Ton visage s'affiche sur l'écran, le visage rude d'un montagnard qui se sentait chez lui dans toutes les montagnes du monde, pardessus les frontières. Je ne te connais pas mais je crois que nous aurions pu être amis, parce que, par nature, par goût, nous sommes portés vers l'universel sans cesser d'être enracinés dans nos terroirs respectifs. Je ressens de la douleur, face à ta mort, d'abord, mais aussi parce que c'est dans mon pays que tu as été assassiné. Dans mon pays, on apprenait dès l'enfance que l'étranger (le berrani), dès lors qu'il ne vient pas avec des intentions hostiles, est précieux et qu'il faut faire en sorte qu'il soit en sécurité, qu'il en allait de notre honneur. Pas en tant que musulman, ni en tant qu'arabe ou berbère ou algérien, je te demande pardon, Hervé, en tant que frère en humanité, et demande à tous les Hervé du monde de ne pas mêler dans leur juste colère coupables et innocents. Je leur demande de ne pas s'arrêter aux idées simples, telles celles qui feraient de l'AUTRE un coupable ontologique, attaché à détruire les sociétés vertueuses dans lesquelles ils croient vivre. Qu'ils interrogent l'Histoire, qu'ils interrogent le présent, qu'ils interrogent le champ de ruines qu'est en train de devenir le monde, qu'ils interrogent la fin des idéaux de démocratie, de justice et de liberté, pervertis par l'utilisation mercantile, cynique de leurs dirigeants. Qu'ils recherchent plus loin que dans le confort d'évidences factices les raisons profondes de la montée de la haine...
Il est des évidences bien réelles
La dernière guerre du Golfe a fait, selon un institut étasunien, 500.000 morts. Cette guerre, on s'en souvient, a été déclenchée par le duo Blair-Bush sur la base d'un mensonge avéré, celui de la présence d'armes de destruction massive. Souvenons-nous de la pitoyable comédie de cette fiole, censée contenir une arme dévastatrice aux mains de Saddam Hussein, brandie à l'ONU par Colin Powell. Souvenons-nous de Blair annonçant devant les Communes que Saddam disposait de la bombe atomique et qu'il pouvait l'utiliser dans « les trois-quarts d'heure qui suivent ». L'Onu leur a refusé la résolution que le duo infernal réclamait mais cela ne les a pas empêchés de monter leur expédition qui a débouché, 500.000 morts plus tard, au démantèlement de l'Irak et sa transformation en incubateur de candidats au meurtre et au suicide.
Qu'est-il advenu de ces brillants stratèges, de ces remarquables produits de l'«intelligence» et de la «morale» de l'Occident ? Bush joue au golf et mène une retraite paisible. Quant à Blair, il a été, cela ne s'invente pas, représentant du Quartette (Etats-Unis, Russie, Union Européenne, ONU) pour le Proche-Orient. A ce titre, il est en particulier chargé de suivre et de promouvoir le « processus de paix » censé réunir négociateurs Palestiniens et Israéliens. Quelqu'un s'est-il posé la question de savoir comment cela a été reçu par la « rue » arabe (quelle détestable expression et comme elle en dit long sur le mépris qui habite ceux qui l'ont imposée dans le langage courant !) ?
Le printemps arabe s'est manifesté dans différents pays. Il a épargné, ô surprise, l'Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, le Qatar. Notons que, dans cette région, il a touché, entre autres, le Bahreïn. Ce pays a la particularité d'être le seul dans le monde arabe à abriter une population à majorité chiite. Il était et il reste gouverné par la minorité sunnite. Des manifestations y ont éclaté pour exiger l'instauration de la démocratie et la fin du déni de droit pour les chiites. Ces manifestations ont été écrasées dans le sang. Le petit Bahreïn n'ayant pas de forces de répression suffisantes, il a demandé et obtenu le soutien des Emirats, du Qatar et de l'Arabie Saoudite qui ont participé à la mise au pas des manifestants.
