Son fils adoptif Mohamed Garne
Mohamed Garne.
Son fils adoptif Mohamed Garne à Echorouk: "Voici mon histoire avec «ma mère» Assia Djebar"
Monsieur Mohamed Garne a appris, à travers le numéro d’Echorouk paru mercredi, que les services de la Protection civile sont en alerte à défaut de l’acte de naissance de l’écrivaine Assia Djebar. Une fois arrivé à Alger venant de la France, il a contacté le journal et nous a présenté un dossier complet qui contient tous les documents officiels de sa mère adoptive dont l’acte de naissance, la fiche familiale, l’acte de mariage et la fiche d’état civil. Il a, également, fait parvenir ses documents d’adoption. En marge de sa visite à Echorouk jeudi, nous avons réalisé cet entretien avec lui.
L’histoire de l’adoption de Mohamed Garne par Assia Djebar
Le fils de l’écrivaine Assia Djebar raconte, avec amertume, son histoire allant de sa petite enfance où elle l’avait pris en charge avec l’aide de son ex-époux Ahmed Ould-Rouis jusqu’à sa jeunesse perdue.
« Ma mère s’est mariée avec monsieur Ahmed Ould-Rouis à Alger en 1958. Etant donné qu’elle était stérile, elle voulait adopter deux enfants : un garçon et une fille, et ce le 15 septembre 1965. Echorouk détient une copie de la demande d’adoption que j’avais adressée à la Direction de la Santé et de la Protection Sociale qui explique bien la situation familiale : « veuillez prendre notre demande d’adoption de deux enfants en considération. Nous nous engageons à prendre soin d’eux et à leur fournir toute la tendresse ainsi que tout dont ils auront besoin ».
Elle m’a fait croire, pendant des années, que ma mère biologique était morte
La demande du couple a été acceptée le 27 septembre 1965 suivant des données encourageantes telles que « le certificat de bonne santé physique et mentale, le logement et le salaire mensuel ».
« L’époux était un professeur de langue arabe. Son salaire, à cette époque, était estimé à 830 DA. Ma mère Fatima-Zohra Imahlayène était un professeur d’histoire et elle touchait 1220 DA. Dès lors et à chaque fois je lui pose des questions à propos de ma mère biologique, elle m’affirme qu’elle était morte », dit-il.
Son mari nous battait et emprisonnait dans l’armoire
L’enfant adopté poursuit le récit de sa relation avec l’écrivaine Assia Djebar. Il dit : « sa relation avec son mari commençait à être tendue. Il la battait. Il me battait aussi et nous emprisonnait dans l’armoire pendant des heures. Ils se sont divorcés en 1975 et elle m’a demandé de retourner à l’orphelinat qui se trouvait à côté du Palais du Peuple. Cependant, elle n’a pas transmis un écrit à l’établissement pour déclarer qu’elle s’acquitte de moi. Je suis resté son enfant adopté jusqu’à sa mort. J’avais 15 ans et je ne pouvais pas m’adapter aux enfants de l’orphelinat. Je me renfermais à moi-même. On m’appelait l’enfant de la française. Je me cachais à l’armoire de la chambre ».
Elle m’a fait emprisonner pour plus de 3 ans à cause d’un collier
Mohamed Garne a indiqué qu’il ressentait, au fond de lui-même, que sa mère biologique était toujours vivante.
« J’étais passé par des moments difficiles. Je ne pouvais pas m’adapter avec l’orphelinat. J’avais toujours considéré Assia Djebar comme ma mère et sa famille comme la mienne. Alors, j’ai décidé de lui remettre son collier que j’avais pris en un moment de colère. Je lui ai supplié d’accepter mon retour à la maison mais elle a appelé la police. Avec l’aide de Nouria Hafsi, j’ai été emprisonné à El Harrach et à Berrouaguia pendant 3 ans et demi.
