C’est par la splendide journée de samedi dernier que le patio du palais Mustapha Pacha, à La Casbah, a connu une ambiance exceptionnelle, celle du souvenir à travers une rencontre centrée sur l’histoire et le parcours du haïk citadin.
Cette journée a été organisée par le musée national des Arts et Traditions populaires et l’association des Amis de la rampe Louni Arezki, avec la contribution du Centre national des recherches anthropologiques, préhistoriques et historiques (CNPRAH) et du musée national de l’Enluminure, de la Miniature et de la Calligraphie Mustapha Pacha. Une nombreuse assistance était au rendez-vous pour revisiter le symbole de la résistance culturelle qui a marqué des générations successives au cours de la longue nuit coloniale. Des personnalités de la première heure de la guerre de Libération nationale étaient présentes, à l’image de Yacef Saâdi, chef de la Zone autonome d’Alger historique, ainsi que la communauté universitaire représentée par les professeurs Djilali Sari de l’université d’Alger, et Abdelmadjid Merdaci de l’université de Constantine.
Le monde de la culture n’était pas en reste avec la présence remarquée de Lamine Bechichi, ancien ministre de la Culture, de Mme Amina Belouizdad, l’icône de la télévision de l’Algérie indépendante, accompagnée de la fille du célèbre comédien Mohamed Allalou, ainsi que de la talentueuse interprète de la chanson andalouse, Zakia Kara Terki. Ils avaient tous tenu à participer à l’événement. Après les allocutions de bienvenue respectivement prononcées par Mme Amamra Aïcha, directrice du musée, et Soufi Djamel, secrétaire général de l’association, une conférence-débat, animée par Slimane Hachi, directeur du CNPRAH et l’auteur de ces lignes, président de l’association des Amis de la Rampe Louni Arezki, a suscité l’intérêt de l’assistance très motivée par la valorisation et la sauvegarde du patrimoine ancestral.
C’est ainsi que Hachi Slimane a brillamment développé une rétrospective thématique des dispositifs réglementaires inhérents à l’application de la Convention internationale du patrimoine matériel et immatériel de l’humanité ; un chapitre éminemment instructif qui a captivé l’attention de l’auditoire. L’intervention de Lounis Aït Aoudia a essentiellement été axée sur la réappropriation mémorielle du haïk, à la lumière de la charge historique qui émane de ce symbole identitaire de la résistance culturelle dans le cycle des âges et du temps. Dans cette perspective, il a été soutenu que, pour sa survivance mémorielle en société, la nouvelle mission du haïk doit s’orienter vers la massification de son impact de tenue nuptiale, qui supplanterait ainsi la robe de mariée occidentale.
Cette option est un projet sociétal initié par l’association des Amis de la Rampe Louni Arezki, auquel a souscrit, dans une première phase, le mouvement associatif des villes où le haïk a ancestralement été porté à l’exemple de Dellys et Miliana, représentés en la circonstance par Badki Mohamed, président de l’association de la casbah de Dellys et du Dr Azaïzia, président de l’association Dziria de Miliana. L’approche de la réflexion relève d’une pédagogie culturelle susceptible d’impulser une dynamique d’actions de proximité à mener pour une ascension traditionnelle du haïk à reconvertir en tenue nuptiale dans les villes qui furent jadis son terroir. Il est à noter que l’initiative a suscité l’adhésion unanime de l’ensemble de l’assistance motivée également par l’annonce d’une démarche prochaine pour le classement du haïk au statut de patrimoine culturel mondial de l’humanité, en référence à la tenue nuptiale de Tlemcen «Chedda», inscrite, en décembre 2012, dans cette prestigieuse nomenclature d’encyclopédie patrimoniale universelle.
C’est avec l’envolée d’une sublime nouba andalouse, magistralement interprétée par l’orchestre de renom des Beaux-arts d’Alger, accompagné à l’unisson par une assistance subjuguée, que cette conviviale communion de pensée collective a été clôturée, dans un élan de bonheur et de joie au souvenir de la beauté de notre riche patrimoine. Un véritable hymne de reconnaissance à l’épopée historique du haïk, à dessein de sa réapparition coutumière chez les futures mariées qui, dès cet été, seront InchAllah en nombre drapées de sa blancheur d’apparat et de son élégance raffinée selon la symbolique de sa «baraka» d’antan. Nous y reviendrons bientôt afin d’agir ensemble et de concert avec le mouvement associatif et la société civile pour concrétiser la promotion d’un projet de sauvegarde patrimonial et culturel d’authenticité algérienne.
Lounis Aït Aoudia
C’est u cours de ces journées fantastiques, c’est au cœur même de la ville insurgée que certains des « Chants pour le onze décembre » de Bachir Hadj Ali ont vu le jour.
Ainsi « Pluie » :
« Il pleuvait sur la rue noire
Il pleuvait suer les voiles blancs
Il pleuvait sur les casernes sombres
Il pleuvait sur la mer grise
………………………
Autant de fois que la pluie
A cessé et décessé »
Et sans cesse, comme u chant d’allégresse, s’élevaient les youyous poussés par les femmes, portant haut le message de liberté et de victoire prochaine. La nuit, au cœur de la cité éveillée, ils retentissaient encore, parfois affaiblis par la distance ou étouffés par la pluie, exaspérants et menaçants pour l’ennemi auquel ils venaient rappeler que le peuple algérien était en matche et que rien ni personne ne pourrait désormais lui ravir son avenir de liberté.
C’est ainsi que bascula l’histoire, en ces jours de décembre 1960.
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