Algérie
J’accuse, de ce pays où le sang a remplacé l’eau,
Ces rêves d’enfant qui m’ont fait courir librement dans les champs,
J’accuse les livres qui m’ont ouvert les portes du monde,
J’accuse ma mère, qui respectueuse des traditions, m’a laissé inventer les miennes,
J’accuse le miroir qui ne m’a pas renvoyé mon image,
Ce paradis qui s’est donné à l’au-delà,
Oh oui j’accuse ceux qui m’ont réduite au seul instinct de vivre,
Et ces moments de bonheur qui me retranchent à la mort,
J’accuse pour ceux dont je connais le nom,
Saïd Mekbel qui n’écrira plus ses billets,
Smaïl pour son sourire effacé des écrans,
Chouaki, Belkhenchir pour les enfants délaissés,
Alloula pour le théâtre déserté,
J’accuse pour Nabila qui ne fait plus d’écho au cri des femmes,
Pour Hasni et son chant disparu,
Pour Djamel, Salah, Katia Bengana,
J’accuse pour Tahar Djaout qui ne posera plus son regard sur Kenza,
J’accuse pour la mort de tous les illustres dont nous ne saurons jamais le nom,
J’accuse l’avenir et le soleil qui ne veut se dévoiler,
Et cette mort qui frappe trop tôt aux portes.
Je vous accuse,
Au nom du hurlement d’agonies des enfants et des femmes de mon peuple,
méprisées, enlevées,violées, égorgées dans leurs douars,
Je vous accuse pour l’Algérie,
Où l’enfance est brisée, où être femme est héroïque,
Où porter cheveux au vent, sourire aux lèvres est devenu résistance,
J’accuse ceux qui, hier,
Ont coupé les ailes des Moujahidates,
Les ont renvoyées dans leurs cuisines,
Ont ôté tout droit aux femmes jusqu’à ce qu’elles désertent les rues,
— Dieu unique, parti unique, pensée unique, langue unique,
Lames, étaux, étouffoir,
Ne plus regarder sa mère dans les yeux —.
J’accuse votre hidjab, ce linceul d’indécence,
Vos cris de haine déguisés en prière, et la profanation — dans votre bouche — du nom de Dieu,
Je vous accuse pour notre histoire déguisée et notre mémoire enfouie,
Pour notre présent dépecé et dispersé aux quatre vents
Et pour notre avenir voilé.
Hassina Hamaïli
Les commentaires récents