J’ai retrouvé ma mère biologique « Kheïra » violée par des officiers français
Je suis sorti de la prison. Elle commençait à me contacter et à me conseiller d’accomplir le Service national. Effectivement, j’ai réalisé son vœu mais j’ai quitté avant d’achever la durée prévue à cause de mon état psychique. J’ai demandé à ma grand-mère de m’aider pour me marier et fonder une famille. J’ai même écrit son nom sur les cartes d’invitation de ma fête de mariage », dit Mohamed.
« J’ai fondé une famille et j’ai commencé à rechercher ma mère. J’ai attribué le nom d’Adel (le juste) à mon fils dans l’espoir que la justice soit établie. J’ai retrouvé ma mère Khira. Tout content, j’ai pris une photo avec elle pour la montrer à ma mère adoptive Assia Djebar. Cependant, cette dernière n’était pas intéressée et n’a même pas voulu jeter un coup d’œil sur la photo », ajoute-il.
Ma mère, femme d’un Chahid habite parmi les morts au cimetière de Sidi Yahia
Avec amertume, monsieur Mohamed Garne raconte le choc qu’il avait subi lorsqu’il a appris que sa mère Khira, femme du Chahid surnommé Fertas était victime d’un viol par les officiers de la colonisation française. Elle habitait dans le cimetière de Sidi Yahia.
« J’étais pris par l’idée de collecter plus d’informations sur mon père. A chaque fois que je posais la question à Assia Djebar, elle indiquait au doigt au drapeau national », raconte-il.
L’article du Monde et la gifle de Massu, de Bigeard et d’Aussaresses
Garne ajoute qu’après son arrivée en France, un premier article sur sa mère biologique a été publié dans le journal Le Monde sous le titre « L'histoire de Kheïra, violée par des militaires français ». En outre, il y avait la gifle de Massu, de Bigeard et d’Aussaresses. Ce dernier a reconnu ces crimes et ces pratiques à l’encontre des femmes algériennes pendant la colonisation française.
Elle allait publier un roman sur ma mère Kheïra
Garne continue à raconter les détails de cette étape de sa vie : « Assia Djebar m’a contacté et m’a rappelé qu’elle était toujours ma mère et elle ne m’avait pas oublié. Elle a proposé d’écrire un livre sur ma mère réelle. J’étais content et je suis revenu chez elle. On a enregistré 20 heures sur l’histoire de ma mère a et l’injustice qu’elle a subie. Elle m’a demandé de signer un engagement pour ne pas révéler la violence exercée par son ex-mari. Effectivement, j’ai signé l’engagement ».
Elle a refusé après avoir été sollicitée par l’Académie française
Garne ajoute qu’Assia Djebar était allée à New York pour enseigner. « Elle m’a contacté, par la suite, pour me dire qu’elle avait changé d’avis et elle n’allait pas continuer l’écriture du livre sous prétexte que la France ne lui avait rien fait de mal et que ce n’était pas son affaire. Elle avait, également, indiqué qu’elle allait entrer à l’Académie française. Depuis lors, le contact s’est coupé entre nous. Pour ma part, j’ai continué mon combat pour ma cause et celle de ma mère. Mon livre a été publié en 2005. Quatre jours après, cependant, il a été retiré ».
J’étais la première victime à gagner devant la justice française en qualité de victime de colonisation
Concernant le fruit de son combat, Garne indique qu’il a gagné la première affaire d’une victime de la colonisation et ce devant la justice française. « Quand je suis arrivé à l’Académie française en 2005, on m’a empêché de la voir et ma sœur adoptée Djalila ainsi que toute la famille l’ont entouré. Ils m’ont complètement éloigné d’elle ».
J’étais choqué par sa mort
Emu, Monsieur Mohamed Garne a conclu : « après la parution de mon nouveau livre ‘Français par le crime j'accuse’, j’ai reçu un appel téléphonique de la part des avocats m’informant que ma mère Assia Djebar était décédée. J’étais choqué et j’étais en conflit avec moi-même est-ce que je dois assister aux funérailles ou pas. J’avais peur d’être chassé par ses sœurs ».
Je voulais lui dire « Maman, je te pardonne ».
Assia Djebar - EXCLUSIF son fils adoptif raconte sa vie - histoire boulversante
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