S’agissant des intervenants de la table ronde organisée par le PCF, on ne peut que remarquer le parti pris de cette commémoration. Tout d’abord, on congratule Henri tout au long des interventions, je n’ai rien contre. Tous se sont limités à évoquer sa résistance exemplaire à la torture, mettre en évidence son courage mais en prenant soin, à l’exception de William Sportisse, de ne rappeler que du bout des lèvres qu’il était communiste et de surcroît responsable dans le parti communiste Algérien et, d’autre part, qu’il a été le directeur d’Alger républicain. Un journal pas comme les autres qui a combattu le colonialisme depuis sa parution en 1938. On oublie aussi de dire que ce journal appartenait aux communistes. Ce chapitre de son combat, tout d’abord en tant que communiste mais surtout, en tant que communiste Algérien et non pas en tant que communiste Français est sous-estimé ou volontairement oublié ou n’est abordé qu’avec des arrières pensées. Par ailleurs, les intervenants ont très peu abordé le contexte de son militantisme communiste au moment de son arrestation.
J’ai assisté à l’hommage à Henri Alleg au siège du PCF, le 07 février 2014 et à la projection du film documentaire « L’homme de la question » du réalisateur Christophe Kantcheff. Ce film relate le comportement et la vie de ce valeureux militant communiste Algérien qui a joué un rôle très important pour son pays. La sortie de son livre « La Question » a provoqué un véritable séisme politique dans les milieux coloniaux et des partisans de l’Algérie française. Ce fut aussi un tournant décisif dans la mobilisation du peuple français contre cette guerre qui ne disait pas son nom. Tout au long de son déroulement, le film dénonce la torture inhumaine que Henri Alleg avait subie, tenant même tête avec un courage exemplaire à ses tortionnaires immondes. On y voit Henri s’exprimer dans le style si particulier qui reflétait sa personnalité. C’était très émouvant de le voir devant nous, son visage plein de sollicitude avec un léger sourire en coin chaque fois qu’il employait un mot très fort contre nos ennemis. Son langage s’adressait surtout aux humbles et aux ouvriers en particulier. Lentement, il déroulait ses mots choisis et compréhensibles, qu’il lançait semblables à des flèches percutantes contre nos ennemis. On avait l’impression qu’il était encore là parmi nous. C’est dans ces moments douloureux que l’on s’aperçoit de la perte d’un être très cher et que son souvenir s’installe dans notre subconscient pour l’éternité.
S’agissant des intervenants de la table ronde organisée par le PCF, on ne peut que remarquer le parti pris de cette commémoration. Tout d’abord, on congratule Henri tout au long des interventions, je n’ai rien contre. Tous se sont limités à évoquer sa résistance exemplaire à la torture, mettre en évidence son courage mais en prenant soin, à l’exception de William Sportisse, de ne rappeler que du bout des lèvres qu’il était communiste et de surcroît responsable dans le parti communiste Algérien et, d’autre part, qu’il a été le directeur d’Alger républicain. Un journal pas comme les autres qui a combattu le colonialisme depuis sa parution en 1938. On oublie aussi de dire que ce journal appartenait aux communistes. Ce chapitre de son combat, tout d’abord en tant que communiste mais surtout, en tant que communiste Algérien et non pas en tant que communiste Français est sous-estimé ou volontairement oublié ou n’est abordé qu’avec des arrières pensées. Par ailleurs, les intervenants ont très peu abordé le contexte de son militantisme communiste au moment de son arrestation.
Je pense que, rétablir un peu plus certaines vérités sur le combat d’Henri et sa participation à la lutte pour l’indépendance de son pays, en accord complet avec ses convictions politiques, est, j’en suis sûr, nécessaire.
Tout d’abord, quelle était l’atmosphère en 1957 lors de son arrestation pendant ce que l’on a pompeusement appelé « la bataille d’Alger », une expression qui fait croire à un combat entre deux armées. Ce qui n’était absolument pas le cas, mais ce fut plutôt une armée de brigands qui envahit Alger, pour mater la résistance de tout un peuple sans défense. Je peux en parler en connaissance de cause, puisque j’ai été arrêté arbitrairement en mars 1957 pendant ces événements dramatiques pour le peuple Algérien et emmené manu-militari à la sinistre villa Sesini, un enfer dont on n’était jamais sûr de sortir vivant. Je suis resté là 10 jours puis je fus jeté dans le camp de Béni Messous où l’on parquait comme du bétail les milliers d’Algériens atrocement torturés. Je suis resté plus de quatre mois dans ce camp diabolique tenu secret, hors de toutes les conventions internationales et dont jusqu’à aujourd’hui, personne ne parle et pour cause. À ce jour, je n’arrive pas à effacer de ma mémoire cette vision nauséabonde et monstrueuse du comportement de la soldatesque coloniale. Bien sûr, il n’y avait pas de fours crématoires ni de wagons plombés, mais tuer et faire disparaître les cadavres, ils étaient experts en la matière. Tous les jours, jour après jour, dans un véritable carrousel démoniaque, les camions des paras ramenaient des Algériens torturés à mort, de véritables loques humaines que l’on jetait sans ménagement dans le camp. Une précision, c’est un civil : M. Devicci, qui était directeur de cette monstruosité.
