« […] Je gravissais l’un après l’autre des coteaux dont chacun me réservait une récompense, comme ce temple dont les colonnes mesurent la course du soleil et d’où l’on voit le village entier, ses murs blancs et roses et ses vérandas vertes. […]
La basilique Sainte-Salsa est chrétienne, mais à chaque fois qu’on regarde par une ouverture, c’est la mélodie du monde qui parvient jusqu’à nous : coteaux plantés de pins et de cyprès, ou bien la mer qui roule ses chiens blancs à une vingtaine de mètres.
La colline qui supporte Sainte-Salsa est plate à son sommet et le vent souffle plus largement à travers les portiques. Sous le soleil du matin, un grand bonheur se balance dans l’espace »
C’est ainsi qu’Albert Camus décrit le village de Tipasa et ses ruines antiques dans les célèbres Noces à Tipasa publiées en 1938.
Donnant sur la mer Méditerranée, située à quelques kilomètres à l’ouest d’Alger, la ville de Tipasa possède à la fois un site romain et une nécropole punique. Ils ont été classés à l’UNESCO en 1982.
HISTOIRE
Tipasa signifierait « passage » ou « point de passage » en phénicien. Située entre Icosium (Alger) et Iol (Cherchell), la cité protégée par des falaises était devenue un point de relâche des navigateurs phéniciens qui venaient s’y ravitailler en eau mais aussi s’arrêter la nuit.
Elle se développe sous le règne du roi numide Juba II et de Cléopâtre Séléné, l’unique fille d’Antoine et de Cléopâtre VII. Mais en 39 ap. J.-C le fils de Juba II, Ptolémée, est exécuté sur ordre de l’empereur Caligula. Le royaume de Maurétanie est alors annexé à l’empire romain.
En 46 ap. J.-C, le successeur de Caligula, Claude, accorde le droit latin à Tipasa selon Pline l’Ancien. Moins avantageux que le droit romain, il permet aux élites d’obtenir la citoyenneté romaine et accélère ainsi l’assimilation des populations locales.
En effet, environ un siècle plus tard, Tipasa devient une colonie romaine, Aelia Tipasensis, entre 145 et 150 ap. J.-C. L’agglomération va alors s’accroître considérablement, et atteindre son apogée dans la seconde moitié du IIe siècle ap. J.-C.
C’est le site romain que nous allons vous présenter dans cet article.
VISITE DU SITE ROMAIN
L’amphithéâtre
L’amphithéâtre est le premier monument que l’on rencontre en entrant dans le parc archéologique de Tipasa.
Il est dédié aux spectacles et notamment ceux de gladiateurs. Née en Italie, cette tradition s’est répandue en Afrique par les armées romaines. Il est notamment possible de remarquer un grand mur qui borde l’arène, ce qui permettait de protéger les spectateurs des bêtes sauvages utilisées dans les spectacles.
Son plan est celui d’une ellipse dans un rectangle, avec un grand axe de 80 mètres de longueur. Il est encore possible d’apercevoir ses gradins en grande partie détruits, leurs vomitoires, et les deux portes Est et Ouest. De nombreuses bases honorifiques ont été réutilisées en remploi pour le construire. Un petit columbarium fût également retrouvé, et serait soit un réemploi soit un cimetière des gladiateurs tués dans l’arène.
Enfin il s’agit certainement d’un monument tardif car il empiète sur la cellad’un temple du decumanus.
Les deux temples du decumanus
Entrons maintenant sur le decumanus maximus, un des deux grands axes des villes romaines avec le cardo. Large de 14 mètres il était doté de plusieurs temples et d’un arc monumental à quatre baies, dont on ne conserve plus que les soubassements. Il s’élargissait vers l’est pour former une grande place avec deux temples encore visibles aujourd’hui qui se font face.
Le temple anonyme. Il ne subsiste de ce sanctuaire que le podium et l’escalier menant à la cella. La cour était également ornée d’un triple portique. Si une jambe d’une statue colossale a été retrouvée, la divinité honorée dans ce temple n’a pas été identifiée.
