Albert Camus & Maria Casarès
J'usqu’à la dernière lettre d’Albert Camus, le 30 décembre 1959 (il est mort dans un accident de voiture le 3 janvier 1960 avec Michel Gallimard), l’écrivain et la comédienne s’écriront des centaines de lettres, luttant ainsi contre l’absence (parfois plusieurs mois) et les séparations. Le temps des lettres est long, chaotique, douloureux : les lettres se perdent ou se croisent. C’est cette expérience du temps et l’épaisseur de l’absence que nous éprouvons en lisant ces lettres. On y sent la fatigue de s’écrire et la joie, parfois les incompréhensions, mais surtout la nécessité de faire barrage au silence par les mots et de reconnaitre une histoire d’amour hors normes, profondément libre : un amour éternel pour une lutte éternelle, la conscience de ne pas pouvoir changer la réalité, l’héroïsme à accepter l’autre tel qu’il est sans jamais vouloir le transformer, le sentiment de la reconnaissance mutuelle : « parce que c’était lui, parce que c’était moi ».
Extrait de la préface de Catherine Camus à la correspondance :
« Maria Casarès et Albert Camus se sont rencontrés à paris le 6 juin 1944 jour du débarquement allié. Elle a vingt et un ans, il en a trente. Maria, née à La Corogne en Espagne, était arrivée à Paris à 14 ans, en 1936, comme la plupart des républicains espagnols. Son père, Santiago Casarès Quiroga, plusieurs fois ministre et chef du gouvernement de la Seconde République espagnole, fut contraint à l’exil lorsque Franco prit le pouvoir.
Albert Camus, alors séparé de sa femme Francine Faure par l’occupation allemande, était engagé dans la Résistance. D’ascendance espagnole par sa mère, tuberculeux comme Santiago Casarès Quiroga, en exil aussi puisque originaire d’Algérie. En octobre 1944, lorsque Francine Faure peut enfin rejoindre son mari, Maria Casarès et Albert Camus se séparent. Mais le 6 juin 1948, ils se croisent boulevard Saint-Germain, se retrouvent et ne se quittent plus.
Cette correspondance, ininterrompue pendant douze ans, montre bien le caractère d’évidence irrésistible de leur amour :
Nous nous sommes rencontrés, nous nous sommes reconnus, nous nous sommes abandonnés l’un à l’autre, nous avons réussi un amour brûlant de cristal pur, te rends-tu compte de notre bonheur et de ce qui nous a été donné ?
Maria Casarès, 4 juin 1950
Egalement lucides, également avertis, capables de tout comprendre donc de tout surmonter, assez forts pour vivre sans illusions, et liés l’un à l’autre, par les liens de la terre, ceux de l’intelligence, du cœur et de la chair, rien ne peut, je le sais, nous surprendre, ni nous séparer.
Albert Camus, 23 février 1950
Comment ces deux êtres ont-ils pu traverser tant d’années, dans la tension exténuante qu’exige une vie libre tempérée par le respect des autres, dans laquelle il avait « fallu apprendre à avancer sur le fil tendu d’un amour dénué de tout orgueil », sans se quitter, sans jamais douter l’un de l’autre, avec la même exigence de clarté ? La réponse est dans cette correspondance.
Merci à eux deux. Leurs lettres font que la terre est plus vaste, l’espace plus lumineux, l’air plus léger simplement parce qu’ils ont existé. »
Catherine Camus
Assistante à la réalisation : Louise Loubrieu
Equipe technique : Pierric Charles et Emilie Couet
La Correspondance 1944-1959 d’Albert Camus et Maria Casarès est publiée chez Gallimard.
Découvrez également ici le livre audio, paru chez Gallimard
BIBLIOGRAPHIE
Correspondance 1944-1959Gallimard, 2017
https://www.franceculture.fr/emissions/avignon-2017-fictions/notre-eternel-ete-albert-camus-maria-casares-correspondance-1944-1959
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