De son propre aveu, l'écrivain Akli Tadjer n'a jamais fait face à une telle situation, en 20 ans d'écriture et de rencontres dans des établissements scolaires. Sur Facebook, il a partagé l'email envoyé par une enseignante de la Somme, qui lui fait part de réactions racistes de ses élèves face à l'étude d'un livre de Tadjer, Le Porteur de cartable. Les élèves ont déclaré que l'auteur n'était pas français, et l'un d'entre eux a refusé de lire un extrait qui contenait le prénom « Messaoud ».
L'écrivain franco-algérien Akli Tadjer a publié sur Facebook, le 27 septembre dernier, la capture d'écran d'un email envoyé par une enseignante d'une classe de première dans un lycée de la Somme. Elle y évoque la présentation de son livre Le Porteur de cartable à ses élèves, et la réaction de certains d'entre eux. « Et donc, il y a eu une levée de boucliers de certains élèves car l'auteur n'est pas Français [...], l'histoire ne concerne pas la France (ils ne savaient pas que l'Algérie avaient (sic) été française) et il y a du vocabulaire en arabe... »
L’enseignante évoque également le refus d’un élève de lire un extrait de l’ouvrage à voix haute pour ne pas prononcer le prénom Messaoud.
Contacté par ActuaLitté, Akli Tadjer nous explique avoir rencontré l'enseignante pendant les vacances dans la Librairie Livres enchantés de Chaulnes. « C'est la première fois, en 20 ans de rencontres scolaires, que je fais face à une telle réaction», nous précise l'auteur du Porteur de cartable. « J'en ai fait beaucoup lorsque ce roman a été publié [en 2002 chez JC Lattès, NdR], car ce récit permettait aux enseignants d'aborder la guerre d'Algérie et de travailler avec l'adaptation en support visuel. »
En effet, Le Porteur de cartable a été adapté en film, réalisé par Caroline Huppert. « L'histoire de cette amitié entre deux garçons, dont le père de l'un est indépendantiste et celui de l'autre pied noir, est un roman réconciliateur et sans violence, même si cette dernière est dans la tête de certains protagonistes », détaille Akli Tadjer.
Le résumé de l'éditeur pour Le Porteur de cartable :
Paris, mars 1962. En cette fin de guerre d’Algérie, Omar, dix ans, porteur de cartable de FLN, fait la collecte auprès des militants du réseau Turbigo, le petit monde pittoresque des immigrés du quartier des Halles. Tout est clair dans sa tête, jusqu’au jour où « l’ennemi », Raphaël, — même âge — rapatrié d’Algérie, « naufragé de l’histoire », débarque sur son palier.
Une rencontre avec les lycéens
Après la publication de cet extrait d'email, Akli Tadjer a reçu des messages de soutien, nombreux, mais a aussi constaté que de nombreux sites reprenait sa publication pour « m'insulter : j'ai le cuir un peu épais, j'ai entendu des choses, mais les voir écrites, on a l'impression que cela les rend ineffaçables ». Les dérapages s'amplifient : « Le roman se passe en 1962, il ne parle pas une seconde d'islam, mais ces sites l'utilisent pour évoquer l'islam, sans raison. » L'auteur envisage d'ailleurs de porter plainte contre ces publications.
Recontacté par l'enseignante depuis sa publication sur Facebook, l'auteur doit convenir avec elle d'une autre date pour une rencontre avec les lycéens. Actuellement en stage, les élèves devraient rencontrer l'enseignante et la CPE à leur retour, et suivre un atelier contre les discriminations.
« Nous devions faire cette rencontre dans une librairie, mais je préfère la faire dans leur lycée, pour être sûr que les élèves seront présents », explique Akli Tadjer. « Il est important d'en parler face à face et de comprendre l'histoire surtout dans la région, où il n'y a pas beaucoup de personnes d'origine étrangère. Et c'est d'autant plus important que leur région a été marqué par les guerres et l'engagement, notamment, d'Indiens dans le conflit, au cours de la Première Guerre mondiale. »
« Je pense que la parole s’est libérée », déplore Akli Tadjer, « avec les réseaux sociaux et l'intervention, sans filtre, de certaines personnes à la télévision. Les mômes qui n’ont que cela comme divertissement ou possibilité d'éducation se retrouvent avec ces modèles, des gens qui s’insultent et s’invectivent », constate l'écrivain.
https://www.actualitte.com/article/monde-edition/somme-le-livre-d-akli-tadjer-auteur-franco-algerien-rejete-par-des-lyceens/91166
En 1962, à Paris, le jeune Omar Boulawane est un Algérien qui est né et a grandi en France. Son père appartient au FLN dont les réunions clandestines se déroulent chez lui. Omar aide son père dans sa lutte, en récoltant des fonds pour le réseau. C'est alors qu'arrive, sur le même palier, une famille de pieds-noirs, rapatriée d'urgence. Malgré l'opposition de son père, Omar se lie d'amitié avec Raphaël, du même âge que lui, et qui fréquente son école. Mais pour le jeune Raphaël, qui n'a connu que l'Algérie, vivre en France est un vrai cauchemar...
Une façon originale, pleine d'humanité, de parler de la guerre d'Algérie à travers le regard naïf de deux enfants. Le jeu et les rêves, la vie l'emportent sur la rancoeur des adultes.
Akli Tadjer
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