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De novembre 1929 à janvier 1932, celui qui n'était encore que commandant, Charles de Gaulle, a vécu avec son épouse et ses enfants dans un appartement spacieux près du Grand Sérail, à Beyrouth.
Dans la rue du Chouf, tout près de la rue Mar Élias, à la lisière des quartiers de Mousseitbé et de Karakol Druze, à Beyrouth, s'élève une maison traditionnelle, jaune mais défraîchie. Elle a pourtant été classée monument historique sous le mandat du président Sleiman Frangié. Elle passerait presque inaperçue si, sur le fronton de l'entrée, n'était pas apposée une plaque en marbre gris sur laquelle sont gravés ces quelques mots en arabe et en français : « Ici a vécu le commandant de Gaulle, novembre 1929-janvier 1932 ». C'est en effet au premier étage de cette maison aux traits orientaux que Charles de Gaulle, son épouse Yvonne, son fils aîné Philippe ainsi que ses deux filles, Élisabeth et Anne, vivront pendant deux ans.
En novembre 1929, la nomenclature des rues est différente. La maison est située 268 rue Tadmor. Le commandant, alors âgé de 38 ans, qui vient d'être affecté à l'état-major des Troupes du Levant à Beyrouth, cherche un pied-à-terre près de son nouveau lieu de travail, au Grand Sérail, pour y loger sa famille. Il trouve cette maison appartenant à Élias Wehbé qui loue l'espace du premier étage pour un loyer annuel de 70 livres turques, la monnaie de l'époque. De Gaulle et sa famille sont conquis.
Dans son ouvrage Tante Yvonne, femme d'officier, Florence d'Harcourt explique que l'appartement comptait cinq pièces : le salon à colonnades qui donne sur une grande terrasse, une salle à manger agréable, trois chambres, une grande salle de bains qui comportait, dit-on, une baignoire en fonte à pattes de lion et une grande cuisine un peu sombre. Dans une lettre adressée à sa belle-mère, le chef de famille décrit une installation très convenable et un ensemble qui a de beaux volumes.
Une vie modeste
La vie des De Gaulle à Beyrouth est des plus modestes. À sept heures et demie précises, le commandant et ses enfants, Philippe et Élisabeth, quittent leur domicile. Tous les matins de la semaine, deux taxis attendent au carrefour Saint-Élie. L'un dépose le jeune garçon chez les pères jésuites, l'autre emmène la petite fille chez les Dames de Nazareth. Yvonne est une mère au foyer modèle, qui s'occupe de sa famille et de sa maison. Elle se rend souvent dans les petits commerces à proximité pour faire ses courses.
À midi, son mari rentre déjeuner avec elle. Une vie de famille tranquille en somme. Le soir, après le dîner en famille, le commandant de Gaulle lit et écrit beaucoup. C'est à Beyrouth qu'il écrira la majeure partie de son ouvrage Le Fil de l'épée, traitant de l'armée, de la politique et de la France. Il consacre aussi du temps à la plus jeune de ses filles, Anne, porteuse de trisomie 21. Il l'assoit tous les soirs sur ses genoux et lui chante ses comptines préférées. Le couple n'est pas mondain. Il reçoit et sort peu, sauf le dimanche pour la messe de 11 heures, en l'église Saint-Louis des Capucins, située en contrebas du Grand Sérail, à laquelle toute la famille assiste. Seule la chaleur étouffante semble affecter la famille mais elle coulera des jours heureux, au cœur de cet « Orient compliqué », selon la formule consacrée de celui qui deviendra le général de Gaulle. Durant l'été 1931, Yvonne et les enfants retournent en France. Le commandant de Gaulle, lui, restera encore quelques mois. Cette année-là, il soufflera ses quarante bougies.
Il laisse derrière lui une maison qui sera préservée tant bien que mal. La plaque commémorative est apposée le 18 juin 1974, juste avant la guerre civile libanaise. Durant cette période, la maison a été protégée par sa locatrice de l'époque, Marie Ingold, dont « la détermination et le courage avec lesquels elle s'est attachée à préserver des milices les lieux que la famille de Gaulle avait occupés à Beyrouth » ont été salués par le président français Jacques Chirac qui l'élèvera chevalier de la Légion d'honneur en 1997. La maison, qui appartient aujourd'hui à des membres de la famille Hoss, est inoccupée. Sans doute mériterait-elle une rénovation à la hauteur de l'empreinte laissée par de Gaulle au Liban.
Julien ABI RAMIA | OLJ
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