Elle... Suzanne Planturier, Suzie pour les amis, une Canadienne de Montréal, infirmière de son état : d'aventure en aventure. Au départ, elle croyait vivre une grande et belle histoire d'amour. Mais, cela ne dura que... cinq années. Son compagnon, un Canadien médecin de son état, Sylvain Beauregard, la quitte pour aller soigner, loin d'elle, très loin, les malades démunis du monde. Dépression... Psy'... Elle se retrouve affectée dans un service de soins palliatifs d'un autre hôpital de Montréal. Elle re-découvre la vie, la vraie vie et, surtout, des raisons de ne pas désespérer, et surtout l'espoir de re-découvrir... l'amour, même s'il est numérique.
Lui, 8.000 km plus loin,... Dahmane, un Algérien de Hassi El Ghella, technicien des télécoms : de peur en peur. Dans un pays qui verse peu à peu dans la violence et sous la coupe (non officielle mais bel et bien présente, tout particulièrement dans les quartiers populaires des villes, les villages et la campagne) des terroristes islamistes.
Les années 90 ! Une guerre civile ne disant pas son nom. La mort qui pourchasse tout le monde. Les massacres collectifs, la lutte anti-terroriste... La quête du «pouvoir»... le pouvoir, l'abîme, le trou noir, le crime, le désastre et la honte...
Pour fuir la peur et la terreur, Hamdane part au Canada. Il rencontre (en fait, il avait déjà établi un lien virtuel -en «tchatchant»- grâce à internet) Suzie et il l'épouse. Cinq années de bonheur, deux enfants et la paix des corps et des esprits. Dieu que le Canada est accueillant !
Puis, comme tout Algérien, ne voilà-t-il pas qu'il a des «envies» d'Algérie... Revoir la maman. D'abord, un séjour -avec femme et enfants- de rêve aux Andalouses... puis, le départ au village natal.
Le cauchemar va débuter sur le chapeau des roues : Papiers confisqués par les «tangos» du coin... obligation de réparer du matériel de télécommunications... arrêté par les forces de sécurité... enlevé par des terroristes... Cela ne va s'arrêter à ça. Suzanne voulant s'enfuir avec ses enfants est, elle aussi, enlevée par un groupe de terroristes et séparée de ses deux enfants. Moutabaridja à la peau blanche et douce «comme du yaourt», considérée comme butin de guerre» (ghanima harb). Devenue «esclave», comme beaucoup d'autres femmes kidnappées, elle est brutalisée, exploitée, violée par le chef puis livrée aux autres... Aucune limite à la sauvagerie. Au nom d'un Islam d'une autre dimension...
Un jour, elle retrouvera (dans un maquis des monts du Tessala) son époux, lui aussi otage (un otage utile, en tant qu'«ingénieur», spécialiste des télécoms). Ils s'enfuiront. Il périra. Après vingt-cinq mois séquestrée dans le maquis terroriste, elle repartira («extradée» et soupçonnée d'aide aux terroristes, pour avoir «participé» à la mise en place d'une infirmerie) au Québec... mais sans ses enfants, Sajid Jean et Okba Romuald... disparus. Certainement, elle reviendra, un jour, les (re-)chercher. Un autre livre dans une Algérie cette fois-ci réconciliée ? Elle a, de nouveau, beaucoup d'espoir, car... tenez-vous bien, elle s'est convertie à l'Islam... demandant même à son futur (et ex-compagnon) époux, le Canadien bon teint... de se convertir avant. Une drôle de chute, n'est-ce pas ? Syndrome de Stockholm ? Elle ne nous dit pas si elle va porter désormais le djilbab.
A signaler une annexe avec des «Notes et Contexte historique» en fin d'ouvrage. Très riche... Mais notes trop nombreuses et contexte trop fouillé. On s'y perd.
L'auteur : Longtemps journaliste en Algérie, près de 35 ans, résidant actuellement au Canada, écrivain, auteur, déjà, de plusieurs livres en Algérie ; livres publiés aussi à l'étranger, dont «Le grain de sable» traitant de l'assassinat du président Mohamed Boudiaf et «Le Tycoon et l'empire des sables» traitant de l'affaire Khalifa (livre rapidement «épuisé» car «ramassé» par ??? des librairies et des dépôts de distribution). L'auteur était alors directeur de l'édition au sein de la Sn. Anep. Il ne fera pas long feu.
