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J'avais décidé de passer l'été dans les paysages infinis de l'œuvre solaire d'Albert Camus. Revenir à la source avec le premier homme et finir en beauté par l'homme révolté, en passant par les justes et les journaux de voyage...
Si ancien et profond que soit mon intérêt passionné pour cet écrivain-penseur, j'avoue que c'est la lecture du dernier ouvrage de Michel Onfray qui m'a donné l'envie de le retrouver -tant cette biographie semble écrite avec le sang de son auteur et au plus près de la sensibilité de Camus.
Mais j'apprends par la presse la polémique violente qui se noue autour d'une exposition consacrée au grand homme, prévue à Aix-en-Provence en 2013. La fille d'Albert Camus aurait préféré au projet de l'historien Benjamin Stora celui que lui a soumis le philosophe Michel Onfray.
Sans rentrer dans les détails et les dessous de l'affaire que je ne connais pas, je me permets de pointer ici deux aspects qui me choquent dans cette histoire, sur le plan des principes.
D'abord, en fille admirative de mon paternel, je ne vois guère au nom de quelle raison supérieure l'on pourrait imposer à Catherine Camus un homme et un projet qui ne lui conviennent pas. Certes, le titre de "fille de" ne signifie pas de facto "spécialiste de", mais pour autant, sa légitimité n'est pas négligeable, et l'opinion d'une femme qui a consacré une grande partie de son existence à la défense de l'oeuvre de l'écrivain ne mérite pas d'être méprisée.
Ensuite, je suis très étonnée, pour ne pas dire choquée, que le ministère de la Culture prenne partie pour l'un des protagonistes et aille jusqu'à refuser sa subvention (donc l'argent public) à l'exposition conçue par Michel Onfray et voulue par la fille de Camus. On se croirait en URSS où le pouvoir décidait des œuvres à apprécier ou à bannir!
S'il s'agit, comme on l'imagine, d'une opposition politicienne -ministère socialiste contre mairie UMP- elle est malvenue dans ce cas: l'oeuvre de Camus et ses lecteurs valent mieux que ces batailles de clochers. Pour ma part, comme ces milliers de lecteurs qui lisent Michel Onfray ou assistent à son université populaire et à ses conférences, je suis très intéressée de voir l'exposition du philosophe. Catherine Camus ne s'est pas trompé en voyant la proximité d'esprit entre ce penseur près du peuple et son père.
Pour conclure, je dirai que Stora, s'il est grand et s'il connaît bien son sujet, devrait avoir l'humilité d'accepter le désir de Catherine Camus car nul doute qu'entre l'historien et sa fille, Albert Camus aurait choisi sa fille.
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Roxane Bellini
Ecrivain et poète
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