Le 16 septembre 1959, le général de Gaulle se déclarait pour l’autodétermination du peuple algérien, au suffrage universel intégral. Sa position avait évolué. Il avait espéré un temps un plan à la malgache ou à la camerounaise : éliminer les éléments radicaux qui avaient pris les armes, entamer des réformes politiques dans le sens de plus d’égalité pour les Algériens, améliorer les conditions de vie de Algériens qui auraient ainsi soutenu son projet et dégager une élite locale acquise à la France et disposant d’un minimum de crédibilité auprès des populations. Il avait ainsi mené de pair les deux aspects de sa stratégie : le plan Challe pour réduire les combattants et le plan dit de Constantine pour susciter l’adhésion des Algériens en améliorant matériellement leurs conditions. Un certain de nombre de difficultés étaient apparues qui rendirent impossible son plan initial d’une Algérie française. Il ne trouva pas sa « troisième force », cette élite politique algérienne qui l’aurait soutenue et à qui il aurait confié le soin de conduire une Algérie française remaniée. Il constata que le FLN avait réussi à regrouper les élites, même les plus francophiles et les plus aisées. Les moyens colossaux mis en œuvre pour éliminer la révolution armée ne produisirent pas le résultat escompté : les maquis de l’intérieur avaient subi de très grandes pertes et se retrouvaient démunis d’armes et de munitions. Mais le climat d’insécurité se maintenait et la pacification n’arrivait pas à sécuriser des zones importantes du pays, dans les campagnes et les villes. Les combattants de l’intérieur avaient tenu. L’ascendant psychologique était de leur côté. L’effort humain et matériel consenti par le gouvernement français pour le plan Challe était trop lourd et ne pouvait pas être maintenu pour une longue période, sauf à remettre en cause les plans du général de Gaulle pour moderniser la France. Les succès militaires temporaires et relatifs avaient des conséquences politiques désastreuses auprès des populations algériennes que de Gaulle voulaient gagner à son plan. L’extension de la répression renforça la volonté d’indépendance des Algériens au sein de toutes les couches sociales, aussi bien dans les campagnes que dans les villes. Comme à son habitude, le général avança en retouchant son plan en fonction de l’évolution de la situation. Il acquit la conviction que le maintien d’une Algérie française était illusoire. La question pour lui était simple : comment garder une forte influence en Algérie, une maîtrise en réalité, une Algérie indépendante dans la dépendance : un pouvoir algérien apparemment libre de tous liens et disposant de l’appui de la population, mais reconnaissant la mainmise des entreprises françaises sur les richesses (en particulier le pétrole), le maintien de bases militaires et nucléaires, une dépendance technique et culturelle avec dans tous les rouages de l’économie et de l’enseignement des cadres formés par la France. Ce plan réussit dans quelques anciennes colonies françaises d’Afrique. Satisfaire la volonté d’indépendance des populations mais maintenir des liens subtils de dépendance effective. Avec le recul, on peut dire aujourd’hui que de Gaulle avait fléchi sa position et avait compris que l’intérêt de la France était dans une Algérie indépendante formellement, mais en réalité totalement soumise. L’annonce d’un référendum sur l’autodétermination était la formulation politique honorable de cette solution. A la limite il ne cherchait plus une soumission du FLN, ni une reddition des combattants. Il voulait un FLN « domestiqué » miné par des contradictions internes, obtenant l’indépendance, ce qui aurait satisfait le désir des plus radicaux et de la population, mais soumis à la mainmise économique, culturelle et technique de la France. La victoire militaire derrière laquelle il courait et pour laquelle il avait consenti d’importants efforts était impossible et trop coûteuse en hommes et en matériel avec des conséquences politiques et morales désastreuses. C’est en décembre 1960, qu’il perdit ses illusions d’un soutien des Algériens à sa politique. L’indépendance de l’Algérie était alors inéluctable et il restait à trouver les combinaisons politiques pour imposer au FLN une « Algérie coopérant avec la France ». Il mena jusqu’à mars 1962 différentes manœuvres. En 1960, quand il reçut les délégués de la Wilaya IV, il n’est pas sûr qu’il cherchait une paix séparée avec les combattants de l’intérieur. Par la suite, il insista pour verrouiller l'exploitation du pétrole saharien Parmi les difficultés rencontrées et qu’il devait contourner : l’attitude de l’armée et des éléments extrémistes de la minorité européenne. L'état-major de l'armée française croyait en une victoire militaire mais n'avait aucun sens politique. La généralisation de la torture, la répression systématique, les camps de concentration, le déplacement des populations avaient rendu impossible toute adhésion des populations algériennes au maintien de la présence française. L'armée française pensait qu'il ne fallait pas négocier avec le FLN et ne comprenait rien aux subtilités politiques du général de Gaulle. Leur attitude était un obstacle pour la solution néocoloniale que cherchait le chef de l'Etat français, et le maintien de la guerre totale empêchait les objectifs de modernisation militaire et économique de la France. L'intérêt de la France était dans une fin rapide de la guerre et dans la fin de l'Algérie coloniale, ce qu'il nomma « l'Algérie de papa ». Quant aux extrémistes de la minorité européenne de l'Algérie, de Gaulle en fit très peu cas. Pour sa démarche pour exiger des droits et des garanties pour ceux qui voudraient rester Algériens, il n'eut aucun mal à trouver un accord avec le GPRA qui proposa de lui même des solutions avancées en consultations avec ceux d'entre eux qui étaient partisans de l'indépendance.
.
Les commentaires récents