversaires qui est une des régularités les mieux établies par l’histoire comparée des conflits.
Ainsi, sans vouloir présenter un bilan triomphal des progrès de l’histoire de la guerre d’Algérie, nous pouvons conclure que les historiens ne sont pas les principaux responsables de la situation déplorée par Bertrand Le Gendre. Si l’apport des recherches historiques n’est pas davantage pris en compte dans le débat public, n’est-ce pas d’abord le fait des journalistes qui se sont chargés de l’orienter et qui auraient dû l’éclairer ? Mais pour être juste, il faut néanmoins reconnaître que même les historiens les plus spécialisés dans ce sujet ont de plus en plus de mal à se tenir au courant de toutes les publications de mémoire et d’histoire, et à en faire la synthèse. C’est pourquoi, au lieu de se laisser entraîner dans la guerre des mémoires, ils devraient consacrer tous leurs efforts à la dépasser [47] en intensifiant leur collaboration scientifique à travers les frontières, et en faisant mieux connaître ses résultats dans leur société. S’ils réussisssent à jouer ce rôle, indépendamment des groupes de pression et des pouvoirs publics, peut-être verrons-nous enfin la mémoire de la guerre d’Algérie se transformer en histoire.
Guy Pervillé, professeur à l’Université de Toulouse-Le Mirail.
NB : Cet article fait partie d’un dossier sur « La guerre d’Algérie 1954-1962 », pp. 221-328, coordonné et présenté par Jean-Charles Jauffret.
En plus de mes deux contributions, on y trouve celles de
Benjamin Stora, Guerre d’Algérie, les instruments de la mémoire,
Jacques Frémeaux, Les Français d’Algérie en 1954 : un ensemble fragile,
Daniel Lefeuvre, L’Algérie en 1954 : une société en crise,
André-Paul Comor, La guerre d’Algérie et le haut- commandement jusqu’au 13 mai 1958,
Frédéric Médard, Les projets d’intervention militaire en Tunisie et au Maroc,
Albert Montagne, Pour en finir une bonne fois pour toutes avec la censure du cinéma français,
Gilbert Meynier, La "révolution" du FLN,
et une table ronde : « La guerre d’Algérie au collège et au lycée : un sujet dépassionné », par Pierre Kerleroux, Hélène Papadopoulos, Corinne Talon, Eric Till.
Pour tous renseignements et abonnements, s’adresser à l’APHG, BP 6541, 75065 Paris Cedex, tel. 01 42 33 62 37, fax 01 42 33 12 08.
[1] Y compris les publications faites en Algérie, dans la mesure où j’ai pu les prendre en compte. J’ai parfois recensé des ouvrages publiés en anglais.
[2] « Quinze ans d’historiographie de la guerre d’Algérie (1962-1977) », in Annuaire de l’Afrique du Nord 1976, Editions du CNRS 1978, complété par une chronique historiographique régulière dans les AAN 1978 à 1992. La suite, couvrant les années 1993-1997, n’a pas pu être publiée dans l’AAN 1997, et se trouvera sur mon site Internet http://guy.perville.free.fr.
[3] Une deuxième distinction doit être faite entre ceux qui publient en arabe - la langue nationale officielle - et ceux qui publient en français ou une autre langue étrangère.
[4] Malgré la publication d’un premier ouvrage de référence encore utile par deux historiens, Bernard Droz et Evelyne Lever, Histoire de la guerre d’Algérie, Le Seuil, 1982.
[5] Hartmut Elsenhans, La guerre d’Algérie 1954-1962. La transition d’une France à une autre. Le passage de la IVe à la Ve République. Préface de Gilbert Meynier, Publisud, 2000, 1072 p. L’auteur a eu le mérite supplémentaire de mettre à jour ses notes et sa bibliographie.
[6] Auteur d’une thèse pionnière de science politique, L’indépendance de l’Algérie, décision politique sous la Ve République, Berne, Peter Lang, 1977, trop peu connue en France.
[7] Auteur du premier livre qui a tiré de l’oubli la répression de la manifestation algérienne du 17 octobre 1961, La bataille de Paris, 17 octobre 1961, Editions du Seuil, 1991.
