Après avoir réussi à créer le buzz à des fins promotionnelles, l'ancien ambassadeur de France à Alger continue de surfer sur la vague de ses déclarations incendiaires concernant son mandat diplomatique en Algérie. Mardi soir, et sur France Inter, Bernard Bajolet, l'«ambassadeur peu diplomate», a tenu à apporter des éclaircissements sur les propos qu'il a tenus lors de l'interview accordée vendredi dernier au Figaro, sur l'état de santé de Bouteflika, expliquant que «c'est une question politique qui dépasse les relations humaines». Interrogé si le président de la République algérienne est «toujours en vie», Bajolet a répondu laconiquement : «Je crois pouvoir répondre par l'affirmative», lui, pourtant qui affirmait, quelques jours plus tôt, que Bouteflika était maintenu «artificiellement en vie». Des propos qui ont fait réagir Paris, face au tollé général soulevé en Algérie, et qui s'est démarquée officiellement des déclarations de son ancien ambassadeur en Algérie. Samedi dernier, Xavier Driencourt, l'actuel ambassadeur de France à Alger, s'est exprimé, à propos de cette affaire, indiquant que «Bernard Bajolet s'exprime à titre personnel, à titre privé.
Il n'engage en aucun cas, je dis bien en aucun cas, le gouvernement, le président et l'administration française. Il s'exprime en son nom personnel». Revenant sur ses déclarations sur Bouteflika, Bajolet a voulu dépassionner le débat, précisant qu'il a «entretenu une relation chaleureuse avec le président Bouteflika», éprouvant pour lui «du respect et même de l'affection». Et comme pour répondre à Driencourt, son successeur à Alger, il souligne l'attachement de son pays «à la stabilité et à la prospérité de l'Algérie», «un objectif important» pour la France et le pourtour méditerranéen, ajoute-t-il, expliquant encore que «la stabilité ne signifie pas l'immobilisme». Xavier Driencourt a rappelé que Bernard Bajolet a occupé, «il y a plus de dix ans», le poste qui est le sien aujourd'hui, « il sait combien ces fonctions sont importantes, délicates et compliquées». Il tiendra à rappeler le rôle d'un ambassadeur français à Alger qui «n'est pas de remettre de l'huile sur le feu». Sur France Inter, l'ancien diplomate est revenu sur la question mémorielle, accusant le pouvoir algérien en place «de continuer à se légitimer en s'appuyant sur la critique de la colonisation». Au Figaro, il a déclaré que «la nomenklatura algérienne, issue ou héritière de la guerre d'Algérie, a toujours besoin de se légitimer en exploitant les sentiments à l'égard de l'ancienne puissance coloniale» tout en évoquant «les relations difficiles» entre l'Algérie et la France. Il estime aussi que les Algériens sont peu réceptifs aux derniers gestes de Macron dans la reconnaissance de la responsabilité de l'État français dans l'assassinat de Maurice Audin, d'une part et d'autre part les honneurs rendus aux harkis. «Des questions franco-françaises» dans l'esprit des Algériens, explique-t-il.
Un dossier sensible aux yeux d'Alger qui a valu à l'ancien président français Sarkozy «une véritable scène» de la part de Bouteflika, lors de sa visite à Alger en décembre 2007, raconte encore l'auteur du «Le soleil ne se lève plus à l'Est, mémoires d'Orient d'un ambassadeur peu diplomate». Dans ses mémoires, Bajolet est revenu notamment sur son passage en Algérie dans les années 1970 et entre 2006 et 2008, critiquant ouvertement la politique économique du gouvernement, évoquant la corruption et les blocages liés à l'Histoire entre l'Algérie et la France tout en réclamant l'ouverture des archives du FLN.
par Moncef Wafi
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5266767
Bernard Bajolet, de la « piscine » à l'offshore
Après avoir été le patron de la DGSE de 2013 à 2017, cet ancien diplomate passé maître du renseignement s'apprête à naviguer en eaux plus calmes. De la « piscine " aux plates-formes pétrolières, quelques brassées suffiront à Bernard Bajolet pour prendre sa place au sein de SBM Offshore. A 68 ans, Bernard Bajolet, allure sévère, regard droit, lèvres pincées, entre au conseil de surveillance de ce groupe néerlandais, spécialisé dans la construction de plates-formes maritimes et la prestation de services aux ténors de l'industrie pétrolière et gazière offshore.
