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« L'expérience n'apprend rien aux hommes. C'est une lanterne qui n'éclaire que le chemin parcouru. »
IBN KHALDOU
Le 1er Novembre 1954, la volonté des Algériens d'en découdre avec le système colonial et ses affres s'était affichée, on ne peut plus clair, sous la bannière du jeune Parti indépendantiste le FLN (Front de Libération National). La nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954 fut la Nuit du Destin d'un pays, d'un peuple, d'une nation. Le ciel algérien était chargé d'un violent orage révolutionnaire. Le déclenchement de la lutte armée contre l'occupant devenait, alors, prévisible. Cette Révolution, transformée en ''Guerre d'Algérie'', allait sonner définitivement le glas à une présence coloniale sur le sol national depuis 132 ans.
Le postulat de départ était : " La Victoire ou la Mort. " Le passage à l'acte révolutionnaire était ponctué par des attentats perpétrés à travers tout le pays. Pour ne pas alerter les esprits des colons, le Gouvernement colonial ne lui a pas accordé l'importance qu'elle méritait à dessein de réduire son étendue, minimiser sa force et, surtout, feindre ignorer son centre de gravité. D'où les résistants sont affublés d'une série désignations péjoratives telles que ''bandits, fellagas, coupeurs de routes, hors-la-loi .'' Non. C'était des ''Moudjahine'' de la 1ère heure à la hauteur de ce vocable avec toute la noblesse de son acception parce qu'ils voulaient sauver la patrie en danger. Une guerre de d'usure qui va durer plus de sept ans, soit jusqu'au 05 juillet 1962, date de l'Indépendance nationale qui a coûté trop ''chair'' en perte de vie humaine.
Le sursaut qualitatif de Novembre 1954
La Révolution de Novembre 54 a révélé la maturation politique de tout le peuple algérien en raison de la justesse de sa cause, d'autant que le massacre du 8 mai 45 était encore présent dans les esprits des Algériens de l'époque. Elle a provoqué un véritable ''tsunami'' des libertés des peuples sous domination coloniale, particulièrement au Maghreb et en Afrique avant de bénéficier du droit à l'autodétermination à partir de la deuxième moitié du XX° siècle. Le projet cardinal de notre Révolution était de vouloir bâtir une nation libre et souveraine et construire une société savante, juste, solidaire, moderne et tolérante, un système social où il n'y a ni maître ni esclave. Le 1er Novembre, pour tous les Novrembristes honnêtes et sincères était, est et restera à jamais, le père fondateur de la Patrie-Algérie, une plateforme référentielle incontournable pour notre Histoire, voire pour l'Histoire universelle. Oui, le 1er Novembre 1954, la nation algérienne n'avait d'autre choix que de s'affirmer par la force de ses mitrailles pour répondre à la violence des canons et l'arbitraire du régime colonial. C'est dans la douleur que le ''djihad'' devient un devoir sacré. Le peuple a voulu montrer au monde entier que l'Algérie n'est pas seulement une géographie. Elle est aussi une nation pourvue d'une identité et d'une Histoire millénaire. Une nation qui a su se montrer stoïque face aux grandes épreuves séculaires de massacres, de spoliation et de misère coloniaux.
Le million et demi de martyrs, pour la seule période 1954-62, montre bien l'iniquité d'un ennemi qui nourrit la haine ethnique et cultive des valeurs inhumaines contraires aux références morales de l'humanisme, aux Droits de l'Homme et aux progrès humains.