Le nouveau temple. Ce dernier est daté de la fin du IIe siècle ou du début du IIIe siècle ap. J.-C. Comme le temple anonyme il est constitué d’un podium et d’une cour bordée d’un portique.
Il faut désormais rejoindre le cardo qui court jusqu’à la mer Méditerranée en contrebas. Au carrefour du decumanus et du cardo, se trouve le forum.
La basilique et le forum
Dominant la mer, le forum constituait le cœur de la vie romaine. On y prononçait l’oraison funèbre des citoyens importants, on y célébrait des sacrifices grâce aux autels qui s’y trouvaient et les magistrats pouvaient y présider le conseil municipal. Il est constitué d’une place piétonnière entièrement dallée, occupée par des magasins, dont on conserve encore des jarres qui contenaient notamment de l’huile d’olive, mais aussi des bases honorifiques et une basilique.
Sur un plan d’inspiration hellénistique, la basilique était composée de trois nefs. La majorité de son décor a disparu mais on conserve une de ses très belles mosaïques, aujourd’hui déposée au musée de Tipasa. On y distingue trois captifs ce qui permettrait d’affirmer qu’il s’agissait d’un lieu où l’on rendait la justice.
Les captifs, peut-être des Maures, sont entourés de portraits d’Africains où on pourrait reconnaître des portraits d’habitants de Tipasa, ou la représentation des différentes ethnies pacifiées et désormais assimilées aux Romains.
Elle se situait dans l’abside de la basilique et daterait du IIe siècle ap. J.-C, alors que la ville connaît un essor important.
Pour autant le forum n’est pas uniquement constitué de bâtiments publics, mais aussi d’une des plus belles maisons de la cité antique,
La mosaïque dits des captifs déposée au musée de Tipasa issue de Sites et monuments antiques de l’Algérie
La villa des fresques
C’est la découverte de décors muraux sur enduit qui a donné le nom à la maison. La villa des fresques a été construite sur l’emplacement d’une ancienne nécropole, probablement au milieu du IIe siècle ap. J.-C. Elle fût remaniée de nombreuses fois, et c’est un état tardif qui est visible aujourd’hui.
La maison couvre une superficie de 1000 m2.
On y entre par une porte cochère doublée d’une entrée pour piétons car le portique donne sur le cardo. On arrive ensuite sur une cour intérieure bordée d’un péristyle autour de laquelle s’organise les pièces d’habitation :
- Un salon oecus qui offre la meilleure vue sur la cour intérieure et possède une belle mosaïque encore visible sur place.
- Un solarium, en face du salon, qui donnait sur la Méditerranée.
- Deux salles à manger, triclinia.
- Trois chambres, cubicula.
- Et enfin des thermes privés, des celliers…
Il paraît probable que la maison ait reçu un étage. Ainsi, s’il existe plusieurs autres demeures luxueuses à Tipasa, la villa des fresques est une des mieux conservées et montrent l’adoption du modèle architectural romain en Afrique.
Plan de la villa des fresques issu de Sites et monuments antiques de l’Algérie p. 57
Après le forum et la villa des fresques, il faut reprendre le decumanus maximuspour rejoindre le nymphée et le théâtre.
Le nymphée
Le nymphée est un édifice public qui amène l’eau aux habitants de Tipasa. Il est découvert par l’archéologue Adrien Berbrugger peu avant 1864 sur un terrain appartenant à un colon français, Trémaux. La fontaine constitue l’aboutissement d’un aqueduc qui alimente la ville en eau. Cet aqueduc prend naissance à 9 kilomètres au sud-ouest de Tipasa, près des oueds (rivières) Meurad, Bourkika et Bou Yersen. Le cours de cet aqueduc est en grande partie invisible, car souterrain.
