De l'autre côté du musée, près d'un quinconce d'eucalyptus, gisent les ruines parfaitement reconnaissables d'un amphithéâtre. Nul besoin de notions techniques pour suivre le tour de l'arène et distinguer les voûtes inclinées qui, supportant les gradins, servaient en même temps de « foyer » aux gladiateurs, de cages aux bêtes féroces ou de réservoirs à l'eau destinée à changer l'arène en un lac pour les naumachies.
Auprès de Tipasa, Cherchel avait aussi son amphithéâtre.
Que de pierres, que de pierres ! brutes, taillées, carrées, oblongues, de toute forme et de toute couleur. Le sol en est jonché, le mur qui clôt le champ que nous explorons en est fait. La plupart, dispersées, ne tiennent plus à l'histoire humaine que par la marque du ciseau qui les a jadis façonnées. On compte celles qui, jointes encore et cimentées, attestent le travail du maçon et de l'architecte.
Voici, par exemple, à l'ombre d'un élégant bouquet d'oliviers, un amas dans lequel on croit reconnaître le plan et la disposition d'un temple. Le paganisme fut la religion de Tipasa avant que le christianisme y vînt dresser ses autels. Les deux religions durent ensuite vivre longtemps côte à côte. Les sarcophages de marbre dont j'ai parlé ci-dessus, l'un avec sa scène mythologique et l'autre sa fiction biblique, viendraient à l'appui de cette hypothèse.
Non loin de là, vers l'ouest, s'étend, dans les chardons, un bloc rompu en trois morceaux et qu'au premier abord vous prendriez pour une simple roche. C'est une pyramide octogone. On en peut compter les faces, où le ciment adhère encore avec une tenacité remarquable. Elle surmontait, à deux pas de là, un édifice mortuaire, un colombarium, dont les niches n'ont éprouvé que peu de dégradation. Nous reviendrons sur cette singulière espèce de tombeaux en visitant la nécropole de l'ouest, où leur nombre paraît avoir été considérable.
L'endroit où nous nous trouvons devait être, sans nul doute, un centre riche et vivant, la Chaussée d'Antin de Tipasa. Nous y rencontrons encore une magnifique fontaine ou les colonnes, les statues, le marbre et le bronze étaient prodigués. L'effet en est vraiment théâtral, même à l'état de débris, et l'on se refuse à croire que de vils bestiaux, fut-ce même le cheval impérial de Caligula, aient été, dans l'origine, admis à se désaltérer à ces abreuvoirs circulaires, d'un style si délicat, avec leurs parois sculptées et leurs élégantes corniches. Il est à supposer qu'au temps de la splendeur de Tipasa, elle n'avait d'autre objet que l'ornement du quartier, les particuliers tout au plus ayant eu le droit d'y puiser ; et que plus tard seulement, dans les jours d'abandon et de décadence, lorsque temples, églises, palais n'abritaient plus qu'une poignée de pâtres ou de brigands, la fontaine fut vouée aux plus profanes emplois.
Berbrugger raconte assez plaisamment, dans les Annales africaines, qu'avant les fouilles régulières destinées à recueillir les objets d'art et de prix de l'endroit, une belle statue de marbre blanc fut découverte auprès de la fontaine, mais que peu d'amateurs en purent jouir, certain particulier de Marengo n'ayant rien eu de plus pressé que de la faire équarrir pour en tirer un bénitier. Les plus crédules ne sont pas toujours ceux qu'on pense.
Enfin, et dans les mêmes parages, car la place est féconde et mérite d'être examinée pierre à pierre, une porte cintrée, à la suite de laquelle se trouvent plusieurs marches, vous conduit clans une chambre basse et voûtée comme une cave. Un rebord saillant règne autour et permet de s'y reposer. La paroi du fond semble étrange et déconcerte l'investigateur. On la croirait ornée d'un revêtement sculptural, tant les dessins en sont réguliers et polis. Ce prétendu revêtement n'est autre chose qu'un dépôt calcaire, sorte de stalactite formé par le glissement prolongé des eaux. Nous sommes dans un réservoir, ou regard de distribution.
L'eau du Nador, amenée par les grands aqueducs dont nous avons suivi les traces au débouché de la forêt de Marengo, entrait dans le regard par un trou qui subsiste encore au haut de l'incrustation, séjournait plus ou moins longtemps et ressortait par un autre trou que l'on retrouve aussi sur la droite, oblitéré par le dépôt des sels. Mais le soleil a disparu, et tandis que regard, fontaine, pyramide, amphithéâtre s'effacent envahis par l'ombre du crépuscule, un vieux mur qui déjà s'était fait remarquer, le jour, par les assises disloquées de ses grosses pierres de taille, mais auquel, faute de savoir à quel édifice le rattacher, nous n'avions accordé qu'une médiocre estime, prend tout à coup des proportions énormes. Sa silhouette dentelée, fendillée, éventrée et se détachant en vigueur sur le ciel clair du couchant, joue, de certains points de vue, l'arc de triomphe. Les Romains vainqueurs sont passé par là ! Faisons dix pas, c'est un portique, un aqueduc; et le profil changeant encore à mesure que nous marchons, la vision devient fantastique On dirait un monstre, un léviathan.
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LES MONUMENTS ANTIQUES :
LE FORUM, LE CAPITOLE, LA CURIE ET LA BASILIQUE
Cet ensemble, découvert en 1914-1916, couronne la colline centrale qui s'appelait, dans l'Antiquité, la colline des Temples.
