Ma bataille d'Alger
de Ted Morgan, traduit de l’anglais (États-Unis) par Alfred de Montesquiou, Tallandier, 18 mars 2016 340 p., 20,50 euros
Les apparences de ce livre sont trompeuses. L’auteur ne se contente pas de livrer un témoignage déjà vu sur la bataille d’Alger. Certes, Ted Morgan raconte « sa » guerre d’Algérie. Mais ce qui fait le prix de son récit est la distance dont il fait preuve.
Distance, à bien des égards, qu’il ne contrôle pas. Parce qu’il est issu d’une double lignée, mêlée de sang français aristocrate et de pragmatisme américain, le journaliste Ted Morgan, prix Pulitzer 1961, s’est retrouvé enrôlé à l’insu de son plein gré dans une guerre dont il ne connaissait ni les tenants ni les aboutissants. C’est pourquoi il propose un regard très original sur les opérations de « maintien de l’ordre » dans ce qui était encore un département français d’outre-Méditerranée.
Né Sanche de Gramont, Ted Morgan (anagramme de son nom français) compte parmi ses aïeux deux maréchaux de France et de nombreux officiers généraux. Élevé aux États-Unis, il parle français avec un sérieux accent lorsqu’il reçoit en septembre 1955, à 23 ans, un avis d’incorporation dans l’armée française. Il restera en Algérie jusque fin 1957. Il sera jeune rappelé, puis sous-officier près de Médéa, puis « journaliste » d’un journal de propagande voulu par Massu.
Ce « témoin décalé », s’il ne se sent pas partie prenante, ne cache rien de ses faiblesses, du crime de guerre qu’il commettra. Dans un style oscillant entre Hemingway et Audiard, il vit de l’intérieur la victoire militaire des parachutistes, muée en défaite politique. Il admet que la torture, pratiquée hors de l’État de droit, a permis de démanteler des réseaux FLN. Et il affirme même que Yacef Saadi, sous pression, a révélé la cachette de son second « Ali la Pointe ».
Traumatisé par ces « événements », il refusa longtemps d’écrire ses souvenirs. En tant qu’américain, marqué par la lutte contre les Britanniques pour l’indépendance, il ne se sent pas tenu par un ton « historiquement correct ». Il ne cache rien de la médiocrité des sous-officiers, de l’héroïsme de certains, du bas niveau moyen du moral des troupes. À l’américaine, l’écriture est très factuelle. Le traducteur, Alfred de Montesquiou, fut basé à Alger à la fin des années 2000 pour l’agence Associated Press. Sa plume se coule donc aisément dans les rues de la casbah algéroise.
Au soir de sa vie, Ted Morgan a conscience d’aller à l’encontre de l’histoire officielle, sur la ligne de crête des violences réciproques. Il voit dans la bataille d’Alger « un modèle réduit annonciateur » des batailles de Bagdad, de Kaboul ou d’Alep. Parce qu’« il a été coincé dans le mauvais pays au mauvais moment », la liberté de son témoignage est capitale.
Frédéric Mounier
http://www.la-croix.com/Culture/Livres-et-idees/Ted-Morgan-Americain-Alger-2016-06-23-1200770841
Lire l'analyse de Christophe Forcari dans Libération : http://next.liberation.fr/livres/2016/06/29/ma-bataille-d-alger-une-guerre-si-vile_1462917
Analyse de l’Editeur
Né d' une mère américaine et d' un père français, Ted Morgan (Sanche de Gramont), appelé à 23 ans dans l' armée, livre un témoignage capital sur la guerre dans le bled et la terrible bataille qui s' est déroulée à Alger en 1956-1957 entre les parachutistes et le FLN.
Déjà journaliste au moment de son incorporation et n' éprouvant de sympathie pour aucun des deux camps, il réalise ici un reportage de guerre « à l' américaine » avec une crudité et une franchise inhabituelles sous des plumes françaises. Il raconte par exemple sans biaiser comment, pris dans un climat de violence infernale, il a fini par tuer de ses propres mains un fellagha et comment, envoyé par Massu pour travailler à la rédaction d un périodique de propagande de l' armée, il assiste aux épisodes les moins reluisants de la lutte contre les «rebelles».
Admirablement placé par ses fonctions et par son grade, il sait ou voit à peu près tout de ce qui est caché aux autorités civiles et au commun des appelés en Algérie. Il apprend très vite que le pain quotidien du terrorisme urbain comme celui de son frère jumeau, le contre-terrorisme , c est le mensonge, le double jeu, la trahison, la torture, la manipulation. Au-delà des faits qu il révèle, c' est toute une atmosphère qu il restitue. Cette guerre qui n était pas la sienne le marquera à jamais.
La lecture de ce livre constitue pour un Français d'aujourd hui un véritable choc.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Alfred de Montesquiou, grand reporter pour le magazine Paris Match et lauréat du prix Albert Londres 2012 pour ses reportages sur la révolution en Libye.
Préface de Serge Berstein.
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Vidéo placée par Ben : La Bataille D'Alger Said Touati
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