... Mémoire littéraire, mémoires militaires
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JOUR 4 - Camus à Tipasa, les moudjahidines et l’Émir Abdelkader à Alger, une journée d'hommage au courage et à l'humanisme.
Du 31 mai au 5 juin, un groupe de lecteurs de Témoignage chrétien accompagné de Philippe Clanché, journaliste de la rédaction en charge des questions de religion, sillonne les terres algériennes. Cinq jours pour (re)découvrir, cinquante ans après l'indépendance, ce pays mystérieux.
À une heure de car d'Alger, le site de Tipaza est un des plus beaux sites archéologiques du pays. Au pied de la mer, les vestiges de l'époque romaine, à moitié gagnés par la végétation, est un haut lieu touristique et un espace de promenade pour les Algériens.
Pour les gens de lettres, il évoque invariablement la présence d'Albert Camus. Dans un de ses tous premiers textes, le futur Prix Nobel décrit ce cadre dans un court récit admirable : « Noces à Tipasa ». À la fin du circuit, à l'écart des passants, les voyageurs de Témoignage chrétien ont pu entendre une lecture à deux voix de larges extraits du texte.
Après quoi, Paul Bouchet a évoqué Camus l'humaniste, et a rappelé la querelle intellectuelle injuste dont il fut victime. Accusé de ne pas s'engager clairement pour l'indépendance comme nombre des élites pensantes de l'époque, Camus s'est en fait refusé de répondre à un dilemme inhumain. « C’était sa mère contre la justice », a rappelé Paul Bouchet. La verve de l'avocat a tenu en haleine le groupe réuni autour de lui pour un moment de grande émotion.
Aussaresses
Quelques heures plus tard à Alger, retour à la Guerre d'indépendance avec des témoins algériens. Quatre hommes et une femme, engagés comme combattants, soignants ou responsables de la logistique du FLN, ont décrit leur parcours. Mme Louisa Ighil Ahriz a raconté ses années de détention, de torture et son combat actuel pour faire condamner ses bourreaux d'alors, dont le sinistre colonel Aussaresses.
« Nous ne combattions pas la France, ni les appelés, mais un système de colonisation. Aujourd'hui, nous sommes des amis de la France », ont dit les anciens combattants, multipliant les remerciements aux « humanistes chrétiens » qui les ont soutenus à l'époque et viennent aujourd'hui les visiter. Le carton de livres de leurs témoignages, apporté par Djoudi Attoumi et ses amis, a vite trouvé preneurs.
Abdelkader
Autre moment d'émotion de cette journée très dense, la visite du cimetière des grands noms de l'Algérie moderne. Devant la tombe de l’Émir Abdelkader, père de l’indépendance, le guide Kamel et Paul Bouchet ont rappelé la figure d'un homme tout à la fois théologien soufi, homme de lettres, chef de guerre capable de signer des traités de paix, respecté par ses troupes et par ses ennemis.
Un homme qui sut s’interposer à Damas pour sauver des chrétiens en danger de mort. Derrière sa tombe, une motte de terre fraîche : le corps d'Ahmed Ben Bella, le premier président de l'indépendance en 1962. Paul Bouchet, très ému, a pu visiter une dernière fois celui qu'il connu à Chateaubriand, en France.
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Par Philippe Clanché
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