Extraits : «Tout au début de cette effervescence religieuse, il falait l'orienter ou la stopper ; mais le temps avait fait son œuvre et ce fut ainsi que la bêtise incontrôlable s'érigea en intelligence, et la force remplaça l'idée motrice conduisant toute une nation vers un rituel préhistorique au sein duquel les frontières entre le bien et le mal n'étaient pas encore clairement définies» (p. 55), «Il est des particularités dans l'utilisation des klaksons des véhicules chez les conducteurs algériens, bizarres : on se salue à coups de klakson, on fait la fête à coups de klakson, on étale sa vantardise à coups de klakson, on s'insulte à coups de klakson, on drague à coups de klakson, on s'invite, on s'interpelle, on se parle, on communique, on s'avertit à coups de klakson.» (p. 109).
Avis : Long, très long, trop long... et très cher... roman. Une histoire qui se traîne dans des longueurs, parfois avec des digressions souvent inutiles. Il est vrai que l'auteur est un amoureux du détail. Journaliste un jour, journaliste toujours ! Et, l'utilisation de termes (inconnus chez nous) franco-canadiens ne facilitent pas la lecture, obligeant à avoir un dico près de soi... sans être certain de trouver de significations, l'Académie française n'ayant pas encore décidé. Un ouvrage surtout destiné aux Canadiens... Québécois, par le biais des multiples digressions et explications sur le fonctionnement des institutions et de la société algérienne. Et, aux Algériens par le biais des multiples digressions et explications sur le fonctionnement des institutions et de la société canadienne qui, elle aussi, a connu, dans son passé, des moments «pas roses» suite à l'emprise de l'Eglise.
Appel à l'éditeur bien plus qu'à l'auteur : Attention aux «coquilles». Ce n'est pas parce que c'est la langue française qu'il faut la «mal-traiter». Problème de respect des lecteurs... qui payent.
Citations : «Si tu cours après le bonheur, jamais tu ne le rejoindras. Si tu t'assoies pour l'attendre, jamais il n'arrivera. Si tu le cherches, jamais tu ne le trouveras. Va simplement sur ton chemin et au moment où tu t'y attendras le moins, tu rencontreras le bonheur... » (p. 38), «Les Algériens sont devenus des zombies, depuis que le pays s'est embourbé dans cette horrible guerre ! Plus personne ne réagit devant la mort. Plus personne ne se sauve de la mort. C'est plutôt la mort qui pourchasse tout le monde» (p. 181), «Pour quelqu'un qui subissait la torture physique et le diktat de l'oppression, c'était toujours la première gifle qui faisait le plus mal. C'était celle qui rabaissait, qui plongeait dénudé, qui écorchait. Elle éloignait sa victime des proportions de l'estime de soi» (p. 280), «Dans les société en guerre, il n'y avait pas que les faux dévôts, ceux qui guerroient, le dénuement, les privations, les restrictions des libertés, les violations des droits de la personne qui étaient les ennemis avérés de l'humanité ; il y avait aussi les profiteurs qui trouvaient, dans ces situations exceptionnelles, un terreau favorable pour se développer» (p. 319)
PS : Le créneau des romans à l'eau de rose, ou encore la romance, un genre littéraire un peu tabou en Europe depuis plusieurs décennies, et encore plus chez nous d'autant que son importation s'était trouvée grandement réduite, cartonnerait. Les études de marché montrent que tous les profils existent. «À force de lire des classiques, j'avais besoin de me détendre, d'aller au-delà d'un certain snobisme littéraire et j'ai trouvé un espace d'évasion», témoigne une lectrice.
Le créneau cartonne donc. Ainsi, en France, la maison d'édition Harlequin, n°1 du genre, vend 5 millions de livres par an. Si l'univers des auteur(e)s reste très anglo-saxon, les français(es) commencent à prendre de la place, déclarant vouloir «faire passer des messages sur l'évolution de la société et de la femme». A noter que bien des auteur(e)s sont d'illustres inconnu(e)s produisant, bien souvent, une grande quantité de titres sans pour autant se prévaloir du titre d' «écrivain(e)». «C'est un sous-genre qui est décrié, mais il brasse quand même énormément de gens, donc je trouve ça un peu dommage de pointer du doigt ce lectorat», explique une spécialiste.