Une place de 50 mètres sur 27, au dallage intact, et encore bordée de son caniveau d'écoulement' des ,eaux, le Forum occupe le centre d'un groupe de monuments et forme le cœur de la vie civile de la petite cité. A l'Est, précédé d'un perron qui servait de tribune aux harangues, c'est la Curie, siège du Conseil Municipal ; au Nord, c'est le soubassement d'un Capitole, à trois chapelles : Temple de Jupiter, Junon et Minerve, ;à l'Ouest, en contrebas de quelques marches et au delà d'une galerie couverte ou cryptoportique, c'est une basilique civile, tribunal et siège de la vie économique. Une belle mosaïque représentant des Maures captifs en ornait l'abside. Au Sud, enfin, le Forum donnait sur la ville 'étendue à ses pieds 'et un vaste escalier monumental à deux rampes permettait d'y accéder.
Warda El Djazaïria est décédée, jeudi au Caire, à l’âge de 72 ans, victime d’une crise cardiaque, selon plusieurs médias électroniques.
Son corps sera rapatrié à Alger aujourd’hui, selon d’autres sources. La diva algérienne venait de participer à une campagne patriotique de l’opérateur de téléphonie mobile Nedjma avec sa chanson Mazalwaqfine.
De mère libanaise et de père algérien, la grande chanteuse, née en France, a été adoptée par l’Egypte. Forte d’un répertoire de plus de 300 chansons, Warda El Djazaïria a vendu plus de 20 millions d’albums à travers le monde, rappelle le site TSA.
L’enterrement aura lieu demain, samedi, au cimetière El Alia (Alger).
Adlène Meddi
Bouteflika veut que la célèbre chanteuse algérienne soit enterrée dans son pays.
La célèbre chanteuse algérienne Warda al-Jazairia est décédée ce soir d'une crise cardiaque au Caire, à l'âge de 73 ans, selon des informations rapportées par la chaîne panarabe al-Arabiya. Le président algérien AbdelAziz Bouteflika a demandé à ce que la chanteuse, née en 1939 d'un père algérien et de mère libanaise, soit enterrée en Algérie. Mais Warda sera enterrée au Caire.
Surnommée la "Rose algérienne", Warda avait comencé sa carrière de chanteuse à Paris dans un établissement appartenant à son père. Elle commence très jeune avec des reprises de chansons des plus grands, les Egyptiens Oum Koulsoum, Mohamed Abdelwahab et Abdelhalim Hafez, avant d'interpréter ses propres chansons sur des airs composés par Sadeq Thuraya, son mentor tunisien.
Connue dans le monde arabe pour ses chansons patriotiques durant la guerre d'Algérie, Warda commence à travailler en Egypte où elle collabore avec des grands de la musique, comme Abdelwahab. Après l'indépendence de l'Algérie, elle retourne au pays et se marie en 1962.
Dix ans plus tard, elle s'installe en Egypte où elle interprète quelques unes de ses chansons les plus connues et joue dans plusieurs films. Elle atteint l'apogée de sa carrière après sa rencontre avec Baligh Hamdi, compositeur de renommée, qui devient son époux.
Avec plus de 300 chansons, cette diva de la chanson d'amour a vendu plusieurs dizaines de millions d'albums à travers le monde. Une de ses chansons, "El Ghala Yenzad", fait l’éloge de la famille du Prophète, mais aussi de l'ancien leader libyen Mouammar Kadhafi. A cause de cette chanson, la chanteuse algérienne avait été interdite en Égypte durant trois années. Warda avait dû intervenir auprès de Jihane Sadate, la femme du président égyptien à l'époque, afin que ce dernier daigne lever cette interdiction.
Trois mois avant sa mort, elle avait adressée une lettre ouverte aux officiels de la chaîne qatarie al-Jazira, la critiquant pour sa couverture du printemps arabe.
"Vous avez tué des milliers de Libyens et vous continuez de faucher un grand nombre d’innocents en Syrie (…) Vous jurez n’avoir porté aucune arme, et moi je vous réponds que vous avez l’arme de destruction massive la plus puissante : les médias. Si vous faites un mauvais usage des médias, vous tuerez les fils de l'arabisme", aurait-elle écrit selon différents médias qui ont rapporté l'histoire. "Si vos maîtres touchent leur salaire du pétrole, vous touchez les vôtres du sang arabe parce que vous êtes des marionnettes dans leurs mains sales, et plus vous mentez, lancez des fatwas et faites perdre la vie aux gens, plus vous êtes payés !", aurait également écrit Warda en s'adressant à al-Jazira.
Les anges ont cueilli Warda
Lorsqu’elle chantait, les mélomanes étaient aux anges. À présent, ce sont les anges mélomanes qui doivent être ravis de sa présence parmi eux.
Warda al-Jazairia , l’un des derniers monstres sacrés du panthéon musical arabe est parti sur la pointe des pieds. Des millions de fans pleurent la «Rose d’Algérie» et l’accompagnent aujourd’hui à sa dernière demeure.