L’eau descendait en cascade, degré par degré, jusqu’au bassin du bas où elle était puisée. Plusieurs éléments de décor de ce nymphée ont été conservés.On peut notamment voir six colonnes, des chapiteaux et des parements. Si dans un premier temps Serge Lancel dans sa monographie, Tipasa de Maurétanie en 1966, supposa que les colonnes et le parement du mur du fond étaient en marbre bleu, il s’agirait plus vraisemblablement de colonnes en calcaire gris indigo et bleuâtre, et de gneiss pour le placage du fond. En effet une fois poli, le gneiss permet d’imiter l’éclat du marbre. Les chapiteaux seraient quant à eux en tuf. Cette hypothèse paraît tout à fait probable car le calcaire, le gneiss et le tuf se trouvent dans les environs de Tipasa. Ils sont de plus beaucoup moins coûteux que le marbre.
Le décor permet de dater le nymphée entre la fin du IIIe et le début du IVe siècle ap. J.-C selon Stéphane Gsell et Pierre Aupert.
Les colonnes sont au nombre de six actuellement, mais Gsell pense qu’il y en avait dix à l’origine. Il y a également deux bases vides, qui devaient recevoir des statues aujourd’hui disparues. Le propriétaire français Trémaux possédait à la fin du XIXe siècle un fragment de statue masculine désormais disparue. De plus, Stéphane Gsell rapporte que le premier fouilleur du nymphée, Berbrugger, racontait avoir retrouvé une « belle statue de marbre blanc » qui avait ensuite été taillée en bénitier. Bien que cette information surprenne, il serait possible qu’il s’agisse de la deuxième statue disparue du nymphée.
Par sa fonction, le nymphée est lié aux divinités aquatiques. Il serait donc possible que les statues les représentaient. Enfin l’ordre des chapiteaux est corinthien selon la règle de Vitruve pour les fontaines.
Ainsi, bien que le nymphée soit fortement abîmé, il est possible de se faire une idée de sa magnificience. Si les matériaux ne sont pas des plus riches (il n’y a pas de marbre par exemple), ses jeux de cascade et sa décoration témoignent d’un grand raffinement.
L’archéologue Pierre Aupert propose une restitution du nymphée en 1974 :
Proposition de restitution du nymphée de Tipasa par Pierre Aupert en 1974
Le théâtre
Il s’agit du dernier monument du site romain, étant situé à l’extrémité ouest du decumanus et donc à la sortie de la ville antique.
A la différence de l’amphithéâtre qui est un monument d’origine romaine, le théâtre vient des Grecs. S’il est moins bien conservé que le théâtre de Timgad, autre grand site romain algérien, le théâtre de Tipasa comporte encore des gradins, des vomitoires mais aussi les piliers qui supportaient le plancher de la scène.
Serge Lancel pense que le théâtre de Tipasa a été influencé par les théâtres grecs où le décor naturel jouait une grande place. En effet il se situe parmi la végétation (cyprès, oliviers…), en retrait de l’agitation du forum.
Conçu pour accueillir 3000 personnes, son plan est composé de trois gradins avec un orchestre semi-circulaire séparé de la scène par un mur de briques auparavant paré de marbre. Une grande partie de ses gradins a été démontée en 1847 pour la fondation de l’hôpital de Marengo destiné aux cholériques.
CONCLUSION
Bien que sa partie basse ait certainement disparue dans la mer Méditerranée, Tipasa reste un témoignage des tentatives d’assimilation des Africains par les Romains, que ce soit par les monuments, l’architecture ou le décor. Il connaîtra ensuite une occupation punique et chrétienne.
POUR VISITER TIPASA
Tipasa est composé de trois sites distincts avec une tarification individuelle :
- Le site archéologique romain que l’article vous a présenté
- La nécropole punique
- Le musée archéologique au cœur de la ville
Conseil de visite : Sur la route entre Alger et Tipasa, vous pouvez également vous arrêter pour visiter le mausolée, probablement de Cléopâtre Séléné, dit le Tombeau de la Chrétienne.