[8] Voir G. Pervillé, Pour une histoire de la guerre d’Algérie, Picard, 2002, pp. 298-299, et « La revendication algérienne de repentance unilatérale de la France », revue Némésis, Presses universitaires de Perpignan, 2004, n° 5, pp. 103-140.
[9] Services secrets, Algérie, Paris, Perrin, 2001.
[10] Sous la direction de Michel de Jaeghère, Paris, Éditions Contretemps, 2001.
[11] Par exemple Raphaël Delpard, Les oubliés de la guerre d’Algérie, Éditions Michel Lafon, 2003.
[12] Quelques auteurs ont pourtant essayé de présenter des mises au point impartiales, comme Jacques Duquesne, Pour comprendre la guerre d’Algérie, Perrin, 2001, et Philippe Bourdrel, Le livre noir de la guerre d’Algérie, Plon, 2003.
[13] Gallimard, 2001.
[14] G. Pervillé, « Les historiens de la guerre d’Algérie et ses enjeux politiques en France », communication au colloque La politique du passé, les usages politiques de l’histoire en France du début des années 1970 à nos jours, disponible sur le site Internet du Centre d’histoire sociale du XXe siècle : http//histoire-sociale.univ-paris1.fr, et sur le mien, http//guy.perville.free.fr.
[15] Ce tome 1, L’avertissement, couvre la période 1943-1946. Le tome 2, Les portes de la guerre, 1946-1954, prêt en 1990, n’est paru qu’en 1998. La suite de la série paraît abandonnée.
[16] Une tribune libre de cinq historiens et un sociologue dans Le Monde, 10-11 juin 2001, sur « Les historiens et la guerre d’Algérie », rappelle que « c’est à l’autorité politique d’assumer ses responsabilités et celles de ses prédécesseurs », et dénonce la persistance inavouée de la politique du secret (« Les archives civiles sont encore verrouillées, et toute recherche sur l’Algérie ressemble à une course d’obstacles, de dérogation en dérogation. Une nouvelle loi sur les archives s’impose »).
[17] Une importante directive du 19 juin 1955, librement consultée et citée par Claire Mauss-Copeaux dans son livre, Appelés en Algérie, la parole confisquée, Hachette, 1999, p. 171, est maintenant soumise à dérogation.
[18] G. Pervillé, Pour une histoire de la guerre d’Algérie, Picard, 2002, pp. 326-334.
[19] Précédé par deux tables rondes sur La guerre d’Algérie et les chrétiens et La guerre d’Algérie et les intellectuels français , Cahiers de l’IHTP n° 9 et 10 (octobre et novembre 1988). Le second a été republié en un livre, sous la direction de Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli, Bruxelles, Complexe, 1993.
[20] Il ne s’agit pas de citer tous les travaux réalisés ou publiés par ces historiens, mais seulement ceux qui sont en rapport direct avec la guerre d’Algérie.
[21] D’autres thèses mériteraient d’être publiées, par exemple celle du capitaine Frédéric Médard sur La présence militaire française en Algérie entre archaïsme et modernité, aspects techniques, logistiques et scientifiques, Montpellier, Université Paul-Valéry, 1999.
[22] Rappelons que le même champ avait été déjà défriché en 1974 par le seul Hartmut Elsenhans.
[23] La guerre d’Algérie et les Français, op. cit., pp. 617-626. Le dernier point semble avoir été démenti depuis par la recrudescence de la « guerre des mémoires ».
[24] Par exemple le colloque La guerre d’Algérie et les Algériens, réunissant huit historiens algériens et huit français, a exploré trois thèmes : « « La guerre de libération algérienne : aspects militaires, politiques et institutionnes, la propagande de guerre des Algériens, la mémoire de la guerre d’indépendance ». Le récent ouvrage collectif La guerre d’Algérie, 1954-2004, la fin de l’amnésie, en aborde quatre : « Institutions, Acteurs, Violences, Représentations ».
[25] Police contre FLN, le drame d’octobre 1961, Flammarion, 1999, et Charonne, lumières sur une tragédie, Flammarion, 2003.