Le printemps arabe s'est manifesté également en Libye. Les professionnels de l'émotion ont donné de la voix pour que les pays occidentaux aident le peuple libyen à se débarrasser de son dictateur. L'appel est entendu. Une coalition est montée. Elle comprend la France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, qui dépêchent leurs avions et leurs drones. Ils le font au nom de la démocratie, bien sûr. En fait, les bonnes volontés se manifestent de plus en plus et la coalition s'élargit à l'Arabie Saoudite, aux Emirats Arabes Unis et au Qatar. Il a été question de ces trois pays au paragraphe précédent. Ce sont ceux qui ont aidé l'oligarchie du Bahreïn à écraser dans le sang la contestation populaire. Les voici donc, peu de temps après, engagés dans une opération « vertueuse » de défense de la démocratie ! Pour l'anecdote, notons que le brillant résultat de l'expédition est le spectacle d'un pays éclaté, livré à des milices incontrôlées. Apparemment, les sauveurs, qui ont plié bagages aussitôt après le lynchage infâme du dictateur, n'ont pas l'air de s'en émouvoir. Est-ce que quelqu'un s'est posé la question de savoir comment la « rue » arabe avait reçu une telle manifestation de désinvolture et de mépris meurtrier ?
Plus récemment, Israël a perpétré un massacre dans la bande de Gaza, sous le nom de « Bordure protectrice ». Des crimes de guerre y ont été commis. L'organisation HumanRights Watch cite ainsi le bombardement de trois écoles qui se sont soldés par la mort de 47 personnes dont 17 enfants. Au cours de l'opération qui a duré 50 jours, 2131 Palestiniens, dont 501 enfants, ont perdu la vie. Il y a eu 10918 blessés dont 3 312 enfants et 2 120 femmes. 244 écoles ont été bombardées. Plus de 10.000 maisons ont été endommagées ou détruites. 98 écoles, 161 mosquées, 8 hôpitaux, 46 bureaux d'organisations non gouvernementales (ONG), 50 bateaux de pêche et 244 véhicules ont été détruits. Selon John Dugard, professeur de droit international et ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés : « dans le bombardement de maisons et d'appartements qu'ils pensaient être occupés par des militants du Hamas, l'armée israélienne a fait preuve de mépris flagrant pour ce qu'elle appelle des dommages collatéraux, mais ces dommages collatéraux ont souvent pris la forme de civils tués ou blessés ou de destruction de leur propriété. L'absence de distinction entre cibles militaires et cibles civiles constitue indubitablement un crime de guerre ». Citons enfin le témoignage d'Ivan Karakashian, de l'ONG Defence for Children International-Palestine, sur l'utilisation d'enfants comme boucliers humains par l'armée israélienne, sur les attaques contre les infrastructures et équipes médicales, et contre les zones industrielles et les usines.De plus, Israël maintient la population sous embargo depuis 8 ans. Beaucoup de jeunes Gazaouis ne connaissent ainsi rien d'autre du monde que les murs de leur prison. Ce blocus est illégal. Des militants qui ont tenté de le forcer ont payé leur audace de leur vie.
Pour couronner cette indignité, il faut rappeler que, pratiquement dans son ensemble, le monde occidental a soutenu Israël dans cette agression. Hollande, Obama, Cameron et d'autres ont ainsi donné raison à Israël, au nom de son « droit à la sécurité ». Ils n'ont même pas eu de mots de compassion pour les victimes. 501 enfants, pas une larme, pas une protestation. Evidemment, les médias n'en ont guère parlé. Ils n'ont pas montré ces centaines de petits corps déchiquetés.
Parce qu'ils étaient arabes ?
En tout cas, s'ils avaient été Européens ou étasuniens, on n'ose imaginer le déferlement des diatribes et les bruits de bottes. Peut-on penser raisonnablement que cela n'a rien à voir avec le climat de violence et de haine qui est en train de nous submerger ? Est-ce que ces leaders qui rivalisent de servilité pour complaire à Israël croient vraiment que leur conduite n'est pour rien dans l'émergence de ces monstres nouveaux ? Est-ce qu'ils pensent sérieusement qu'ils ne sont pas les comptables ignominieux de la situation actuelle du monde et du danger mortel qu'ils font courir à l'humanité ?
