En partant ce jeudi 31 mai au matin, comme grand témoin du voyage organisé par Témoignage chrétien, Paul Bouchet doit se demander quelle Algérie il va rencontrer. Car son exceptionnel parcours d'homme, d'avocat, de militant des droits de l'homme (il fut président d'ATD Quart-Monde), a plusieurs fois croisé le peuple algérien dans son histoire mouvementée avant, pendant et après l'indépendance dont nous fêtons cette année le cinquantenaire.
Dans son autobiographie Mes sept utopies (1), il raconte quelques-uns de ces épisodes. Déjà, pendant la Résistance qu'il vécut activement autour de Saint-Étienne, Paul Bouchet s'était nourri des écrits du Témoignage chrétien clandestin et de ses idéaux.
Il défend des salariés communistes de la SNCF coupables de diffusion de tracts favorables à l'indépendance de l'Indochine. En 56, il fait de même avec sept étudiants algériens, qui avaient distribué de documents nationalistes, et qu'on accusait pour cela d'atteinte à la sûreté de l'État.
Paul Bouchet commence une longue histoire avec cette nation malmenée par la justice française. Il multiplie les allers-retours sur les deux rives de la Méditerranée.
« préparer l'avenir »
En 1961, le voilà à Tlemcen pour une affaire beaucoup plus grave. Avec un confrère, il doit défendre une vingtaine de membres du FLN accusés de crimes de sang. La peine de mort semble inévitable tant les faits paraissent avérés. Il transforme sa plaidoirie en manifeste historico-politique, évoquant « la marche inéluctable de l'émancipation des peuples colonisés » et demande au tribunal, au-delà du fait jugé de « préparer l'avenir ». L'auteur des crimes sera exécuté mais Paul Bouchet sauve la tête des 18 autres, accusés de complicité.
En Algérie, il est également amené à défendre des continentaux coupables de sympathie pour les occupés. Il sera au coté d'un officier français désobéissant à un ordre qu'il estime contraire à l'honneur (enfumer des personnes réfugiées dans une grotte). Paul Bouchet plaidera également pour Robert Davezies (2), prêtre de la mission de France mis en cause pour son aide au FLN.
Ahmed Ben Bella
Enfin, et ce n'est pas la moindre de ses interventions touchant l'Algérie, l'avocat lyonnais est désigné pour assurer la défense de Ahmed Ben Bella. Comme quatre autres dirigeants historiques du FLN, son avion avait été détourné par les autorités françaises - « au mépris du droit international » -, en 1956. Paul Bouchet le rencontre alors dans un château du Maine-et-Loire qui lui sert de prison. « Ben Bella ne doutait pas de son avenir et me parla longuement de ses projets pour l'Algérie, de la réforme agraire et de sa conception de l'islam ».
Le 1er novembre 1963, devenu président de la jeune République algérienne, Ahmed Ben Bella invitera Paul Bouchet au défilé de l'armée nationale. Longtemps après en 1986, la carrière de Paul Bouchet retrouve la question algérienne dans un tout autre contexte. Il participe à la mise en place d'un accord binational pour le règlement de la situation des enfants de couples mixtes franco-algériens et divorcés.
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Par Philippe Clanché
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1) Mes sept utopies, Paul Bouchet, éd. De l'Atelier, 2010, 174 p., 19€
2) Algérie. Le temps de la justice 1954-19962, Robert Davezies, L'Harmattan, 2012.
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