Après une enfance parisienne (elle est née à Puteaux, Paris, en juillet 1940, d’un père algérien, Mohammad Ftouki, et d’une mère libanaise de la famille Yammout), elle a eu trois terres d’accueil et d’amour : le Liban, l’Égypte et l’Algérie. Le public libanais l’a connue élégante comme une Parisienne, chaleureuse comme une Beyrouthine, drôle comme une Cairote et bosseuse comme une Algérienne. Mais à chacune de ses visites à Beyrouth, invitée notamment par le Festival de Baalbeck (en 2005 et en 2008), elle aimait réitérer son amour pour sa seconde patrie, le Liban, où elle a tenu l’un de ses derniers concerts en septembre 2011.
Une rose de l’espèce des «cœurbivores», elle a souvent été comparée à la géante Oum Kalsoum. Mais la discrète réfutait toute ressemblance, aussi honorifique soit-elle, et revendiquait son droit à « être moi-même, tout simplement ».
Elle apparaissait, sur scène ou devant les journalistes, la main sur le cœur (ce cœur si gros qu’il l’a lâchée, finalement) prés duquel elle avait suspendu, en médaillon, une prière «Macha’Allah» et un œil pour conjurer le mauvais sort. Car la vie n’a pas été très tendre avec la diva du monde arabe. Côté santé, d’abord, avec deux grosses opérations au cœur et au foie l’ayant éloignée un certain temps de la scène. Mais aussi sur le plan de la vie privée qui «clashait» parfois avec les exigences d’une carrière internationale. Une carrière qu’elle a entamée très tôt, à l’âge de onze ans, lorsqu’elle a commencé à chanter au Tam-tam, un établissement du Quartier latin appartenant à son père. Elle s’est fait alors connaître pour ses chansons patriotiques algériennes. C’est d’ailleurs suite à ces chansons qu’elle s’est trouvée obligée de quitter la France pour Beyrouth en 1958. Avec sa voix chaude et vibrante, sans oublier son engagement pour la cause algérienne, elle commence à se faire un prénom. Deux rencontres vont lui ouvrir, dès 1959, les portes du Caire. La première aura lieu au Tanios, le fameux «casino» de Aley. Deux soirs d’affilée, un visiteur de marque vient l’écouter. Flairant le talent de la jeune femme, le compositeur Mohammad Abdel Wahab la prend sous son aile et l’initie au chant classique. Il met en musique pour elle une «qassida » du «prince des poètes», Ahmad Chawqi, Bi-omri kullo habbetak. Premiers succès. Helmi Rafla, célèbre réalisateur de comédies musicales, vient en personne lui faire signer un contrat. Elle tournera sous sa direction Amirat al-Arab et al-Maz, qui font d’elle la coqueluche des Cairotes. Puis c’est au tour du compositeur exclusif d’Oum Kalsoum, Riad al-Sombati, de lui ciseler le bijou La’bat el-ayyam. Vers la fin des années 50, elle chantera devant Nasser, qui la reçoit en tant qu’ambassadrice de la cause algérienne. En 1962, elle décide de rejoindre la patrie qu’elle n’a jamais vue et interrompt sa carrière artistique.
Un jour de 1972, le coup de téléphone d’un fan pas comme les autres va être à l’origine de son come-back. Houari Boumediene veut qu’elle donne un récital pour le 10e anniversaire de l’indépendance du pays. Ce qu’elle fait, accompagnée d’un orchestre égyptien. Suite à cela, son mari demande le divorce; c’est ainsi qu’elle décide de consacrer sa vie à la musique. Elle retourne ensuite au Caire où elle épouse en secondes noces Baligh Hamdi, le compositeur attitré des dernières années d’Oum Kalsoum. Dans les années 90, le jeune compositeur Salah Charnoubi la propulse également au sommet avec Batwannès bik et Haramt ahibbak. En 1994, elle est montée sur la scène algérienne dans une mise en scène de Caracalla pour fêter le 50e anniversaire du début des combats. À cette occasion, Bouteflika lui avait octroyé l’ordre du Mérite national.
Après une longue absence, elle fait un come-back triomphant à Baalbeck en 2005. Puis en 2008. Où près de 3 000 fans l’applaudissent à tout rompre, charmés par sa présence chaleureuse et sa voix prompte à donner des frissons.
Cueillie par les anges, Warda – des millions d’albums à travers le monde pour un répertoire musical comprenant plus de 300 chansons – est entrée assurément dans le panthéon des immortels de la chanson arabe.
Warda était venue dans la petite ville de Sidi Ghilès le vendredi 29 mars 2012, pour tourner le clip Mazal wakfine, produit par l’opérateur de téléphonie mobile, Nedjma, à l’occasion de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie.
L’arrivée de la star avait été marquée par des youyous et des applaudissements nourris. Les familles et les jeunes de Sidi Ghilès, de Cherchell et des localités voisines avaient envahi la placette où devait se tourner le clip.
A sa descente du véhicule, elle était déjà entourée et prise en charge, afin de l’aider à effectuer juste quelques pas pour regagner la tente plantée au milieu de la cour d’une ex-école primaire en quête d’aménagement et de confortement.
L’attente fut longue. La marée humaine qui convergeait vers la placette de Sidi Ghilès grossit au fil des minutes. Warda a retrouvé finalement son visage d’artiste, son charme, sa beauté, à la suite de la séance de maquillage. Son fils, Adel, ne cessait de faire des va-et-vient pour mettre au point le dispositif, en collaboration avec l’équipe technique. Son épouse surveillait son fils, intervenait de temps à autre auprès de l’entourage de sa belle-mère, sans jamais oublier d’immortaliser ces moments magiques dans le tournage de ce clip de Nedjma. Le look et la coiffure de la belle-fille de Warda ne sont pas passés inaperçus.