BIBLIOGRAPHIE
AUPERT Pierre,
Le nymphée de Tipasa et les nymphées « septizonia » nord-africains, Rome : Ecole française de Rome, 1974
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Sites et monuments antiques de l’Algérie, Aix-en-Provence : Archéologies, 2003
BOUCHENAKI Mounir,
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Algérie antique, Arles : Actes Sud, 2013
LANCEL Serge,
Tipasa de Maurétanie, Alger : Direction des Affaires culturelles, 1966
SINTES Claude,
Algérie antique, catalogue d’exposition (Musée de l’Arles et de la Provence antiques du 26 avril au 17 août 2003), Arles : Editions du Musée de l’Arles et de la Provence antiques, 2003
https://florilegeseclou.com/2018/03/06/tipasa-de-mauretanie/
TIPASA, ENTRE OMBRE ET LUMIERE…ENTRE REVE ET REALITE
« Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l’odeur des absinthes, la mer cuirassée d’argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillon dans les amas de pierre. »
A l’endroit où Camus aimait se tenir, une stèle toute simple lui rend un vibrant hommage avec ses mots gravés par Louis BENISTI, un artiste peintre, enfant d’Alger, comme le prix Nobel de littérature:
« Je comprends ici ce qu’on appelle gloire. Le droit d’aimer sans mesure. »
Ces mêmes mots que l’on retrouve dans « Noces *»
Comment ne pas partager l’exaltation d’Albert Camus devant cet expressif panorama naturel ? Comment ne pas s’extasier, devant cette rencontre improbable entre la réalité de l’histoire et la légende des temps anciens, avec pour toile de fonds, les courbes douces du Mont Chenoua, éternel témoin silencieux de la grande histoire et des petites histoires ?
Comment se lasser de courtiser ces pierres soutirées jusqu’à épuisement, de la mal nommée montagne, Fontaine du Génie (Hadjret Nouss), en retenant notre respiration à l’écoute de l’esprit vital d’un monde disparu ? On gamberge en visualisant les allées transversales, décorées des éternels chênes et pins parasols aux troncs encore vierges des sculptures de l’homme, désormais serpentées par des sentiers amoureux où l’on se perd volontiers. On entend surtout cette voix tourmentée du siècle naissant répondant à la grande voix, disant son vague à l’âme face à cette renonciation à notre mémoire ancestrale.
Tipasa revient de loin. De par son histoire tumultueuse aux IV et V èmes siècle certes, mais aussi, au regard des années de méprises culturelles, entre 2002 et 2006, où le site archéologique, pourtant classé depuis 1982, comme patrimoine de l’humanité, a miraculeusement échappé à son déclassement par l’UNESCO, en figurant pendant ces années, dans la liste infâme, des sites en péril… Ironie du sort, cette catastrophe culturelle aux conséquences relevant plus du prestige nationaliste écorché d’un pays, que de son historicité, a failli se concrétiser quasiment un siècle après les premières véritables fouilles, effectuées par A.Berbrugger (en 1892), à la basilique principale.
Mais déjà en en 1854, un entrepreneur parisien, Demonchy, eut la monumentale idée de rebâtir la cité antique de Tipasa. L’administration lui accorda une vaste concession, à condition, toutefois, d’implanter un village de colonisation sur des terrains situés au cœur de la colonie romaine. Les maquis de lentisques et de palmiers nains firent peu à peu place, à de somptueuses villas de maitre qui effacèrent à jamais, un patrimoine de l’humanité.
Cependant, ce projet sera enseveli (provisoirement), en même temps que son promoteur, puisque l’année suivante il décédera du paludisme, suivi quelques temps après, de son épouse. Découragé par ces deuils successifs, son héritier décide de céder la concession à son beau frère, Jean Baptiste Trémaux. Cette opportune transaction permit de sauver en partie, la cité antique d’un vandalisme moderne certain. En effet Trémaux créera un parc/musée qui regroupe la majorité des vestiges romains connus, les mettant ainsi à l’abri de nouvelles destructions.