De fait, il y a un processus de simplification, voire de schématisation du monde. Les vieilles lunes du discours occidental sur la démocratie et des droits de l'homme sont totalement désincarnés, irréels. S'ils avaient encore quelque substance, l'opinion publique pourrait à bon droit exiger qu'ils s'appliquent, ici et ailleurs, notamment en Palestine. Ce mouvement existe d'ailleurs. Des citoyens européens se battent pour que prenne fin le déni de justice dont souffrent les Palestiniens. Les dirigeants occidentaux restent sourds à ces demandes. Ils ne peuvent y opposer le droit, la morale ou la justice. Alors, ils utilisent l'arme fatale, celle de l'essentialisme, celle du « eux » et « nous », du « eux » contre « nous ». Malheureusement, force est de constater que cette stratégie donne des résultats. Le racisme se développe dans toute l'Europe. Il transcende les différences politiques. La prophétie de Huntington n'est plus une vue de l'esprit depuis qu'elle est devenue auto réalisatrice.
Voici le monde tel qu'il sera si les apprentis sorciers qui le dirigent persistent dans cette voie. Il faut qu'ils abandonnent leur prétention à faire de la Terre leur propriété exclusive. Il faut que les citoyens du monde occidental comprennent que la démarche de leurs gouvernants mène à des tragédies dont personne ne sortira indemne. Il faut peser sur ces gouvernements pour les contraindre à travailler à la promotion du droit, en tout lieu, à tout moment. Il faut priver de munitions les porteurs de haine et nourrir celles et ceux qui portent l'espoir, celui d'une humanité réconciliée avec elle-même, consciente de ne former qu'un SEUL monde.
Alors, ton sacrifice, Hervé, n'aura pas été vain, pas plus que celui de ces dizaines de soldats libanais, ces dizaines de milliers de civils algériens, irakiens, syriens,
torturés, assassinés, décapités, dans l'indifférence environnante.
par Brahim Senouci
P l u s j a m a i s ç a !
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Fragments :
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« Il est un silence de la paix quand les tribus sont conciliées, quand le soir ramène sa fraîcheur et qu’il semble que l’on fasse halte, voiles repliées, dans un port tranquille. Il est un silence de midi quand le soleil suspend les pensées et les mouvements. Il est un faux silence, quand le vent du nord a fléchi et que l’apparition d’insectes, arrachés comme du pollen aux oasis de l’intérieur, annonce la tempête d’est porteuse de sable. Il est un silence de complot, quand on connaît, d’une tribu lointaine, qu’elle fermente. Il est un silence du mystère, quand se nouent entre les Arabes leurs indéchiffrables conciliabules. Il est un silence tendu quand le messager tarde à revenir. Un silence aigu quand, la nuit, on retient son souffle pour entendre. Un silence mélancolique, si l’on se souvient de qui l’on aime. ».
« L’essentiel, le plus souvent, n’a point de poids. L’essentiel ici, en apparence, n’a été qu’un sourire. Un sourire est souvent l’essentiel. On est payé par un sourire. On est récompensé par un sourire. On est animé par un sourire. Et la qualité d’un sourire peut faire que l’on meure. ».
« Je suis si las des polémiques, des exclusives, des fanatismes ! je puis entrer chez toi sans m’habiller d’un uniforme, sans me soumettre à la récitation d’un Coran, sans renoncer à quoi que ce soit de ma partie intérieure. Auprès de toi je n’ai pas à me disculper, je n’ai pas à plaider, je n’ai pas à prouver...».
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En cherchant une nouvelle raison de vivre, je me suis rendu à l’évidence que la seule raison de vivre qui sera toujours nouvelle, c’est la plus ancienne : l’amour…
L’ancienne bonne nouvelle…
le seul mode d’être qui ne se démode pas. Pour les plus jeunes comme pour les plus vieux, ce sera toujours nouveau… la seule façon de faire peau neuve, de se renouveler et de vivre quelque chose de nouveau.
On ne se fait pas, on se refait… une âme. On change. On devient plus beau, plus fort, plus profond.
C’est peut-être une impression; mais on ne l’échangerait pour rien au monde parce que c’est la seule impression qui nous rapproche… de l’Absolu.
C’est en ce sens que l’amour est sacré, parce que son objet mérite qu’on lui sacrifie sa vie.
Tout ce qui se fait de grand se fait par amour. Quand on aime, plus rien ne nous résiste, on existe en faisant exister un monde nouveau.
Une autre façon de mesurer le temps et de parcourir l’espace puisque c’est au cœur de l’âme que tout se passe.