Nos éditeurs (existants ou à venir) devraient, quand même, tenir compte de cette tendance internationale et arrêter de «mépriser» ce genre. Et nos «critiques» devraient ne pas le décrier ou de l'ignorer. Il faut donc encourager de nouveaux auteurs (en français et en arabe) à écrire des romans «à l'eau de rose». Cela (re-)boosterait, peut-être, le marché de la lecture et du livre... et, surtout, sortir nos jeunes de la déprime sans issue en leur offrant certes du «rêve» mais surtout l'espoir d'un «mieux-être»... grâce... à l'Amour... dans leur pays même.
Il ne faut pas se voiler la face : la chanson a déjà bien réussi dans ce crénaeau. Et on se souvient encore du début des années 90, années de grande liberté dans l'expression et l'information, du succès rencontré par la nouvelle presse... «rose» (qui publiait entre autres énormément de lettres sentimentales de jeunes lectrices et lecteurs)... ce qui a fait la fortune de certains... Aujourd'hui, l'hypocrisie ambiante, sous l'effet d'une religiosité mal assimilée, a créé des freins, mais les problèmes sentimentaux sont partout. «L'eau de rose» est partout présente chez nous... Hélas, nos nez sont bouchés.
par Belkacem Ahcene-Djaballah
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5265602
L'otage. Roman de Salah Chekirou. Editions El Qobia, Birkhadem/Alger 2017. 1.800 dinars, 351 pages.
Vous pouvez lire une grande partie de ce livre sur :
Autre critique concernant ce livre :
On pourrait se demander, une fois refermé ce roman ambitieux, si les belles âmes dans ce récit ne sont pas celles que des critiques ont descendues en flammes avant que ne s'abatte une implacable censure sur un précédent ouvrage du même auteur, Le Tycon ou l'empire des sables, ramassé et détruit au terme d'une exceptionnelle première semaine de ventes...
Alors, pour mieux saisir la trame de L'Otage, il faut savoir —ou se rappeler— qu'au début des années 1990, les jeunes filles montréalaises se targuaient d’avoir un «chum» (copain) outre-Atlantique, notamment dans notre pays. Grâce à internet, Suzanne, une jeune infirmière québécoise, arrive donc à Alger sans connaître la réalité sécuritaire du pays. Suzanne trouve alors un pays en proie à une violence inouïe. Les hordes terroristes semaient mort et désolation dans les villes et les villages. Au cours d'un trajet qui devait lui permettre de rejoindre Hamdane Benahmed, le père de ses deux garçons, elle est enlevée par un groupe terroriste.
Suzanne sera ainsi séquestrée durant 25 longs mois. «On m’a battue, torturée, violée, exploitée au point de me réduire à un débris humain. Je suis séparée de mes deux chers enfants depuis mon kidnapping, alors que je tentais de m'enfuir de ma première séquestration. Je fus réduite à l'esclavage et à la servitude dans des conditions atroces que nul humain ne peut supporter... J'ai vécu l'enfer dans ma chair», se remémore-t-elle à travers la plume de Salah Chekirou. Et de poursuivre : « Si ce n'étaient l'élan de solidarité et la mobilisation des Québécoises, des Québécois et des femmes et des hommes libres à travers le monde, y compris dans le pays où j'étais retenue, jamais je n'aurais pu tenir durant cette très longue et douloureuse tragédie que j'ai subie (...).»
Le premier tort de cette jeune infirmière québécoise, qui s'extirpe d'une grosse déception suite à une douloureuse rupture avec l'amour de sa vie, Suzanne Planturier, car c'est d'elle qu'il s'agit, est d'avoir intégré le service des soins palliatifs d'un grand hôpital montréalais, pensant qu'en côtoyant les malheurs de ceux que la vie n'a pas choyés, elle se remettra sur ses pieds. Plutôt courageuse dans ses choix ultérieurs qu'on peut ne pas partager, elle a eu le tort, durant son séjour algérien entaché d'un séquestre de vingt-cinq mois dans les maquis, d'avoir voulu protéger ses deux enfants, Sadjid-Jean et Okba-Romuald, nés d'une liaison avec l'ingénieur en télécommunications Hamdane Benahmed.