Cette cité historique qui n’est qu’à 70 kilomètres et 1 h de route seulement d’Alger, est maintenant, une destination touristique phare pour des centaines de milliers de visiteurs, attirés non seulement par ses grandes plages, ses criques rocheuses morcelées d’anfractuosités bizarres, ses spécialités de poisson, mais aussi par ses vestiges archéologiques qui s’étalent devant les visiteurs, comme les plus belles offrandes, n’en déplaise à celle qui n’était pas encore Sainte Salsa.
« Un site spécifiquement méditerranéen, où la couleur ocre des roches et des terres contraste avec le vert brillant des lentisques et avec les panaches pâlement argentés des armoises. C’est à la fois un ensemble archéologique méritant à lui seul un voyage d’études et un paysage délicat de dessin très pur, dont la lumière sans cesse changeante, plus douce et plus nuancée qu’en tout autre point de l’Algérie, impose fréquemment la comparaison avec les îles grecques. Côte découpée aux multiples anfractuosités limitant de minuscules ou vastes plages, falaises à pic alternant avec des criques, coteaux couverts de pins, sur les pentes desquels ondulent les riches vignobles et les belles plantations d’amandiers, masse rugueuse du Mont Chénoua fermant l’horizon du côté de Cherchell, végétation luxuriante du Parc National, tel est l’écrin des ruines de Tipasa. Il est peu de lieux plus évocateurs et plus émouvants pour qui veut se pencher sur les témoignages des premiers siècles du christianisme, sur ses angoisses, sur ses martyrs, sur son
triomphe, sur son déclin ».
A l’entrée Est du village de Tipasa le premier vestige que l’on rencontre est justement le promontoire de Sainte Salsa.
« Cette jeune fille, chrétienne, avait 14 ans quand elle fut indignée de voir des rites païens et l’adoration d’une idole faire la joie des habitants de sa ville.
Elle s’empara de nuit de l’idole vénérée, conservée au temple, en brisa la tête et la jeta à la mer.
Il restait cependant le corps de l’idole…trop lourd, ce dernier fit un bruit terrible en se brisant sur les rochers, ce qui réveilla les gardes du temple malgré leurs libations de la veille.
Les gardes firent subir le même sort que la statue à la jeune fille, en la précipitant dans les flots où elle périt noyée.
Son corps fut retrouvé sur la berge…
On l’inhuma sur le promontoire qui porte depuis son nom ».
Cette histoire a été écrite par un tipasien. Elle aurait pu inspirer Albert Camus, l’autochtone, qui a aimé Tipaza au point de ne jamais y passer plus d’une journée d’affilée, car « il vient toujours un moment où l’on a trop vu un paysage, de même qu’il faut longtemps avant qu’on l’ait assez vu », Il n’est pas de ruines qui s’offrent dans un cadre plus séduisant que celles de Tipasa. On devient ici archéologue, même quand on n’a pas la vocation, ne serait-ce que pour se donner un prétexte à de charmantes promenades dans un des sites les plus pittoresques de l’Algérie.» aurait confirmé par anticipation, dans ses « Promenades Archéologiques «, Stéphane Gsell, cet algérien d’adoption et «inventeur» du site Tipasa .
Tipasa est un nom phénicien que l’on retrouve en en plusieurs endroits, à l’exemple de Thubirsicum Numiradum (Khemissa) : il signifie » lieu de passage » ou « escale », il serait plus plausible d’admettre que le toponyme Tipasa est la déformation du mot berbère « Tafsa », qui signifie le grès ou la pierre calcaire. On pouvait donc s’attendre à y découvrir les restes d’un de ces nombreux relais de cabotage jalonnant, à une distance moyenne d’une trentaine de kilomètres, la route maritime de Carthage aux Colonnes d’Hercule. En venant d’Ikosim (Alger) pour se rendre à Iol (Cherchell), les navigateurs phéniciens disposaient très probablement d’une escale, vers l’estuaire de l’oued Mazafran (entre Zeralda et Douaouda Marine). Il leur fallait une sécurité intermédiaire : ce fut Tipasa. Les fouilles de M. P. Cintas précisèrent, seulement en 1943, l’emplacement de la petite nécropole qui accompagna le port pendant environ cinq siècles précédant la chute de Carthage. Ces fouilles expliquèrent en même temps la présence étonnante de l’étrange vaisseau de pierre échoué dans le port.