Warda s’apprête à quitter la tente. Elle est superbe et ravissante. Elle murmurait quelques mots à son entourage. La star, fatiguée, s’engouffre dans le véhicule en compagnie du chanteur Bâaziz. Lentement, le véhicule noir avance d’une trentaine de mètres pour s’arrêter au pied du kiosque à musique érigé au milieu de la placette. Soutenue, Warda s’installe sur une chaise posée dans le kiosque à musique.
Elle fait des signes aux citoyens très nombreux, admiratifs et déjà ivres de bonheur. Un événement qui restera gravé dans les esprits de ces jeunes, ces femmes et ces vieux.Emportés par la musique du clip, les figurants venus de tous bords exécutent les pas selon les signes du réalisateur. Warda est obligée de marquer des pauses.
Le temps d’embrasser amoureusement son petit-fils, discuter avec les techniciens, sa belle-fille et son fils Adel. Un léger vent souffle. Warda regarde dans la direction de ses proches. Rapidement, on l’ensevelit sous une légère écharpe blanche pour la protéger. La placette ne désemplit pas. Après plusieurs essais, le crépuscule commence à s’installer. Warda devait quitter Sidi Ghilès alors qu’elle était vraiment mal en point. Plusieurs plans avaient été filmés pour les besoins du clip
L’équipe du tournage avait programmé un détour à Hadjret-Ennous pour achever le clip. Warda El Djazaïria part sous bonne escorte. Une journée inoubliable. Un vendredi ensoleillé. Des moments de rêve que les habitants de Sidi Ghilès n’oublieront pas.
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M'hamed Houaoura
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L'Algérie pleure sa chanteuse Warda
enterrée au carré des moujahidine
L'Algérie a réservé un accueil solennel et rempli d'émotion à la dépouille
L'Algérie a réservé un accueil solennel et rempli d'émotion à la dépouille de sa diva Warda El-Jazaïria, qui a été enterrée samedi au cimetière El-Alia d'Alger, pour y reposer dans le carré des moujahidine aux côtés des hommes les plus importants du pays.
Fait rarissime pour une personnalité non politique, une haie d'honneur de la Protection civile a accueilli au cimetière le cercueil de "La Rose Algérienne", suivi par son fils Ryad, la gorge nouée, incapable de s'exprimer tant l'émotion était forte. Il avait toujours vécu auprès de la cantatrice de la chanson arabe, dont le père était algérien et la mère libanaise. Sa mise en terre dans le carré des moujahidine (combattants indépendantistes) a été accompagnée de centaines de youyous de femmes qui ont assisté à cette cérémonie d'habitude réservée aux hommes, selon le rituel musulman dans ce pays. Le Premier ministre Ahmed Ouyahia et le frère du président Abdelaziz Bouteflika, Saïd Bouteflika, marchaient en tête du cortège, avec à leurs côtés notamment, le conseiller et ami d'enfance du roi du Maroc Mohamed VI, Fouad el-Himma. "Je suis totalement effondrée. La rose de l'Algérie s'est fanée, je me sens comme morte", pleure Khalfa Benamar, 61 ans, venue spécialement de Bejaïa, à 250 km à l'est d'Alger. "Je n'ai pas pu m'empêcher de l'accompagner au cimetière. Sa voix m'a bercée dans mon enfance et elle a tellement donné au pays", déclare Samia Mabrouk, une Algéroise de 40 ans. Chanteuse à 11 ans au Quartier Latin
Mourad, 40 ans, fonctionnaire, déplore la "perte d'un symbole de toute l'Algérie". Warda est morte à 72 ans d'une crise cardiaque jeudi au Caire, où étaient déjà décédées les ambassadrices de la chanson arabe devenues éternelles, la Syrienne Ismahane et l'Egyptienne Oum Koulsoum.
Son corps, ramené à Alger par avion spécial, avait été accueilli vendredi soir à l'aéroport par plusieurs ministres.
Dans la matinée, son cercueil, entouré de plusieurs femmes de la protection civile, est resté quelques heures dans une salle du Palais de la Culture pour recevoir un dernier hommage de ses compatriotes.
Un homme d'une trentaine d'années, originaire d'Ain Defla, à 140 km au sud-ouest d'Alger, est arrivé en pleurant et criant "Warda, Warda" devant le cercueil, pris d'une crise d'hystérie, avant de perdre conscience. Il a tout de suite été évacué. "Une semaine avant sa mort, je l'avais rencontrée au Caire. Elle était impatiente de retourner en Algérie pour s'y établir et participer aux 50e anniversaire de l'indépendance", a raconté à l'AFP, ému, l'ambassadeur d'Algérie en Egypte, Nadir Arbaoui. En prévision de ces cérémonies, elle avait enregistré "Mazal Ouakfin" ("Nous sommes encore debout"), que la radio passe aujourd'hui en boucle, avec des témoignages, tandis que la télévision retransmet ses concerts.
Toute la presse algérienne lui rend hommage samedi avec des dizaines de photos en une où elle apparaît souriante et heureuse. Le quotidien arabophone El-Khabar lui consacre cinq de ses 24 pages.
A onze ans déjà, elle chantait dans le café parisien de son père, le Tam Tam, et elle a continué à chanter pour tout le monde arabe, pour l'indépendance de l'Algérie, ce qui l'avait obligée à quitter la France en 1958, quatre ans avant la libération de son pays.
