La sortie du littoral méditerranéen
torrent d’arbres dans ma poitrine
me voici, me voici
marchez dans les artères de mon bras
vous parviendrez
Gaza ne célèbre pas la prière lorsque les blessures
s'illuminent au-dessus de ses minarets
le matin se déplace vers ses ports
et le trépas y mûrit
me voici, me voici
mon cœur est potable, buvez
marchez dans les artères de mon bras
vous parviendrez
Gaza ne vend pas les oranges, son sang en conserve
je fuyais ses rues
écrivais avec son nom ma mort sur un sycomore
elle devenait une dame, me concevait, futur homme libre
louange à celle qui a ramené mes jugulaires à ses mains
me voici, me voici
Gaza ne célèbre pas la prière
je n’ai trouvé personne sur ma blessure, sauf sa petite bouche
le littoral méditerranéen a traversé l’éternité
ne m’arrêtez pas dans mon hémorragie
l’heure de nativité a imité le temps et m’a essayé
j’étais difficile. Elle m’a essayé
j’étais peuple. Elle m’a essayé une fois encore
je vois une rangée de martyrs s’élancer vers moi, puis se cacher dans ma poitrine et prendre feu
le temps ne les a pas massacrés, mon cadavre est illimité.
Mais je sens comme si toutes les batailles des Arabes avaient pris fin dans mon cadavre, j’aurais voulu que les jours se déchirent dans ma chair et que le temps me tourne le dos pour que les martyrs s’apaisent dans ma poitrine et se réconcilient
il y a encore de le place pour eux, mon cadavre est illimité, mais le Califat a fortifié les murailles de la ville par la défaite, et la défaite a donné un deuxième souffle au Califat
ne m’arrêtez pas dans mon hémorragie
l’heure de nativité a imité le temps et m’a essayé
j’étais difficile. Elle m’a essayé une fois encore
je vois une rangée de martyrs s’élancer vers moi
personne !
(…)
A Gaza, le temps divergea d’avec l’espace
et les poissonniers ont vendu l’unique occasion de l’espoir afin de me laver les pieds
où est Marie-Madeleine ?
ses doigts ont fondu avec le savon
et s’écoulèrent comme écritures
les soldats pavoisaient, pavoisaient
récitaient sa prière
fouaillaient les ongles des pieds et des mains à la recherche d’une joie fedayi
ils reliaient sa vie aux larmes d’Agar. Le désert était assis sur ma peau. Et la première larme sur terre fut une larme arabe.
Vous souvient-il des larmes d’Agar – La première femme à pleurer lors d’un exode interminable
O Agar, réjouis-toi de mon nouvel exode
je me dresse depuis la pénombre du caveau jusqu’aux étoiles
les martyrs habitent ma poitrine affranchie
je soulève à bout de bras les tombes et le littoral méditerranéen
réjouis-toi de mon nouvel exode
Le poème de la terre
(...)
Au mois de mars, en l’an du soulèvement, la terre nous révéla ses secrets sanglants. Au mois de mars, cinq filles passèrent devant les violettes et le fusil. Elles s’arrêtèrent devant la porte d’une école et s’enflammèrent ainsi que les roses et le thym du terroir. Elles inaugurèrent le chant de la terre. Elles entrèrent dans l’étreinte ultime – Mars vient sur terre du ventre de la terre et de la danse des filles – Les violettes se penchèrent légèrement pour laisser passer la voix des filles. Les oiseaux tendirent leurs becs en direction du chant
et de mon cœur
je suis la terre
tu es la terre
Khadija !Ne ferme pas ta porte
ne rentre pas dans l’absence
nous les chasserons du pot de fleurs et de la corde à linge
nous les chasserons des pierres de ce chemin si long
nous les chasserons de l’air de la Galilée
Au mois de mars, cinq filles passèrent devant les violettes et le fusil. Elle s’écroulèrent devant la porte d’une école. Sur les doigts, la craie prit une couleur d’oiseau. Au mois de mars, la terre nous révéla ses secrets sanglants
je bouleverse les appellations
la terre devient : prolongements de mon âme
mes mains : qui des blessures
les cailloux : ailes
les oiseaux : amandes et figues
mes côtes deviennent arbres
j’arrache une banche du figuier de ma poitrine
et je la lance comme une pierre
sur le char des conquérants
je suis l’espoir facile et hospitalier, m’a dit la terre,
l’herbe ressemblait à un salut au moment de l’aube
Ceci est la promesse d’une nouvelle vie derrière Khadija.
Ils ne m’ont pas semé pour me moissonner
l'air de la Galilée veut parler de moi, il s’assoupit chez Khadija. La gazelle de Galilée veut détruire aujourd’hui ma prison, elle surveille l’ombre de Khadija alors qu’elle se penche sur son feu
O Khadija ! J’ai vu, et j’ai cru en mes visions. Elle m’emporte vers son large et m’emporte dans sa passion. Je suis l’amant éternel – l’évident prisonnier. Les orangers adaptent ma verdure et deviennent l’obsession de Jaffa
Depuis que j’ai connu Khadija, je suis la terre
ils ne me connaissent pas pour pouvoir me tuer
les plantes de Galilée peuvent croître entre mes doigts et dessiner ce lieu écartelé entre mon ardeur et l’amour de Khadija
Ceci est la promesse d’une nouvelle vie depuis mars
jusqu'à la disparition de l’air sur terre
Cette glèbe est ma glèbe
ces nuages sont mes nuages
et ceci est le front de Khadija
Je suis l’amant éternel – l’évident prisonnier
l’odeur de la terre me réveille au petit jour
mes chaînes de métal la réveillent tôt le soir
Ceci est la promesse d’une nouvelle vie
Les partants vers la vie ne se préoccupent pas de leur âge
ils se préoccupent de la terre : s’est-elle levée
mon enfant la terre ?
t’ont-ils connue pour pouvoir t’égorger ?
t’ont-ils entravée, avec nos rêves pour que tu descendes rejoindre nos rêves en hiver ?
t’ont-ils connue pour pouvoir t’égorger ?
t’ont-ils entravée avec leurs fantasmes pour que tu te hisses jusqu’à nos rêves de printemps ?
Je suis la terre …
O vous qui êtes en quête du grain de blé dans son berceau
labourez mon corps
Vous qui allez à la montagne du feu
passez sur mon corps
Vous qui allez au rocher de Jérusalem
passez sur mon corps
O vous qui passez sur mon corps
vous ne passerez pas
je suis la terre dans un corps
vous ne passerez pas
je suis la terre qui s’éveille
vous ne passerez pas
je suis la terre. O passagers sur la terre qui s’éveille
vous ne passerez pas
vous ne passerez pas
vous ne passerez pas
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MAHMOUD DARWICH
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