C’est le plus ancien caveau punique de Tipasa, les autres ayant été creusés de plus en plus vers l’Est. Il remonte au VI e ou Ve siècle avant notre ère. Respecté par les carriers romains qui débitaient les pierres de la falaise, il se coucha un jour sous l’action de la
mer.
En dehors du témoignage que les Phéniciens nous ont laissé avec leurs sépultures, nous savons peu de choses de l’histoire de Tipasa avant le 1er siècle de notre ère. A quel point le passage des navigateurs en ce lieu fut-il également un passage de la mer vers l’intérieur, un comptoir d’échange, un point de contact avec les populations libyques? Rien ne permet de l’attester.
Comme en bien d’autres lieux d’Afrique, certains caissons funéraires et des stèles portant le « signe de Tanit », traces indiscutables de l’influence phénicienne à Tipasa ont été trouvés. Cependant on ne sait pas avec certitude à quelle époque, la présence carthaginoise a définitivement disparu de Tipasa qui était sous la domination des Aguellids (princes ou rois Numides). .
Située au centre des pays maures qui couvraient, les territoires de l’espace correspondant approximativement, au nord de l’Algérie actuelle, Tipasa avait donc une position géographique stratégique. Elle était un passage incontournable pour les échanges commerciaux, non seulement avec les autres ports africains, mais avec l’Espagne, la Gaule et l’Italie ; prospérité d’une escale sur les routes maritimes comme sur la grande voie côtière de Maurétanie, à l’aboutissement d’un réseau routier venant de la Mitidja occidentale, terre à céréales, de la riche vallée supérieure du Chélif, de la région de Médéa et des Hauts Plateaux si favorables à l’élevage, sous la surveillance, à quelques encablures seulement., du mausolée royal de Maurétanie dénommé improprement » Tombeau de la Chrétienne »
Pline l’Ancien nous apprend que, quelques années à peine après l’annexion de la Maurétanie, sous l’empereur romain Claude Ier, en 39, Tipasa prend le statut de municipe latin et se dote d’une muraille longue de plus de deux kilomètres. Hadrien éleva par la suite Tipasa au rang de colonie honoraire.
À la fin du IIe siècle, la ville connaît son apogée avec une population qui s’élève, selon les estimations de Stéphane Gsell, à 20 000 habitants. Un fragment d’inscription, trouvé au cours des fouilles de 1951, prouve que c’est sous le dernier de ces empereurs que fut construite la porte orientale de la grande enceinte, à l’intérieur de laquelle la colonie tipasienne put se réfugier.
Il est à remarquer que cette construction coïncide avec une époque d’insécurité et de troubles qui donna lieu à une guerre impitoyable contre les Maures.
Pour Tipasa, comme pour presque toutes les autres villes d’Afrique, c’est au second siècle et au début du troisième — sous les derniers Antonins et sous les Sévères — que commence une magnifique ère de prospérité. Prospérité des gros propriétaires du Sahel riche en blé et en huile ; prospérité de négociants en relations commerciales non seulement avec les autres ports africains, mais avec l’Espagne, la Gaule et l’Italie ; prospérité d’une escale sur les routes maritimes comme sur la grande voie côtière de Maurétanie, à l’aboutissement d’un réseau routier venant de la Mitidja occidentale, terre à céréales, de la riche vallée supérieure du Chélif, de la région de Médéa et des Hauts Plateaux si favorables à l’élevage. Toutes ces voies rendaient bien aux Tipasiens, par le courant commercial qu’elles leur apportaient, les sacrifices pécuniaires qu’ils consentaient pour leur entretien : certaines bornes milliaires, retrouvées le long de ces voies, prouvent qu’elles étaient entretenues, au moins en partie, par les Tipasiens, auteurs des
dédicaces aux Empereurs.