J’insiste : il n’y a pas d’amour à l’extérieur. L’amour est à l’intérieur.
Au cœur de l’âme qui ne s’arrête jamais de battre quand on lui donne une raison de se battre, de combattre, de débattre.
Une raison, une bonne raison… autrement dit un objet, un bel objet, un divin objet d’amour.
Pour les uns ce sera toujours concret : un chien ou une chienne, un homme ou une femme, un feu ou une flamme.
Pour les autres, c’est beaucoup plus abstrait : une idée, un idéal ou un Dieu.
Aimez et faites tout ce que vous voulez nous disait celui qui sait, c’est à dire que l’amour est tout : énigme et solution de l’énigme.
Ce n’est pas nouveau de dire que c’est nouveau… que c’est la seule bonne nouvelle… il n’y en aura pas d’autres.
Personne
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LES OS BRISES DE LA TERRE
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Décharnées les crêtes hérissées de la terre ossue et montueuse et pourtant
De part et d'autre trois mers les parent de leurs douces voiles de brumes
Elles retiennent le souffle des vents, la marée des nuages en volutes
Et la lumière altière inlassablement recompose le jour, borde la nuit.
Je livre mon âme à l'errance, à l'esseulement de la roche lisse et nue ;
Là-haut la terre criblée de la lune et ses lointains de planète morte !
L'aurore et le soleil couchant jouent avec les créatures fantasques
D'un imaginaire qui n'aurait d'autre compagne que la solitude des pas.
L'automne parsème çà et là ses baies et ses ors... Les passereaux butinent
La source chuinte la brise chantonne la prairie étincelle sous la rosée
Vers les bois mordorés les arbres flamboyants et vénérables versent
Sur la vallée l'ombre de la légende tutélaire des puissants torrents .
Ainsi le choeur de la montagne de blocs en chaos assène en silence
L'hymne de l'univers ... la distance garde jalousement le trésor des heures
passées entre vallons et combes, en sautant d'une barrière rocheuse à l'autre
Quand un long moment la raison hésite et doute au seuil du vide minéral
Que déchire le cri stridulant du milan ou du faucon.
La montagne se révèle.
Que se lève le brouillard que gronde l'orage et c'est le dédale labyrinthique
Sans appel auquel l'homme est convié dans toute l' infinité de l'être
Où il se réfugie sans raison vers la foi qui l'eût préservé ou absout
De toute témérité et de vaine allégeance à l'expérience, à la science...
J'allais le pas jeune et novice sur les traces de mon passé, d'une histoire
Que les transhumances auraient gravés entre les troncs des hautes futaies
Et les vieux murs de pierres sèches dessinant l'échiquier où luttes ancestrales
Et destinées se seront partagées les privautés de l'estive et des étoiles.
Il n'est qu'un chant là-haut, un peu plus près du ciel que la brise susurre
Comme la source et le ruisseau participent de la sérénité généreuse du laquet .
Une demoiselle, une belette, le papillon sur l'aconit, la profonde pozzine
Et ses secrets et c'est toute la terre curieuse qui s'émerveille et sourit
Aux étoiles, depuis la mer.
Aux horizons perpétuels des vérités cachées
Les joyaux des plus simples choses à goûter comme l'attente sapide du désir.
Et de béer tel l'enfant au bord du monde, au seuil d'un comte, de Révélation
Peut-être, si près de Frère Soleil et de ses ineffables cantiques.
Alors je me recueille et ne comprends pas ce que mes yeux embrassent
Las tout près la mémoire tranchée l'acte odieux la Terre noire martyrisée
L'Être sauvagement passé par les armes blanches de toutes les barbaries
L'Homme épris de beauté et de liberté livré à l'indifférence insoutenable
Des justes et de leurs bourreaux inexorablement intronisés et patentés
Une pensée de Là-Haut à Hervé Gourdel, au Montagnard qu'il fut
Aux Innocents, une pensée pour le choeur orphelin de la montagne
Vers les confins d'une Île qu'ils auraient tant aimé parcourir et découvrir
Un peu plus près du Ciel de la Terre des Hommes que le même soleil réchauffe
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CRISTIAN-GEORGES CAMPAGNAC
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Hervé Gourdel assassiné en Algérie le 24 Septembre 2014
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