La ministre de la Culture Khalida Toumi a rappelé dans un discours prononcé au Palais de la Culture samedi que Warda "n'avait jamais hésité à offrir sa voix et même ses revenus à l'Armée de libération nationale".
Le président Abdelaziz Bouteflika lui avait aussi rendu un hommage ému vendredi. Elle qui a "dédié son art entièrement" à l'Algérie, selon les mots du chef de l'Etat, "est décédée en Egypte loin de sa patrie".
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AFP
Tu es toujours parmi nous
De Warda El Djazaïria, je garde le souvenir d'une grande dame. D'une Algérienne authentique qui portait son Pays dans son coeur. Cette Algérie avec laquelle elle partagea les peines et les joies et célébra les victoires.
«L'Impossible Machi H'na» !
Tout au long du tournage qui a duré plusieurs jours, Warda a fait preuve de persévérance, de patience et de perfectionnisme afin de produire un spot de qualité. Malgré quelques signes de fatigue, elle n'a pas trébuché un seul instant.
Elle a prouvé, une fois encore, sa grandeur, son humanité et son amour pour ses compatriotes.
A Sidi Ghiles (Cherchell), lieu de tournage du spot «Mazal Wakfin», elle répondait avec le sourire à toutes les sollicitations des nombreux citoyens qui voulaient l'approcher et immortaliser cet instant avec la Diva de la chanson arabe. C'était le vendredi 30 mars 2012.
La disparition de Warda, la Reine du «Tarab el Arabi», est une immense perte pour nous tous, mais c'est la volonté de Dieu que nous devons accepter.
Repose en paix Grande Dame.
«Mazalti Maana»
«A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons»
A L'AVENTURE! — AUTHENTICITÉ ET MAJESTÉDES THERMES.
— EFFET PITTORESQUE.
Vers 1900
« Ne ferez-vous point votre sieste ? » me dit le Nemrod en tirant sa montre. C'était l'heure propice, et la fatigue du voyage semblait devoir m'y convier; mais le moyen de rentrer, de s'enfermer, de dormir, quand tant d'objets nouveaux m'appelaient, m'attiraient dehors ! Prenant donc sous mon bras l'album et le pliant, qui ne m'ont plus quitté durant tout mon séjour, je m'élançai dans la campagne.
J'étais seul ; ainsi l'avais-je voulu, déclinant l'offre de guides dont l'expérience m'eût sans doute fait connaître en peu d'heures ce qui me demanda des semaines d'exploration et d'étude ; mais quel bonheur aussi d'aller à sa fantaisie, sans indication, sans itinéraire, et de s'imaginer un peu (l'illusion est si facile!) avoir découvert Berbrugger et les Mac Carthy ont déjà, depuis plus de vingt ans sans doute, signalé l'existence et relevé les plans. L'attention d'ailleurs a, comme l'estomac, ses caprices; elle ne s'assimile bien que les aliments de son choix et pris à une heure opportune. Voir mal à propos, c'est mal voir. Autant vaudrait s'abstenir.
Point de stations imposées, point d'admiration de commande; je ne m'arrêtais qu'aux lieux d'un intérêt en rapport avec mes goûts, avec mes connaissances, et là, tout yeux, ému, transporté, je scrutais, analysais, commentais, j'osais même parfois conclure, et le soir, dans le salon hospitalier de la villa Trémaux, l'avis suprême de l'archéologue ou consacrait ou condamnait les théories hasardées le matin. Qu'il se sentait heureux, le profane, lorsque d'aventure il avait approché de la vérité !
La ruine qui, par la singularité de ses lignes, sa hauteur et son étendue, appelle d'abord l'attention, c'est le massif des thermes. La route qui mène à l'hôtel passe au milieu, on les traverser chaque instant, on en aperçoit de partout les quatre principaux débris qui, jaunâtres, bossués, surplombants, difformes et couronnés de verdure, ressemblent plus à des rochers qu'à des construc— tions. De certains points cependant, symétriques dans leur désordre, ils rappellent vaguement les propylées de Memphis et de Thèbes.
L'ancienne destination de ce monument ne peut souffrir aucun doute. Des conduites d'eau, des bassins, des étuves et autres installations hydrauliques montrent jusqu'à l'évidence que c'étaient bien là des thermes. Quant à leur masse énorme, elle s'explique aisément par ce détail connu que les bains n'étaient point jadis de simples établissements de propreté et d'hygiène, mais qu'il s'y joignait de vastes salles destinées à servir de bibliothèque, à donner des concerts, à former la jeunesse aux exercices du corps. On y passait, comme à présent dans certains cercles, la plus grande partie du jour. Peut-être y mangeait-on, peut-être même y couchait-on la nuit. Les auteurs anciens ne nous ayant laissé aucune description des thermes, toutes les suppositions sont permises en présence de la grandeur de leurs débris. A Rome, les thermes de Dioclétien sont si vastes qu'on dirait une ville dans la ville.
Ceux de Tipasa confinent au musée. Plusieurs pans même y sont enclavés et ne contribuent pas peu, sous le réseau de vigne qui les couvre, à l'agrément du coup d'oeil. L'un d'eux, profondé— ment excavé, et dans lequel on peut entrer, paraît avoir servi d'étuve. On ne devra toutefois rien décider à cet égard qu'après le déblaiement complet des terres et des matériaux qui le comblent encore en grande partie.