La Révolution du 1er Novembre était légitimée par deux idées-forces : la Liberté et la Justice. Autrement dit, la Liberté de l'Algérie et une Justice équitable pour tous les Algériens. Liberté et Justice sont les deux piliers, à la fois, pour la reconstruction du pays et sa modernisation. Celles-ci ne peuvent se réaliser qu'avec la conjugaison des efforts de tous les enfants de la nation et de ses forces vives sans aucune exclusivité ni exclusion, des Algériennes et des Algériens. De même, l'évolution de la démocratie ne peut se concrétiser qu'en endiguant la ''mafiocratie,'' l'égotisme des dirigeants dû à leur morgue pour masquer leur incompétence. Aussi, faut-il lutter contre l'exercice ''monopolistique'' du pouvoir et de l'accaparement des valeurs symboliques du patriotisme et du nationalisme par un quarteron de parvenus au nom d'une ''légitimité historique'' (que veut bien dire une pareille expression?), ont confisqué l'Indépendance au peuple et usurper le pouvoir par une légitimité, plutôt, géographique dictée par le ''ârchime'', régionalisme, copinage, cousinage afin de barrer la route aux compétences.
Pour éviter toute opposition dans les assemblées, on a fini par ne plus admettre que les cancres. "
Préparer la grande Ghazoua et délimiter les zones de combat
Deux réunions ont été tenues les 10 et 24 octobre à Alger pour mettre au point les ultimes retouches d'une Révolution qui va décider l'avenir de la nation. D'où la création du Parti du Front de Libération Nationale (FLN) et son aile militaire l'Armée de Libération Nationale (ALN). Chacun avait son rôle. Quant au FLN, sa mission était purement politique. Elle consistait à sensibiliser les citoyens à aller grossir les rangs de l'ALN pour le Djihad sacré, à assurer la logistique et faire connaître la Révolution sur le plan international. Celle de l'ALN était purement militaire.
La date du 1er novembre a été choisie pour le déclenchement de l'action armée parce qu'elle obéissait à certaines données parmi lesquelles : le jour de la naissance du Prophète (QSSSL), Homme Béni par Dieu, donc, pour que la Révolution le soit aussi et elle le fut. Mais aussi une tactique militaire qui a misé sur le départ d'un nombre important de soldats et officiers de l'armée d'occupation en week end qui sera suivi par la célébration d'une fête religieuse chrétienne ainsi que la nécessité d'introduire l'effet de surprise.
Pour ce faire, les responsables politiques et militaires de la Révolution ont tracé une nouvelle carte définissant cinq zones de combat et désigné les chefs pour coordonner le plan d'attaque.
- Première zone -
Les Aurès : Mustapha Benboulaïd
- Deuxième zone -
Le Nord Constantinois : Didouche Mourad
- Troisième zone -
La Kabylie : Krim Belkacem
- Quatrième zone -
Le Centre : Rabah Bitat
- Cinquième zone -
L'Ouest Oranais : Larbi Ben M'hidi
Une aube sanglante
La Révolution a commencé avec 1200 combattants à l'échelle territoriale dotés seulement de 400 pièces d'armement et de quelques bombes artisanales.
Les attaques ont visé des postes de gendarmerie, des casernes militaires, des dépôts d'armement et aussi certaines propriétés de colons acquises par spoliation.
Les attaques des moudjahidine ont englobé plusieurs régions du pays et visé plusieurs localités à travers les cinq zones : Batna, Biskra pour la zone I, Constantine pour la zone II, Azazga, Bordj Ménaiel, Draâ El Mizan pour la zone III. Au niveau de la zone IV, elles ont concerné Alger, Boufarik, Blida. Zahana et Oran, dans la zone V. Selon les autorités coloniales, le nombre d'opérations armées perpétrées à travers le pays au cours de la nuit du 1er novembre 1954 est estimé à une trentaine dont le bilan s'est soldé par la mort de 10 Européens et 23 autres blessés. Tandis que les dégâts matériels étaient estimés à plusieurs centaines de millions de francs français.
Côté algérien, on déplore, au cours de cette première étape, la perte de plusieurs martyrs tombés aux champs d'honneur. Paix à leurs âmes saintes et que Dieu les accueille dans Son Vaste Paradis d'El Firsdaous. La Déclaration de Novembre explique que ce sont les conditions d'une vie des plus dramatiques qui ont acculé les Algériens à prendre les armes puisque toutes les voies pacifiques et politiques se sont avérées infructueuses.