Pendant cette fameuse « bataille d’Alger » les paras aux bérets rouges et verts, les hommes du général Massu, patrouillaient, armés jusqu’aux dents. Des blindés étaient postés aux points stratégiques de la ville, des voitures circulaient à tombeau ouvert avec leurs sirènes hurlant à tue-tête, c’était une véritable atmosphère de guerre. La nuit, c’était encore plus effrayant, on entendait les rafales de mitraillettes, des explosions de toutes sortes, les cris des suppliciés que l’on embarquait dans des camions comme du bétail et que l’on emmenait dans les centres de torture. Sur les hauteurs d’Alger, on entendait les youyous des femmes. Ils montaient comme une plainte sortie des entrailles d’un peuple que l’on assassine, un cri de souffrance et en même temps un appel au courage et à la résistance. Les hordes de paras, appuyés par une faune politique sporozoaire, s’abattaient comme des charognards dans les quartiers populaires, semant la terreur, le crime et la désolation : 4000 disparus seulement dans Alger, officiellement dénombrés par les services du préfet démissionnaire en mars 1957, Paul Teitgen, mais certainement beaucoup plus.
Dans les journaux de l’époque et encore aujourd’hui, on ne parlait que de cette « bataille d’Alger » mais cette terrible répression était en réalité généralisée et organisée dans toute l’Algérie. On grillait les mechtas au napalm sans se soucier des habitants, on mitraillait les paysans qui fuyaient, on les jetait dans des camps (les SAS) pour les empêcher d’aider les maquisards, etc., etc. Aujourd’hui encore, après ces massacres sans nom, on se vante d’avoir remporté une écrasante victoire contre le FLN, sans commentaires ...
Je ne vais pas en dire plus sur ce point, mais ce que je peux dire, c’est qu’il est toujours très difficile de relater ces effroyables événements que l’on veut, même aujourd’hui, dissimuler encore au peuple Français.
Mais qui étaient-ils, ces paras ? En premier lieu, les bérets verts, un corps de parachutistes de la légion étrangère (1er-REP), armée privilégiée des autorités coloniales pour accomplir leur basse besogne. C’étaient les plus sanguinaires et ils étaient de véritables monstres qui n’avaient rien d’humain. Le recrutement se faisait dans la plupart des cas, dans les milieux du grand banditisme que l’on faisait sortir de prison ou de groupes constitués d’anciens nazis ou issus de groupes fascistes. Ils étaient formés dans les écoles militaires françaises par des stratèges de l’ignominie avec l’objectif de tuer, mater et soumettre les peuples colonisés. Partout où ils sont passés, ils ont fait des milliers de victimes. Les bérets rouges n’étaient pas en reste. Ils ont eux aussi participé aux massacres. Pourtant, dans ce corps d’armée il y avait de nombreux intellectuels de gauche et de droite et aussi des gens du peuple qui effectuaient leur service militaire. On pourrait même citer des noms qui occupent aujourd’hui des postes de responsabilités au niveau de l’Etat français. Très peu d’entre eux ont eu le courage de dénoncer cette barbarie monstrueuse. On se cachait derrière l’ordre reçu. L’on pourrait écrire des pages et des pages sur ces gens bien pensants qui prétendent aujourd’hui donner des leçons de démocratie et de droits de l’homme aux peuples opprimés.
Je pourrais en dire davantage tout en précisant que ne suis pas hors sujet. Henri a été arrêté dans ce climat diabolique dont on n’était pas sûr de sortir vivant. Il fallait un certain courage pour se lancer dans ce combat et faire face à la démence de la soldatesque coloniale.
Un autre point qui a été très peu évoqué lors de cette Commémoration. Je fais simplement une remarque : je veux parler de ces Européens qui ont participé à la lutte pour l’indépendance de l’Algérie en qualité d’Algériens à part entière. Henri Alleg n’était pas le seul. Il y eut les Henri Maillot, Fernand Iveton, Georges Rafini, Maurice Laban, Raymonde Peschard, morts en combattant et aussi des centaines d’autres qui croupirent longtemps dans les prisons où dans des camps. Ils étaient pour la plupart des militants communistes et membres du PCA. Malgré ses détracteurs et l’anti-communisme de certains dirigeants du FLN et d’autres, le parti communiste Algérien a joué un grand rôle dans la mobilisation du peuple et parmi la population Européenne. C’était une politique juste, courageuse et combative pour la libération du pays.
Oui, Henri tu seras toujours parmi nous. Nous ferons connaître ton combat exemplaire à nos jeunes qui ont un grand besoin de vivre dignement, cherchant ailleurs ce qu’ils n’ont pas dans leur propre pays, le quittant au péril de leur vie sur des embarcations de fortune avec, bien souvent, la mort au bout du chemin.
D’autre part, le combat que tu as mené contre la barbarie capitaliste est loin d’être terminé mais sois-en certain, les camarades que tu as côtoyés et ceux plus jeunes, qui les accompagnent aujourd’hui, poursuivent ton combat sans relâche. Depuis la victoire de la contre-révolution en URSS, les milieux impérialistes croyant à la fin de l’histoire, on repris leurs croisades militaires contre les peuples qui ne se soumettent pas. Dans tous les cas, l’avenir appartient aux peuples qui se battent pour la liberté et la justice dans le monde.
Liès Sahoura
Alger le 24.02.2014
Les commentaires récents