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Écrire avec le souffle de la patrie
avec l’argile du palmier libéré
avec les racines de tes pas dans les charniers des pauvres
Écrire sur le vent
qui donne naissance aux hommes noyés
Écrire sur les épaules du fleuve
et aussi sur le voyage de nulle part
à l’instant qui limite le jour
Écrire comme le prisonnier du miroir
Écrire pour calmer l’univers dans la tête du mendiant
pour extraire la sève des souvenirs
pour le vol des migrateurs sans escale
Écrire pour éclairer une forêt de pins dévastée
et élargir la fosse d’un tyran
Ainsi suis-je embarqué sur le corps
de la tempête des hommes.
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SALAH AL HAMDANI
Editions Al Manar
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Aux victimes du tyran en Syrie
Un coucher de soleil froid
sur le seuil d’un jour vibrant
le ciel ensanglanté
comme un nuage épais qui s’effrite à l’infini
et la crainte de mon propre destin
Devenir un arbre
ma tête à la renverse
et l’horizon des hommes là-bas
La lumière dans mon crâne comme un souffle
accent sur mon visage
Je me suis enfin échappé
et le rien ballotte au bord de mon matin
morceau de lune
Dans ma cellule étroite
chaque nuit
l’Euphrate me rend visite
Il y glisse délibérément
un écho de l’enfance
Sa voix pénètre le bruit de l’eau profonde
comme une lamentation
ainsi que l’innocence du jour orphelin
et ce frisson sublime
Je suis un détenu pour moi-même
mémoire dans cette cellule
Soudain je déplie ma voix
et une lourde obscurité
de gorge fracturée
emplie de mots coagulés
perle de ma bouche
Entre l’éveil et les sacrifiés de la Syrie
le silence des lâches et les saisons abasourdies
saisissent mon cœur
Leurs coups pleuvent sur mon visage
je les vois en rêve
Ils laissent des traces de sang le long de mon matin
et des chevaux coupés au jarret
peints sur la face du jour
Je suis un accusé
ligoté dans l’arène de ce monde
face à des questions sans lendemain
Et voici mon exil
Il reçoit votre révolte
Et le ciel
un témoin
suspendu au-dessus de ma tête
creuse loin dans le temps
Je crains la panique de l’âge
ainsi que l’humiliation de la rivière
le mystère
et l’ailleurs qui meurt au pied du mur
J’étais dans le sommeil. Je voyais les veines de vos morts toucher mon visage, ma poitrine, mon dos, mes jambes et mes bras. Alors, calmement, j’ai compté ces vaisseaux qui pénètrent la peau et la pensée, et vont s’écraser finalement contre un rêve
Rêve fossoyeur
odeur d’herbe fraîche autour de mes sueurs froides
épine d’un souvenir informe
dans une obscurité polie
Ne faut-il pas se réveiller en sursaut
pour ôter l’épée du corps du sacrifiés ?
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SALAH AL HAMDANI
Le 11 Novembre 2011
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Si jamais un de ces matins
ton âme est traversée par une aube triste
ne crains rien
Tu étireras tes pas lents
comme la plainte de l'enfance
C'est toujours le tourment de l'ombre du palmier
qui pousse dans l'argile rouge de l'Euphrate
Il donne aux troupeaux d'hommes
un mal de vivre
qui accroît leur attente
Ici les hommes n'ont plus le souvenir du parfum de la lavande
ni celui de la cire enracinée dans la flamme
Alors extirpe la prison de ta tête
écorche ton corps à partir du miroir
parfume ton regard
et de la frange de lumière qui reste
embrase ton exil
et répète après moi :
Passionnément
foudroyer le silence
la lâcheté
Il faudra encore plus de paroles et d'actes tranchants pour
défier les assassins
et dérober leur haine à nos rêves
Bagdad est de nulle part
elle est d'ici
commence avec moi
et ira vers l'autre
avec lequel elle restera
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SALAH AL HAMDANI
in Le balayeur du désert,
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