Mais SBM Offshore doit surtout sa notoriété à son passé tumultueux. Des affaires de corruption et de pots-de-vin ont été mises au jour dans plusieurs pays, de l'Angola au Brésil, en passant par la Guinée équatoriale, l'Irak et le Kazakhstan. Au total, l'entreprise a déboursé 760 millions de dollars en amendes et transactions devant la justice américaine, néerlandaise et brésilienne entre 2014 et 2017 pour des infractions devenues monnaie courante des années durant. On attend désormais de Bernard Bajolet qu'il assure un avenir « clean " à SBM Offshore. Sa mission : traquer le moindre écart à tous les échelons de l'entreprise pour éviter de nouveaux déboires judiciaires. Ce Lorrain d'origine, proche de François Hollande et ardent défenseur des secrets d'Etat, s'est acquitté de missions ardues, dont la libération de plusieurs otages français ou le déclenchement d'opérations antiterroristes clandestines. Avec sa barbichette et sa moue bourrue, l'ex-homme du renseignement, qui fut, dès 2011, ambassadeur de France à Kaboul, où il a échappé à des attentats, a fait une grande partie de sa carrière au Quai d'Orsay. Le ministère des Affaires étrangères lui ouvre la porte dès sa sortie de l'ENA en 1975, où sa promotion comptait aussi Martine Aubry, Pascal Lamy et Alain Minc.
Muté à Sarajevo
A partir de 1998, ses nominations au poste d'ambassadeur de France s'enchaînent : Jordanie, Bosnie-Herzégovine, Irak, Algérie, Afghanistan... En 1986, il avait déjà été nommé premier conseiller de la représentation française à Damas. On le dit tempétueux, opiniâtre, capable de se fâcher avec tout le monde, mais aussi intègre, fidèle et courageux. En 1999, une remarque caustique à Lionel Jospin, alors Premier ministre, lui a valu d'être muté à Sarajevo. Qu'importe. Il y a appris le croate pour mieux contribuer à traquer les criminels de guerre. Le parcours de cet expert parlant arabe et connaissant les us et coutumes de nombre de pays producteurs de pétrole au Moyen-Orient n'a pas échappé à SBM Offshore. Outre son carnet d'adresses gros comme un Bottin, Bernard Bajolet dispose surtout d'une aptitude naturelle à régler les affaires les plus délicates au milieu du chaos. Sans compter son appétence sans pareille pour les relations internationales. N'a-t-il pas rouvert la représentation française dans un Irak en ruine en 2003 ? Cette photo à bord d'un avion militaire inconfortable, en costume-cravate au milieu de soldats en treillis, en témoigne : Bernard Bajolet n'a pas froid aux yeux.
Après avoir été en première ligne, ce diplomate discret, rodé au gilet pare-balles, finit par développer le goût de l'ombre. Entre 2008 et 2011, il étrenne le poste de coordinateur national du renseignement auprès du président de la République que crée Nicolas Sarkozy. « J'adhère à la philosophie de Nicolas Sarkozy, mais je ne suis pas un militant politique », précise-t-il alors pour s'affranchir de toute étiquette. Du reste, vu ses états de service hors norme durant ces trois années, ce maître espion se retrouve dans les petits papiers du nouveau président, François Hollande, qui le nomme directeur général de la DGSE en avril 2013. Le courant passe bien entre les deux hommes qui se connaissent de longue date et se tutoient. En dépit de la limite d'âge prévue par la loi qu'il atteint, Bernard Bajolet est maintenu en poste jusqu'en mai 2017 à la faveur d'un amendement sur mesure.
Désormais dans le privé, ce fan d'équitation, de voile et de polars est le cinquième dirigeant français à rejoindre SBM Offshore, avec, notamment, le directeur général, Bruno Chabas, et le directeur des opérations, Philippe Barril. Deux autres membres du conseil de surveillance, dont le vice-président, sont aussi de nationalité française.
https://www.lesechos.fr/16/03/2018/LesEchos/22657-137-ECH_bernard-bajolet--de-la---piscine---a-l-offshore.htm
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