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On distingue clairement les 3 parties qui ont été raboutées
Nous proposons modestement et simplement de remplacer le coq par deux colombes, symbole de l'amitié franco-algérienne...
L'artiste qui mit la pièce d'artillerie en valeur, la monta comme la colonne Vendôme ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Colonne_Vend%C3%B4me ). Mais sa composition ne fut pas pour autant du meilleur goût. Le socle en granit sur lequel est fondé le culot du canon est flanqué de 4 bas-reliefs en bronze, dont l'un d'eux décrit la France, couronnée d'un oursin, "protégeant" une Africaine aux seins nus, assise au pied d'un palmier, ayant des fruits exotiques à sa disposition, et se "bronzant" au soleil, dont les rayons métalliques fondent sur elle comme le Saint-Esprit (allusion subtile au Vaisseau amiral de Duquesne ?). C'est trop mignon.
Coiffant et obturant la gueule du canon, un coq bat des ailes, l'ergot sur une boule. Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées, quant au parti architectural de l'artiste :
- Le coq a pondu un œuf. Il est absolument content, et bat des ailes.
- Le coq a volé un boulet, mais celui-ci est trop lourd, Le coq le retient pour qu'il ne tombe pas, et bat de l'aile.
- Le coq a été apprivoisé pour "rendre la baballe", mais il n'est pas encore au point, et se tient en équilibre.
- Le coq est l'emblème de la France (gallus = coq = gaulois), qui domine le globe terrestre de sa patte gauche, car il est gaucher.
- Encore plus impertinent : le coq a un boulet au pied, et ce boulet, c'est l'Algérie !
François 1er, pour desserrer l'étau formé par la "Maison d'Autriche" (comprenant l'Espagne et les Pays-Bas) et par l'Angleterre, avait fait alliance en 1536 avec Soliman le Magnifique, après la défaite de Pavie et sa capture, à propos de laquelle Soliman l'avait encouragé en ces termes : « François, roi du pays de France, à prendre courage et à ne pas se laisser abattre. Nuit et jour notre cheval est sellé et notre sabre est ceint ». Et, en 1543, la flotte de Barberousse hiverne à Toulon, pendant que Charles Quint attaque Alger sans succès. Il paraîtrait d'ailleurs que les muphtis, aumoniers turcs de la flotte, ayant trouvé que les clochers des églises de Toulon étaient pratiques pour servir de minarets, cela avait provoqué quelques remous, et la flotte était repartie rapido presto, munie de menus cadeaux d'adieu.
C'est en ce temps-là que le gouverneur ottoman Hasan Aga décide de parfaire les nouvelles fortifications du port d'Alger en commandant "l'arme de destruction massive" à un fondeur vénitien - et ami - de canon (de la zone de Cannaregio, spécialisée dans la fonderie des canons). Hasan meurt assassiné en 1543, mais le canon est bel et bien livré à Alger.
C'est un engin superbe : 13 tonnes, 6,6 mètres de long, en bronze, avec un diamètre intérieur de 25 cm. Il a été fabriqué en 3 parties (on distingue toujours les deux brasures sur la photo), placé sous une voûte du fort, et capable d'envoyer un boulet à 4800 mètres. Il semble que le hic soit dans la suite, car il fallait écouvillonner sur 7 mètres, placer la gargousse contenant la poudre avec la "lanterne", placer les deux bourres devant et derrière le boulet, et faire le réglage de tir d'un engin aussi lourd après le recul du premier coup. Pendant ce temps le navire visé avait eu le temps de s'éloigner de quelques centaines de mètres. On devine les plaisanteries des chefs des galères royales de Henri IV venus bombarder Alger - après tant d'autres, en représailles - en voyant les efforts désespérés des artilleurs de la Régence. Donc, les faits d'armes de ce canon seraient passés inaperçus s'il n'y avait pas eu l'intervention de l'amiral Abraham Duquesne, venu en 1682, sur l'ordre de Louis XIV, bombarder une nouvelle fois Alger.
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Le père Levacher était un vieux missionnaire, vicaire apostolique, habitant le pays depuis plus de vingt-cinq ans. Il avait été chargé du consulat de France en 1675, bien qu'il eut allégué son grand âge et de nombreuses infirmités pour décliner ces fonctions. Cependant, la vénération qu'il inspirait aux Turcs par ses hautes vertus et sa bonne connaissance du pays le mettaient en mesure de soutenir au mieux les intérêts français. Il fit tous ses efforts pour soutenir la paix entre son pays et la Régence turque. Mais ses conseils ne furent pas écoutés par Louis XIV et une expédition contre Alger fut décidée.
