Jack Lang
Suite à la polémique engagée sur l’enseignement de l’arabe en France, Libé a interviewé Jack Lang, ancien ministre de la Culture et de l’Education nationale et actuel président de l’Institut du Monde arabe, un homme qui connaît de près ces enjeux linguistiques.
Libé : Vous avez déjà déclaré qu’en France on n’enseigne pas assez l’arabe. Est-ce que votre déclaration est toujours de mise après la polémique engagée en France autour de ce sujet ?
Jack Lang : Oui absolument, je trouve anormal que dans un pays lié au monde arabe de diverses manières, l’arabe soit si peu enseigné dans les écoles publiques aussi bien à l’école primaire, qu’au collège et au lycée. Quand j’ai été moi-même ministre de l’Education nationale, j’avais mis au point un plan de développement de la langue arabe depuis la petite école jusqu’à l’université. Je demande que les pouvoirs publics prennent des mesures pour que cette langue, la 5ème pratiquée au monde, soit apprise par les élèves s’ils le souhaitent. Il faut donner la possibilité concrète de le faire.
A l’Institut du monde arabe, on offre un enseignement de grande qualité et malheureusement on doit refuser des élèves petits ou grands, faute de place. Ce qui montre qu’il y a une demande et une attente. Et si l’école publique ne fait pas son travail, ce sont des officines islamistes ou autres qui vont enseigner l’arabe d’une façon orientée en prodiguant parfois des idéologies obscurantistes.
Pourquoi à votre avis l’école publique en France ne joue pas son rôle pour enseigner une langue aussi importante que l’arabe ?
Je dirais globalement que depuis quelques années, il y a un recul du plurilinguisme. Il y a d’abord la langue nationale qu’il faut enseigner solidement et sérieusement. Ensuite, l’anglais finit par devenir la principale langue étrangère, ce n’est pas normal que d’autres langues soient sacrifiées, l’allemand, l’italien, un peu moins l’espagnol. Le chinois réussit à se faire une petite place. Mais moi, je considère que dans un pays comme la France, on doit donner aux jeunes la possibilité d’apprendre des langues vivantes et apprendre deux langues vivantes étrangères parfaitement. On observe que plus on apprend des langues, mieux on les parle. D’ailleurs, l’exemple marocain est là, vous-même vous parlez souvent et le français et l’arabe et parfois aussi le berbère.
Ne croyez-vous pas qu’enseigner l’arabe en France présente un enjeu politique, vu les relations de la France avec l’Orient, la guerre d’Algérie, la polémique virulente dans les médias chaque fois qu’on parle de cette langue malgré sa présence très ancienne dans les universités françaises depuis François Ier ?
En France, il y a quelques extrémistes, quelques imbéciles, quelques crétins. Il y a partout des crétins, des imbéciles et des ignorants. Il y a aussi des xénophobes qui utilisent n’importe quel sujet pour faire peur et pour créer l’angoisse et l’inquiétude. Ceux qui ont suscité la polémique contre l’enseignement de l’arabe sont en vérité des xénophobes et leurs arguments sont absurdes. Je crois que le devoir de la République, c’est de dire « nous devons prendre toutes les mesures pour enseigner la langue arabe. C’est une très grande langue de civilisation et de culture qui par ailleurs offre aux élèves qui l’apprennent à la fois des débouchés et des possibilités de travail et d’emploi mais également un savoir et une culture.
Quels sont les grands axes de la programmation de l’Institut du monde arabe cette année ?
Parler de la programmation de l’IMA en quelques minutes, c’est presque impossible. Cette année, on a une programmation très dense et riche. En ce moment, on consacre la programmation au poète palestinien Mahmoud Darwich. Des concerts, des chorégraphies, des expositions, des spectacles, les temps forts seront samedi et dimanche. Ensuite, on va braquer les projecteurs sur des pays, par exemple sur la musique des jeunes Tunisiens, un peu plus tard sur la musique électronique marocaine. Puis, il y a un très grand événement consacré à Palmyre, Alep et Mossoul, trois cités millénaires qui ont été attaquées par Daech. Grâce à de nouvelles technologies, nous avons ressuscité les trois cités. Ce sera une découverte magique et étonnante et on pourra découvrir ces villes comme elles étaient avant d’être attaquées par Daech, tel qu’elles sont aujourd’hui et comment elles peuvent devenir s’il y a un jour une véritable restauration. Ensuite, il y aura d’autres manifestations sur le football et le monde arabe.
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