"La guerre est une ruse", dernier livre du Rennais Frédéric Paulin, sort le 6 septembre. Il sera lancé à Rennes, à la librairie Le Failler. Un polar historique sur l’Algérie des années 90, le terrorisme islamiste, les jeux dangereux des pouvoirs…
Comme chez l’auteur américain, le Rennais Frédéric Paulin prend des faits, la réalité connue. Et en raconte les dessous, les petites histoires qui ont fait la Grande, au travers d’un foisonnement épatant de personnages qui, bien que fictifs, semblent avoir été moulés dans la réalité et côtoient des personnages ayant réellement existé.
Ça ne s’est peut-être pas passé comme ça. La force de son dernier roman La guerre est une ruse, avec toujours les dialogues audiardesques dans lesquels cet auteur excelle, est de nous convaincre qu’il n’en a vraisemblablement pas été autrement.
Agents infiltrés
Nous sommes en Algérie en 1992. Via le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) – les services de renseignements algériens –, les généraux au pouvoir instrumentalisent le Groupe islamique armé, organisation terroriste, qui souhaite instaurer un État islamique.
Manœuvrant des agents infiltrés, ils diligentent des assassinats. Le but ? Obtenir le chaos pour asseoir leur régime de terreur.
Quand les terroristes visent la France – la prise d’otages du vol Air France reliant Alger à Paris en décembre 1994, l’odieux attentat du RER B de la gare Saint-Michel à Paris, en 1995 –, le gouvernement n’a d’autre choix que de soutenir la répression sanguinaire du pouvoir algérien. La Realpolitik l’emporte. « La Realpolitik, c’est reconnaître que la violence est parfois inévitable », écrit Frédéric Paulin.
"La guerre est une ruse", une phrase de Mohammed Merah
La guerre est une ruse, qui donne son titre au roman, est une phrase de Mohammed Merah, lancée à un agent de la DCRI lors du siège de son appartement le 21 mars 2012.
« Quand on joue avec le feu, il finit par s’échapper. Et tout brûler, commente Frédéric Paulin. C’est l’histoire de Frankenstein, la marionnette qui échappe à son créateur. »
Ce roman, qui au départ était une sorte de carnet de notes, dans lequel l’écrivain rennais pensait « puiser plus tard pour d’autres histoires », aura des suites. « Je veux retracer trente années en France, depuis les années 1990 jusqu’à l’attentat du Bataclan, pour comprendre comment le terrorisme islamique est arrivé chez nous. »
« Plus de larmes à verser »
Comme chez Ellroy, les personnages de Paulin sont en crise, des écorchés, inguérissables torturés, envoûtés par la fuite, laminés par leurs regrets. Leurs reliefs viennent de leurs abysses.
Il y a Tedj Benlazar, anti-héros, agent franco-algérien de la DGSE, en proie à ses fantômes. Le colonel Bourbia, machiavélique. De jeunes islamistes sombrés du côté de la force obscure. Des flics et des soldats, pions manipulés sur l’échiquier du pouvoir. Complices ou résistants. Des agents doubles. Triples. Des femmes qui comptent les morts, « n’ont plus de larmes à verser », qui abdiquent, « ploient sous les décisions des hommes ». Des femmes qui continuent de se dresser. Des personnages gris, entre ombre et lumière, bien et mal, « dont l’empathie s’est lézardée jusqu’à disparaître », ou qui tiennent bon malgré tout, s’accrochant à ce qui leur reste de filin d’humanité. Qui cherchent leur rédemption, un peu de courage, un sens à leur existence ou tout simplement une raison de survivre.
C’est un roman haletant du début jusqu’à la dernière page. De la fiction ? Mais tellement vraie. Du polar ? Mais de la grande littérature.
Non-dits de la politique française
Les descriptions sur l’Algérie sont saisissantes de réalisme… Impressionnant, quand on sait que Frédéric Paulin n’a jamais mis les pieds dans ce pays.
Pourquoi écrire sur l’Algérie ? "D’abord, on n’en parle pas beaucoup. La guerre d’Algérie a pourtant eu des conséquences lourdes en France, explique l’écrivain. Et j’aime écrire sur les non-dits de la politique française. Je voulais parler des années 1990, la décennie noire, avec la décolonisation, la fin des réseaux de Jacques Foccart (homme de l’ombre du gaullisme, NDLR), des réseaux Pasqua… Je me documente en lisant des bouquins… et beaucoup la presse. Internet est aussi une mine d’or. On y trouve tout. Des témoignages d’anciens du GIA, d’officiers algériens repentis…"
Héros déglingués
Pourquoi toujours des héros déglingués ? "C’est la définition même du roman noir, où s’effacent les frontières. Les héros sont souvent aussi corrompus que les mauvais garçons qu’ils doivent neutraliser. On le retrouve chez James Ellroy, Jean-Patrick Manchette, Léo Malet… Au mieux, ils s’en sortent en y laissant des plumes. Le plus souvent, ça finit mal."
La guerre est une ruse, aux éditions Agullo, 380 pages, de Frédéric Paulin. En librairie le 6 septembre. L’auteur sera en dédicace à la libraire Le Failler, le 12 septembre.
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