À la fin du mois d'août 1682, Duquesne avait commencé à bombarder la ville où le feu des galiotes avait causé de grands dégâts. Le 4 septembre, le père Levacher fut envoyé en parlementaire pour demander la paix à l'amiral. Duquesne refusa de répondre au consul, déclarant qu'il ne voulait traiter qu'avec les délégués du Diwan. Et il continua le feu jusqu'au 12. Le mauvais état de la mer l'obligea ensuite à rentrer en France, une partie de la flotte étant restée au large d'Alger pour croiser pendant l'hiver.
Il revint en juin 1683, et le 26 le bombardement de la ville reprenait. Le 28, le dey envoya à bord du bâtiment-amiral, le Saint-Esprit, le père Levacher accompagné d'un parlementaire. L'amiral Duquesne se montra cruel pour le consul, qui méritait plus d'égards, tant par son âge que par ses fonctions. Après l'avoir traité durement, il termina par ces mots " Vous êtes plus turc que chrétien." " Je suis prêtre", répondit le vieillard.
Puis l'amiral réclama la mise en liberté de tous les Français. Ce qui fut exécuté rapidement. Duquesne demanda alors aux envoyés du dey un million et demi de livres à titre d'indemnités. Le dey sollicita un délai de quelques jours pour rassembler cette somme. Entre-temps, il envoya des otages, parmi lesquels se trouvait Mezzo-Morto, dit Hadj Hussein, renégat génois, chef des raïs.
Les exigences de Duquesne avaient profondément divisé la ville et deux partis s'étaient formés : l'un qui voulait la paix et l'autre qui réclamait la guerre. Ce dernier était appuyé par les raïs. Mezzo-Morto supplia Duquesne de le débarquer en disant qu'il en ferait plus en une heure que Baba-Hassein, le dey, en quinze jours. L'amiral le crut et le laissa retourner à terre.
Aussitôt, Mezzo-Morto s'entoura des raïs, marcha à leur tête sur la Djenina, fit massacrer le dey, hissa le drapeau rouge et ouvrit le feu de toutes les batteries sur la flotte française. Il fit dire à Duquesne que s'il envoyait encore des bombes sur la ville, des chrétiens seraient mis à la bouche des canons. Cela se passait le 22 juillet. Le bombardement reprit et la menace fut exécutée.
C'était le 29 juillet. Au plus fort du feu, une bande de forcenés se dirige sur le consulat de France, saccage la maison et s'empare du consul. Comme le père Levacher ne pouvait pas marcher on l'emporta assis sur une chaise et-on se dirigea vers le môle. Là, il fut placé à la bouche de " Baba-Merzoug". Vingt résidents français partagèrent le sort du consul.
En 1686, lors d'un nouveau bombardement d'Alger, par la flotte du maréchal d'Estrées, cette fois, le successeur du père Levacher, M. Piolle, fut conduit au môle pour y subir le même supplice mais il avait été si cruellement frappé tout au long de la route qu'il expira avant d'arriver à la batterie.
Successivement, cette fois-là, 42 Français furent attachés au canon. Le maréchal d'Estrées riposta en faisant pendre autant de Turcs qu'il y avait eu de Français suppliciés."
A titre indicatif, Mezzo Morto, marin sur un bateau génois, qui avait été capturé "mezzo morto", à moitié mort, converti à la religion musulmane, assassin de Baba Hassan, a fini par signer un traité valable 100 ans avec l'amiral Tourville ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Anne_Hilarion_de_Costentin_de_Tourville ), lequel traité ne dura que quelques années. Puis, pour ne pas connaître le sort qu'il avait fait subir à son prédécesseur, il émigra en Turquie, où il fut nommé grand amiral de la flotte.
Il est évident que lors de la prise d'Alger par l'armée française, la "Consulaire" fut l'objet de soins attentifs de la part de l'amiral Victor-Guy Duperré, originaire de Brest, ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Guy-Victor_Duperr%C3%A9 ), ce qui l'amena à l'arsenal de Brest pour l'ériger comme symbole de la victoire française, mais aussi comme un monument aux morts, plutôt que d'une volonté colonisatrice, car il était hostile à l'expédition d'Alger. Les Français ramenèrent aussi des canons pris à la France par les corsaires de la Régence, récupérés en 1830, et au moins un conservé dans la cour du Musée des Invalides à Paris.
La grande grue électrique avant les bombardements de la seconde guerre mondiale.
À sa droite, la Consulaire.
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