Le seul groupe des thermes fournit au dessinateur des points de vue nombreux et variés. Pris de jour, en plein soleil, avec l'ocre de ses ciments et l'azur de ses perspectives s' étendant au choix sur la mer ou sur les flancs de la montagne, il tenterait le pinceau d'un Marilhat, d'un Luminais.
Joseph Vernet, Corot, l'aimeraient mieux le soir quand ses blocs assombris, percés de trous où passent les étoiles, profilent sur le ciel leur silhouette géante.
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LES THERMES
Tipasa en possède au moins quatre :
les grands Thermes, en bordure du Parc Trémaux,
les petits Thermes, au bord de la mer, à l'ouest de la crique,
d'autres encore, en arrière du 'bâtiment industriel aux quatre cuves,
LA GRANDE JARRE. — LES SARCOPHAGES DE MARBRE. — LA COLLECTION NUMISMATIQUE.
Vers l'an 1900
C'est une mine encore vierge, ou peu s'en faut du moins, et les endroits explorés par M. Trémaux, qui la possède en grande partie, ne sont véritablement rien à côté de ceux dont les indigènes seuls ont pu troubler le repos séculaire. De temps en temps, quand les moyens et les loisirs le permettent, des tumulus sont fouillés, des sarcophages ouverts, et nul doute qu'à la longue, d'intéressants objets ne viennent enrichir le musée auquel ces travaux ont donné naissance.
Ce musée, établi dans le jardin de la villa de Trémaux, et qu'aucun mur ne dérobe aux yeux, attire de prime abord le regard. L'heure du déjeuner n'étant pas encore venue, le maître me proposa d'y faire, sous sa conduite, une étude préliminaire. Jamais offre ne fut acceptée de meilleur coeur.
On entre par une grille toujours libéralement ouverte au public, et tout de suite, parmi les peupliers, les pins d'Alep, les lauriers roses, les eucalyptus qui les ombragent, parmi les chrysanthèmes, les iris, les plombages, les daturas qui fleurissent à leurs pieds, non sans laisser quelque place aux cultures maraîchères, paraissent les antiquités.
Ce sont, je prends au hasard, car les foins coupés et les gazons secs permettent que le visiteur, s'écartant des allées, coure partout sans dommage, au seul gré de la fantaisie, ce sont ici des incrustations grossières, des chapiteaux de formeétrange, des sculptures du dessin le plus grotesquement sauvage et corroborant l'hypothèse précédemment énoncée d'une occupation antérieure à la venue des Romains. Ce sont là des espèces de bouteilles, de la couleur et de la matière des tuiles, mais manquant toutes de fond, et quel - ques unes d'embouchure. Elles servaient, paraîtil, au même usage que nos briques creuses. On les employait aussi, emboîtées l'une dans l'autre, à former des arceaux de voûtes.
Au milieu de la pelouse centrale, et tenant la place d'honneur, s'élève une jarre énorme, mesurant près de cinq mètres de circonférence. Les musées d'Alger et de Cherchel en peuvent mon— trer d'aussi grandes, mais ils n'en ont certes pas d'un galbe aussi correct et d'un tour aussi pur. Rose, propre et sans la moindre écornure, on la dirait cuite hier. Elle a été trouvée dans un amoncellement de débris, près du port. Je pourrais citer bien d'autres morceaux, des inscriptions, des colonnes, des fragments de bas-reliefs.
J'ai hâte d'arriver aux deux magnifiques tombeaux, la richesse et l'honneur du musée de Tipasa. Ils sont en marbre blanc, et les sujets sculptés qui les décorent ont une réelle valeur artistique. Sur l'un d'eux, le plus petit, sont représentés deux lions symétriques tenant chacun dans leurs griffes un herbivore fortement cornu, antilope, chèvre ou gazelle, qu'ils s'apprêtent à dévorer. Les têtes des carnassiers, exécutées en haut-relief, ont une expression de férocité parfaitement rendue. Leurs corps, moins saillants, s'amincissent aux angles du sarcophage qu'ils contournent pour finir en basrelief sur les petits côtés. Au milieu de la face antérieure, entre les têtes des lions, marche gaiement, avec la brebis légendaire sur ses épaules et deux béliers tressautant à ses pieds, un personnage qui ne saurait être que le bon pasteur. Salut ici, danger là, l'allégorie est aussi transparente qu'ingénieuse.
Le second sarcophage l'emporte encore en importance, en perfection sur le premier. Il est partagé en six tableaux : deux sur les petits côtés, représentant des sacrificateurs aux prises avec le taureau victimaire ; deux aux extrémités de la face antérieure, ayant pour sujet des guerriers dont les nus, très fouillés, sont traités avec une rare entente de l'anatomie ; deux enfin au milieu, les plus remarquables de tous. Le temps ou le vandalisme en a malheureusement mutilé les traits essentiels; des têtes sont usées, d'autres manquent. Ce qui reste, toutefois, suffit pour dénoter une oeuvre appartenant, sinon aux bonnes époques, au moins aux meilleures traditions de l'art. Il s'agit, comme sujet, de cérémonies nuptiales : ici l'amour avec son flambeau, là le trépied des fiançailles. Suivant toute probabilité, ce sarcophage provient d'une sépulture païenne. Un cadavre chrétien devait occuper l'autre. Ils ont été trouvés, par hasard, dans un caveau, près de la vieille enceinte, à gauche de la route en allant vers Cherchel.
