Contre toute attente, ce jeune ouvrier algérien remporta le marathon des Jeux olympiques 1928. Avant de tomber dans l’oubli… Une mini-série d’Arte, “El ouafi Boughera, le marathonien de l’histoire”, retrace son exploit puis sa chute, et en profite pour éclairer certains aspects du sport dans les colonies françaises. Concis et instructif.
Il fut un temps où les Africains ne régnaient pas sur le marathon. Quand le Français d’origine algérienne El ouafi Boughera entre seul dans le stade olympique d’Amsterdam pour remporter celui des Jeux 1928, c’est une immense surprise. On attendait plutôt un Finlandais.
C’est pourtant sa foulée aérienne que les spectateurs découvrent, et que cette mini-série documentaire dévoile. Quatre épisodes de six minutes mêlant images d’archives, dessins et analyses d’historiens déroulent la vie du marathonien tout en élargissant le point de vue sur la pratique du sport dans les colonies françaises.
Né en 1898, El ouafi fait partie des 173 000 engagés coloniaux de la Première guerre mondiale. Après l’armistice, il est manœuvre chez Renault, à Billancourt. « Les travailleurs coloniaux occupaient les plus bas postes de la hiérarchie automobile, sans possibilité de se former ni d’évoluer dans l’entreprise », explique l’historienne Naïma Yahi. « Le sport était un moyen d’émancipation et de conscientisation politique. »
Première médaille d’or olympique pour un athlète français venant d’Afrique
Et El ouafi Boughera va s’y jeter à corps perdu. Sa vie se partage entre de longues journées de travail et des séances d’entraînement harassantes le soir et le week-end. De quoi occuper toute une vie mais aussi finir par gagner une médaille d’or olympique. La toute première pour un athlète français venant d’Afrique. A l’époque, comme le rappelle Naïma Yahi, « penser que l’on puisse donner à un “Algérien” l’opportunité d’incarner la France relevait de la science-fiction ».
C’est peut-être une raison des malheurs qui l’attendent. Quand, après son titre, les Etats-Unis lui offrent une tournée tous frais payés dans leur pays, il est soupçonné de professionnalisme et radié de la Fédération française d’athlétisme. Pendant l’entre-deux-guerres, le sport ne doit jamais se confondre avec l’argent. Une façon pour les riches, qui ont le temps et les moyens d’en faire, de rester entre eux. Résultat : El ouafi Boughera retombe lentement dans la misère qu’il connaissait avant sa médaille d’or. Et connaît une mort soudaine, dont cette série à la fois concise, instructive et émouvante traduit la brutalité, au bout d’un dernier épisode sur la guerre d’Algérie.
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