Cela dit, d’emblée, Suzanne met les points sur les «i» : «Nous sommes tous des otages de quelqu'un, de quelque chose. En ce qui me concerne, moi, Suzanne Planturier, citoyenne canadienne, toute ma vie, j’étais otage : otage de mes sentiments. Otage de ma sensibilité à fleur de peau. Otage de mon amour. Otage de ma bêtise. Otage des hommes que j’ai aimés. Otage de mes grandes déceptions. Otage du mal qu'on m'a fait. Otage des conditions désastreuses d'une vie tumultueuse. Otage des terroristes islamistes et otage de ceux qui étaient eux-mêmes otages de l'islamisme politique. Otage, enfin, de mes deux garçons que l'on a séparés de moi. »
Un roman captivant qui se lit d’un trait
Parsemé d’intrigues, ce tout dernier roman de Salah Chekirou nous replonge dans l’enfer des maquis terroristes de la décennie noire. Des personnages de triste mémoire défilent alors dans les pages de l’ouvrage, comme pour nous rappeler leur «rêve insensé» qui a failli faire sombrer le pays, État et nation, dans les abysses du Moyen Âge. Le roman, auquel ne manque surtout pas la touche de sensibilité qui blesse au cœur les lecteurs les plus blasés, raconte ainsi, sans pleurnicherie ni condescendance, les malheurs existentiels d'une infirmière québécoise qui, pour ne plus tirer le diable par la queue, accepte les souffrances endurées au cours de sa captivité dans les maquis algériens et ce, durant la décennie noire. Écrit dans un style narratif, entrecoupé de dialogues qui donnent une assise à la trame romanesque, L’Otage, qui est récemment sorti aux Editions «Belle Feuille» de Montréal, se lit d’un trait, captivant son lecteur d’entrée de jeu.
Quoi qu'il raconte donc, le talent de Salah Chekirou reste intact. Ce qui serait assurément insupportable, chez d'autres auteurs par exemple, en l'occurrence cette prétendue écriture à la française, devient amusant ici, parce que cette écriture-là, le romancier l'a domestiquée à sa façon. Car ce qu'il raconte dans ce roman, plus sérieux qu'il ne le paraît, c'est un peu lui : accessible à une certaine mélancolie, L'Otage constitue, en effet, une manière d'autoportrait, coulé dans son héroïne, grande infirmière aux semelles de vent et capable de tout, même du meilleur.
En voici quelques lignes : «Dans le refuge, à l’ouest, le chef terroriste, qui retenait Suzanne et Samia en otages dans son harem, entra dans une colère noire. Il envoya son téléphone cellulaire se fracasser contre le tronc d’un pin d’Alep, à la bordure de la petite clairière. Djamel Zitouni, l’autre chef terroriste autoproclamé émir national à qui il avait envoyé deux émissaires depuis trois jours —aux fins— de ne pas toucher aux moines de Tibehirine, venait de l’informer en personne qu’il avait enlevé les sept moines du monastère (…).» Eh oui ! C’était l’époque où les groupes islamistes faisaient parler la poudre et le sabre, de l’Ouarsenis aux confins de Collo, en passant par la Chiffa et les maquis de la Kabylie.
Mais il n'empêche : ce que Salah Chekirou réussit le mieux, ce sont ses commencements. On retiendra ainsi qu'à leur sortie, ses premiers romans ont été fort bien accueillis par la presse et le public d'ici et d'ailleurs. Établi au Québec depuis six ans, l'auteur, qui a plusieurs romans à son actif, notamment Le Grain de Sable, sur l’assassinat du président Mohamed Boudiaf, ou encore Le Tycoon et l’Empire des Sables, inspiré de l’affaire Khalifa, Zone de turbulence et Rendez-vous à El Qods, l'auteur donc explique que son tout dernier roman se veut un hommage aux combats des femmes d’ici et d’ailleurs, comme il est d'ailleurs mentionné en quatrième de couverture. «Ce roman rappelle une époque douloureuse, mais nous renseigne aussi sur des liens déjà étroits entre l’Algérie et le Québec», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse tenue récemment à Montréal. En définitive, on aura compris que, s'il existe aujourd'hui un bonheur de lecture, astringent comme une huile pure, c'est celui que Salah Chekirou apporte avec cette désinvolture nonchalante qui n'appartient qu'à lui. Autre bon signe, à une exception près, l'éditeur ne met en avant aucun nom d'école. Nous laissera-ton supporter longtemps autant de liberté de lire ?
Kamel Bouslama
http://www.elmoudjahid.com/fr/actualites/112420
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