Tipasa ne présentait pas alors l’aspect luxueux de la proche capitale ou même des grandes villes de Numidie et de Proconsulaire ; mais ses monuments nous prouvent l’aisance de nombreux habitants et la richesse d’une république dont la limite des terres extérieures s’étendait jusqu’à la Mitidja. Il semble que le christianisme fit son apparition ici au début du IIIe siècle se consolida en prenant lentement la place des cultes païens.
En 372, Firmus, berbère révolté contre Rome, vient mettre le siège devant Tipasa, à la tête de bandes armées de pillards et de mécontents. S’ils étaient tous attirés par l’appât que représentait le sac d’une ville, les donatistes étaient animés d’une haine religieuse d’autant plus forte que les Tipasiens étaient plus attachés au christianisme de Rome. La partie Est de cette enceinte défendue avec acharnement par les habitants, résista victorieusement aux assauts répétés de Firmus. La capitale Caesarea, avec son immense muraille longue de sept kilomètres, et Icosium (Alger), n’eurent pas le même bonheur : elles furent prises et saccagées, ce qui eut sans doute pour résultat un accroissement rapide de la prospérité de Tipasa.
La fin du IV e siècle et le début du Ve , époque tragique pour le monde romain menacé de la mer du Nord à la mer Noire par les barbares venus d’outre Rhin dont l’immense migration ne s’arrêtait que pour progresser à nouveau, fut, pour Tipasa comme pour le reste de l’Afrique, une période d’illusions, car ici, le commerce était florissant et la population nombreuse : 10.000 à 15.000 habitants, vraisemblablement. Le christianisme se développait en toute quiétude, les récoltes se vendaient bien, et les malheurs de
l’Empire semblaient ne jamais devoir atteindre les heureuses provinces.
Quand eurent-elles connaissance des événements terribles et quelle attention apportèrent-elles à ce 31 décembre 406 où le Rhin, à moitié gelé près de Mayence, donna le signal de la mise en marche à une partie des populations qui n’attendaient qu’une occasion pour franchir le limes naturel qu’était le Rhin ? Pouvait-on s’imaginer, sous le beau ciel de Tipasa, que ces Vandales si lointains, que cette population mouvante de 80.000 individus, vieillards, femmes et enfants compris, contenue un instant en Espagne par un traité qui en faisait des fédérés, se mettrait à nouveau en marche et traverserait Gibraltar ? Tipasa tomba, comme toute l’Afrique, vers l’an 430. Les murailles furent abattues, sans doute par les habitants eux-mêmes, contraints par une poignée de vainqueurs, au démantèlement de cette enceinte jusque-là inviolée.
C’est ainsi que Tipasa tomba ensuite dans l’ombre que confère la misère et la décadence.
Une partie des vestiges en pierre et en marbre firent l’objet d’un réemploi dans d’autres lieux, durant les périodes d’occupation successives.À l’inverse de Timgad et Djemila dont les ruines apparaissent compactes et facilement lisibles, Tipasa offre à décrire un site éclaté. Ceci est dû au fait que tout n’a pas été dégagé et qu’une bonne partie de la ville, explorée en 1891 par Stéphane Gsell
est encore sous les sédiments.
En l’état actuel, les vestiges se présentent en deux grands ensembles. Le premier, situé en dehors des murs, à l’entrée de la ville actuelle, à droite de la route qui vient d’Alger, face à au Centre arabe d’archéologie, correspond à une grande nécropole avec la basilique funéraire de Sainte Salsa. Le second, c’est le parc archéologique, situé à la sortie ouest du centre de la ville coloniale, au quartier des restaurants, qui regroupe la majorité des monuments mis au jour.
Entre les deux, près du port, le musée
Farid GHILI
Lions Club Alger Liberté
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Histoire et Patrimoine de l’Algérie
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http://www.lionsalgerie.org/2018/04/13/tipasa-entre-reve-et-realite-entre-ombre-et-lumiere/
*Extrait de Noces, d’Albert Camus, essai écrit en 1939
Sources : Unesco/L Baranes/Berbrugger/S. Gsell
Crédit photo linda G.
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