Ce soulèvement a vite tourné " en Guerre d'Algérie " en dépit de son asymétrie sur les plans numérique et logistique entre les deux camps algérien et français. Mais ses dirigeants pensaient grands et voyaient loin. Ils ont voulu frayer le chemin de la lutte aux générations à venir jusqu'à la victoire finale, si la leur venait à échouer.
La Révolution était la synergie deux facteurs complémentaires :
d'une part, il y avait ce mélange explosif de la spoliation, l'oppression, l'humiliation, l'exploitation à outrance de la population musulmane par les colons. D'autre part, la prise de conscience que les pourparlers politiques ne mèneront à aucun résultat concret. L'unique gage ne pouvait venir que des armes. " Il n'y a pas d'autres solutions que les mitrailles," déclarait Ferhat Abbas. Le seul langage, hélas, que pouvait comprendre l'ennemi.
Au lendemain de l'Indépendance le 5 juillet 1962, le mythe de la Révolution a été vite démystifié. De graves dérives antirévolutionnaires ont été commises par le nouveau pouvoir national, cette fois.
Le régime algérien a connu une déviation et, surtout, une dégénérescence sans précédent parce qu'illégitime. Ces dérives se sont traduites par l'instauration d'un système militaro-bureaucratique dictatorial cadenassé étouffant, par la répression, l'exil, voire même les éliminations physiques toute forme de contestation, notamment, après le Coup d'État du 19 juin 1965 appelé ironiquement ''Redressement révolutionnaire'.' Formule qui consiste à anesthésier la conscience populaire par une légitimation illégitime de la famille révolutionnaire (quelle famille ?) qui n'est rien d'autre qu'une militarisation du pouvoir et le monocratisme présidentiel sous le règne de Boumédienne. Cette forme de gestion répressive a abouti, hélas, au massacre des Algériens par des Algériens tel que le 5 octobre 1988, la décennie sanglante des années 90, le chaos, l'anarchie, le clientélisme de tous bords. Nonobstant, il ne faut point ternir le tableau. Quelques réalisations ont vu le jour : 72 barrages, logements, autoroutes construits . Mais est-ce tout ce que vaut le sacrifice du peuple algérien ? Non. Il faut beaucoup moins de ''hogra'', beaucoup plus de justice sociale, de démocratie réelle et non de façade.
Enfin, tout pour que l'Algérien vive heureux chez lui ; que l'Algérie cesse de développer son sous-développement et d'œuvrer à tout ce qui lui permet de rattraper, au plus vite, sinon le concert des nations développées, du moins celui des pays émergents. Pour ce faire, il n'y a pas d'autre solution. Il faut que nos Rois soient philosophes (et non ''filousophes'') ou que nos Philosophes soient des rois parce que aussi bien les rois que les philosophes sont tous mortels et tous redevables devant Dieu. Seul le peuple est éternel de l'éternité divine. Les dirigeants sont mortels
Dirigeants d'aujourd'hui, ne soyez pas dupes. Vous serez tous redevables devant les Chouhada de la Révolution que vous avez usurpée, la Nation que vous avez colonisée, l'Histoire que vous avez frelatée parce que ce Jour-là vous ne serez plus les pharaons de votre peuple, parce que :
"Ce jour-là, le commandement sera à Allah."
Gloire à nos martyrs de 1830 à 1954, d'octobre 1988 et de la décennie 90. Ils se sont sacrifiés sur l'autel de leur pays pour que vive une Algérie démocratique, savante, prospère ; pour que tous les Algériens vivent heureux comme des Algé-ROIS.
A tous ceux qui œuvrent, de près ou de loin, pour une pareille Algérie : " Jamais un bienfait ne reste sans récompense. " Dieu les récompensera de Sa meilleure récompense.
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par Mohammed Guétarni
* Docteur ès Lettres Maître de Conférences Université Hassiba Ben Bouali. Chlef
* Docteur ès Lettres Maître de Conférences Université Hassiba Ben Bouali. Chlef
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