Exposés comme ils sont, en plein soleil, parmi les arbres et les fleurs, ces tombeaux attirent mieux l'attention, captivent plus fortement que s'ils étaient emprisonnés dans une salle obscure et confondus avec d'autres débris. Ils comptent aussi beaucoup dans l'attrait de Tipasa. Les ruines, sans eux, paraîtraient découronnées. Dans le cas où la surveillance dont ils sont l'objet paraîtrait insuffisante, ne pourrait-on les garantir au moyen d'une construction légère ? Je les verrais avec peine prendre, ainsi qu'on les y convie, le chemin du musée d'Alger.. Sache plutôt celui-ci se contenter d'un moulage, comme il a fait pour le corps du bienheureux Géronimo !
Le musée du jardin Trémaux est complété, dans la maison, par une collection de monnaies et d'ustensiles antiques. Les monnaies appartiennent, pour la plupart, à cette période de l'empire comprise entre le commencement du deuxième et la fin du quatrième siècle. Citons parmi les noms qui forment leurs légendes : Adrien, Marc-Aurèle, Gordien, Probus, Dioclétien, Constantin-le-Grand, Julien- l'Apostat. Toutes de bronze ou de cuivre, sauf une en or, de Léon Ier. Nombre de têtes portent la couronne rayonnée. Beaucoup de revers charmants, bas-reliefs en miniature qui, grossis au microscope, feraient d'excellents modèles d'académie. Parmi les ustensiles, des vases, des lacrymatoires, des bracelets, des lampes dont une avec cette inscription : « Je ne coûte qu'un sou. »
Les personnes curieuses de pousser plus loin cette étude trouveront au musée d'Alger une douzaine de morceaux provenant de Tipasa. Les deux principaux, nos 178 et 179, très frustes, en pierre poreuse et plus précieux sans doute comme antiquités que comme objets d'art, sont des tombes à tableaux représentant, l'une un cavalier au galop, l'autre un groupe composé d'un homme, d'un enfant et d'un petit cheval sans proportion avec les personnages. .
L'histoire est, en effet, très sobre de détails au sujet de Tipasa. Elle nous représente cette ville comme une colonie de vétérans fondée par l'empereur Claude qui lui accorda le droit latin ; mais une inscription lapidaire, trouvée en 1867 sur le Eas Bel-Aïche, pendant qu'on y construisait le phare, et dont une écornure a malheureusement emporté la date, constate la conquête et l'occupation du pays par un général romain : « À la Victoire Auguste, parce que, sous le commandement militaire et aux sollicitations de Claudius Constans, une expédition avait été faite contre les peuplades africaines, entre autres les Misulames...» Le reste manque. Tipasa n'aurait donc pas toujours été latine, et certains vestiges, tels que bas-reliefs et statues, du dessin le plus primitif, permettent de supposer qu'une agglomération barbare, carthaginoise peut-être, a précédé la cité romaine des vétérans.
Tipasa, savons-nous encore, est mentionnée par Ptolémée et l' Itinéraire d'Antonin. C'est de Tipasa que partit, en 371, le comte Théodose pour expéditionner dans l'Anchorarius, notre Ouarensenis actuel, contre les Mazices et les Musones, alliés du rebelle Firmus.
Saint Optat détaille les tribulations de Tipasa dans le temps où Julien l'Apostat gouvernait l'empire. Victime de la jalousie et de la cruauté de deux officiers subalternes, « la noble cité de Numidie » vit ses habitants mutilés et déchirés en lambeaux, ses matrones traînées dans les rues et jusque sur les places publiques, ses enfants massacrés ou arrachés des entrailles maternelles. Hunéric fit pis encore. Ce roi vandale, qui sévissait à la fin du cinquième siècle, ayant envoyé un évêque arien aux catholiques de Tipasa pour les obliger à embrasser l'hérésie d'Arius, une grande partie de la population s'enfuit en Espagne, et ceux qui ne purent s'expatrier ayant refusé d'apostasier, subirent héroïquement le martyre.
Mais ici la légende se mêle à l'histoire. Voici comment un chroniqueur du temps, Victor de Vite, la raconte : « Hunéric manda sur-le-champ, à l'un de ses principaux officiers, d'accourir avec une extrême diligence vers Tipasa, et lui ordonna, après qu'il aurait investi la ville, et en présence de toute la province assemblée, de faire traîner chacun de ses habitants au milieu du forum et d'arracher la langue, de couper la main droite à chacun d'eux. Or, ces ordres inhumains ayant été exécutés de point en point avec une détestable fidélité, il arriva tout à coup, par une assistance particulière de l'Esprit Saint dont ils étaient remplis, que ces hommes admirables, ces saints mutilés, continuèrent cependant à élever de plus en plus leurs voix généreuses, comme si le fer en eût davantage dénoué le fil, tellement qu'on entendit, avec une stupeur sacrée, parler même ainsi ceux qui, jusque là et dès le sein maternel, avaient eu la leur embarrassée et liée ! » « Si quelqu'un ne le voulait pas croire, ajoute Victor, qu'il aille, s'il le peut, qu'il aille à Constantinople, et il y trouvera encore l'un d'entre eux, le sous-diacre Reparatus, s' exprimant avec autant de facilité que de politesse en toutes sortes de discours ; ce qui fait qu'il est considéré, dans le palais de l'empereur Zénon, comme un personnage digne des plus grands respects. »
La cruauté d'Hunéric mit-elle fin à l'existence de Tipasa? D'autres habitants ne vinrent-ils pas plutôt occuper, en partie du moins, une ville si grande, si forte, si bien bâtie et dont les maisons, précipitamment abandonnées, devaient offrir aux immigrants des installations aussi commodes que gratuites? Il est permis de le croire. Cette hypothèse, toutefois, ne résout pas la question. Comment finit Tipasa ? S'éteignit-elle lentement, à mesure que disparaissaient, emportées par le temps ou par des accidents, les causes de son existence; ou bien expira-t-elle brusquement, saccagée par un conquérant ou renversée par un tremblement de terre?