[26] La bataille de Paris, 17 octobre 1961, Le Seuil, 2001, et Octobre 1961, un massacre à Paris, Fayard, 2001.
[27] Publication partielle : Technique et logistique en guerre d’Algérie, l’armée française et son soutien, 1954-1962, Éditions Lavauzelle, 2002.
[28] Cf. l’étude de Marc Perrenoud sur « La Suisse et les accords d’Evian », Revue Politorbis, Berne, Département fédéral des Affaires étrangères, n° 31, 2/2002.
[29] Éditions Le Félin, 2003.
[30] L’Harmattan, 1997.
[31] Voir ma mise au point la plus récente, « La guerre d’Algérie : combien de morts ? », dans La guerre d’Algérie, 1954-2004, la fin de l’amnésie.
[32] Les Français d’Algérie de 1830 à aujourd’hui, une page d’histoire déchirée, Fayard, 2001. Cf. Éric Savarese, L’invention des Pieds-noirs, Éditions Séguier, 2002.
[33] Et ils sont devenus harkis, Fayard, 1993 (version condensée de sa thèse sur Les Français musulmans rapatriés, archéologie d’un silence, EHESS,1991). Voir aussi Les harkis, une mémoire enfouie, par Jean-Jacques Jordi et Mohand Hamoumou, Autrement, 1999.
[34] Benjamin Stora et Laurent Gervereau (s. dir.) Photographier la guerre d’Algérie, Paris, Marval, 2004. Sur le cinéma, voir Bejamin Stora, Imaginaires de guerre, Algérie-Vietnam, en France et aux Etats-Unis.
[35] Á travers le viseur, images d’appelés en Algérie, 1955-1962, Lyon, Aedelsa, 2003.
[36] La mémoire télévisuelle de la guerre d’Algérie, 1962-1992, L’Harmattan, 2003.
[37] De Gaulle et l’Algérie française, 1958-1962, Perrin, 1996.
[38] Notamment la thèse de Mahfoud Kaddache, Histoire du nationalisme algérien, 1919-1951, Alger, SNED, 1980.
[39] Communisme et nationalisme en Algérie, 1920-1962, Presses de la FNSP, 1976.
[40] Notamment Slimane Chikh, L’Algérie en armes, ou Le temps des certitudes, Paris, Economica, et Alger, OPU, 1981, et Mohammed Teguia, L’Algérie en guerre, Alger, OPU, 1981.
[41] Complétée en 2004 par Le FLN, textes et documents, même éditeur, en collaboration avec Mohammed Harbi.
[42] Pour des bibliographies plus complètes, voir celle de mon ouvrage cité, Pour une histoire de la guerre d’Algérie, pp. 324-334, et surtout celles de Gilbert Meynier et de Hartmut Elsenhans, op. cit. Voir aussi les notices de Benjamin Stora, Le dictionnaire des livres de la guerre d’Algérie, L’Harmattan, 1996.
[43] Pour plus de précision, voir ma communication au colloque La guerre d’Algérie dans la mémoire et l’imaginaire, intitulée « La guerre d’Algérie revisitée : zones d’ombre, points aveugles ».
[44] Voir notre Atlas de la guerre d’Algérie (Autrement, 2003, cartographie de Cécile Marin), essai de penser géographiquement la guerre d’Algérie.
[45] La thèse pionnière de Miloud Karim Rouina, Essai d’étude comparative de la guerre d’indépendance de l’Algérie de 1954-1962 à travers deux villes, Oran et Sidi-Bel-Abbès, Université de Montpellier III, 1980, est restée inédite.
[46] La directive du général Allard (SHAT 1 H 1944/1), citée par Mauss-Copeaux, op. cit., p. 161, et par Meynier, op. cit., p. 284, semble confirmer ce qu’avait écrit Yves Courrière, Le temps des léopards, p. 113.
[47] Cf. Claude Liauzu, « Décolonisation, guerres de mémoires et histoire », dans l’Annuaire de l’Afrique du Nord 1998.
Guy Pervillé
Article publié dans Historiens et géographes, revue de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie de l’enseignement public, n° 388, octobre 2004, pp. 225-236.
http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3?id_article=23
Les commentaires récents