« Killing an arab » est le premier single du groupe The Cure.
La chanson, traduite par « Tuer un arabe » peut heurter, et être considérée comme raciste.
Pourtant, elle fait référence au roman « L’Etranger » d’Albert Camus.
Robert Smith, le compositeur est plutôt humaniste.
L’oeuvre créatrice, une fois produite, a dépassé l’auteur.
Paroles et traduction de «Killing An Arab»
Tuer Un Arabe
Standing on the beach
Debout sur la plage
With a gun in my hand
Un pistolet à la main
Staring at the sea
Je fixe la mer
Staring at the sand
Je fixe le sable
Staring down the barrel
Je fixe du canon
At the arab on the ground
L'arabe par terre
I can see his open mouth
Je vois sa bouche ouverte
But I hear no sound
Mais je n'entends aucun son
(Chorus)
(Refrain)
I'm alive
Je suis en vie
I'm dead
Je suis mort
I'm the stranger
Je suis l'étranger
Killing an arab
Qui tue un arabe
I can turn
Je peux me retourner
And walk away
Et m'en aller
Or I can fire the gun
Ou je peux tirer avec le pistolet
Staring at the sky
Je fixe le ciel
Staring at the sun
Je fixe le soleil
Whichever I chose
Quoi que je choisisse
It amounts to the same
Cela revient au même
Absolutely nothing
Absolument rien
Sacré scoop littéraire! Véritable Miss Marple des lettres, l'universitaire américaine Alice Kaplan a identifié le fameux "Arabe" anonyme de L'Etranger, de Camus. Trois quarts de siècle après la parution du roman, en 1942, la professeur de Yale est tombée sur le fait divers qui inspira le romancier en épluchant de vieux numéros de L'Echo d'Oran: une rixe au couteau entre un "indigène" et deux Français sur une plage d'Alger.
L'homme s'appelait Kaddour Touil, était tuberculeux comme Camus, a été condamné plus tard pour viol avant d'ouvrir un bar et de mourir en 2002. A-t-il seulement su qu'il était le "héros" du roman français le plus vendu en poche de l'Histoire?
Le mérite d'En quête de L'Etranger, l'ouvrage d'Alice Kaplan, ne s'arrête pas là. En écrivant la "biographie" du roman de Camus, elle démontre que ce texte mythique n'a pas surgi de nulle part. Il y eut d'abord, à l'automne 1938, à Alger, ce premier paragraphe si célèbre jailli d'un jet: "Aujourd'hui, maman est morte", etc. Camus est alors un inconnu de 25 ans, reporter à L'Alger républicain, porté par une devise austère : "le coeur sec du créateur". Il achève son roman le 1er mai 1940. Pas la meilleure date pour se faire éditer.
Le monde des lettres s'emballe pour Albert Camus
Commence alors le sinueux parcours du manuscrit, qui accompagne l'écrivain à Clermont-Ferrand, Bordeaux, Lyon. A partir de là, des deux côtés de la ligne de démarcation, toutes les bonnes fées des lettres françaises semblent s'être penchées sur cette liasse de feuillets.
C'est d'abord l'enthousiasme du journaliste Pascal Pia, lequel transmet le manuscrit à Roland Malraux, frère d'André, l'idole de jeunesse de Camus. L'auteur de La Condition humaine récupère le bébé en zone libre, suggère fraternellement des améliorations et le fait passer à Roger Martin du Gard, à Nice. Jean Paulhan, l'éminence grise de la NRF, reçoit le manuscrit à Paris et s'entiche du texte à son tour.
Tous voient en lui un mélange de Kafka (le sens de l'absurde) et de Hemingway (le style sec). Le très avisé Gaston Gallimard n'allait pas passer à côté de ce joyau: en décembre 1941, il signe un contrat pour L'Etranger (avance de 5000 francs) et préempte les... dix prochains livres d'Albert Camus!
On ne fait pas entrée plus fracassante dans le monde des lettres. On connaît la suite: soutien de Sartre, 40 traductions (étrangement, le roman s'intitulera The Outsider en anglais et The Stranger en américain), best-seller mondial, lecture initiatique de tout lycéen français, sans oublier l'hommage du groupe de cold wave anglais The Cure, dont le Killing an Arab se termine par le nom de Meursault, le héros du roman, chuchoté par Robert Smith... Le tout parfaitement raconté par notre professeur de Yale. Avant de relire L'Etranger de Camus, lisez L'Etranger de Kaplan.
EN QUÊTE DE L'ÉTRANGER, par Alice Kaplan, trad. de l'anglais (Etats-Unis) par Patrick Hersant, Gallimard, 332p., 22€
Par Jérôme Dupuis, publié le
En quête de «L'Étranger»
[Looking for The Stranger]Trad. de l'anglais (États-Unis) par Patrick Hersant
Alice KAPLAN
http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Hors-serie-Connaissance/En-quete-de-L-Etranger
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