Ce mystère, et l'espoir de l'expliquer un jour, ne sont pas, aux yeux du savant, du penseur et même du simple touriste, le moindre attrait de Tipasa. On a pu suivre, heure par heure, l'origine, le progrès et la chute de Rome antique, on sait comment ont péri, ruinées, balayées par le flot des barbares, Orange, Antibes, Fréjus, mais qui dira la fin de Tipasa ? On a fouillé partout en France, en Italie, et sauf les débris demeurés debout à titre de monuments historiques, il ne reste plus guère à trouver, dons un sol retourné, tamisé par des générations d'antiquaires, que quelques monnaies sans valeur, tandis que Tipasa n'a probablement eu, jusqu'à notre arrivée, d'autres investigateurs que des bandes de pillards kabyles, moins curieux d'y trouver des inscriptions ou des statues que de l'or pour leurs plaisirs ou du plomb pour leurs fusils.
EFFET INATTENDUDES RUINES. — EMMÉNAGEMENT. — LA VILLA TRÉMAUX.
Vers l'an 1900
Prévenu contre elles et croyant avoir, pour les découvrir, à sonder des touffes de palmier nain, à fouiller même la terre, je ne pus, à leur aspect, retenir une exclamation de surprise et de joie. C'étaient bien des ruines, de véritables ruines, les unes jonchant le sol comme un immense chantier, les autres levant jusqu'aux nues leurs masses imposantes et leurs crêtes altières. Ici, dressées comme des menhirs et régulièrement espacées, elles me rappelaient les champs druidiques de Caroac; là, compactes, monumentales, elles me faisaient rêver d'Athènes et de Rome. Que dis-je ! elles me semblaient préférables au Parthénon, préférables au Colisée, leur altération même, leur informité, leur isolement convenant mieux au génie du paysage moderne, assez médiocrement épris des symétries architecturales que mit jadis en honneur l'école de Claude Lorrain.
La route passe au milieu, bordée de pierres de taille,, débris des vieux palais, des antiques demeures, et pareillement au milieu sont disséminées les habitations des colons. Qu'elles m'ont paru modestes, grand Dieu ! avec leur bas rez-dechaussée couvert d'un toit rouge à pignon ! Mais je n'ai pas eu le temps de les examiner que la voiture déjà s'arrête devant « ma maison. » C'est la dernière du village. Murs blanchis à la chaux, portes et volets verts. Trois travées; pas d'étage. Un homme vaque à quelques pas de là. Nous l'appelons. C'est le garde champêtre. Il lit ma lettre d'admission, va gravement chez lui prendre la clé promise et me la remet d'un ,air digne. La porte ouverte, je dépose mes effets dans la première chambre venue. L'heure du déjeuner approche, il est temps d'y pourvoir. Je reprends à côté du guide ma place dans le véhicule, et nous nous rendons à l'auberge... pardon ! à l'hôtel des Bains de Mer.
L'hôtel des Bains de Mer de Tipasa forme, avec un café-restaurant et l'habitation Trémaux, un groupe excentrique au plan du village. Ce groupe n'en est pas moins, pour l'animation, le centre. Là viennent chez leur adjoint les administrés, près du maître les ouvriers, au cabaret les colons, à l'hôtel les étrangers. Je commande mon repas, je congédie mon conducteur, et pour expérimenter enfin le crédit de mes lettres d'introduction, je me dirige vers la maison de M. Trémaux. Ainsi que les gens, les maisons ont un air. Celleci me parut, de prime abord, souriante. Ses persiennes mi-closes me faisaient comme des oeillades. Sa porte grande ouverte m'attirait. Point de cave canon terrifiant; le cordial ave des seuils pompéiens. Elle avait en outre, pour moi, le charme d'une analogie singulière avec ce manoir d'Yèbles où j'ai passé mon enfance : même nombre de fenêtres, même étage, même toit, même vestibule au milieu, et la façade mouchetée des mêmes ombres transparentes que des arbres pareils épandaient à l'entour.
N'était la crainte de déplaire, je dirais ici les bontés parfaites, les délicatesses exquises d'un accueil tel que frère, camarade d'enfance, ami de longue date, n'en eussent pu rêver de meilleur. J'ouvrirais à tous les regards cet intérieur patriarcal où grandissent sous les yeux, aux leçons, aux exemples d'une mère accomplie, quatre gracieuses fillettes. Ses gais repas au menu confortable, digne du baron Brisse, en compagnie d'amis, de parents, de voisins, auraient aussi leur grande part d'éloges.
Qu'il me soit permis toutefois de reconnaître publiquement l'obligeance infatigable, le désintéressement absolu avec lesquels M. Trémaux a bien voulu me faire part de ses recherches, de ses découvertes, de ses hypothèses même, me livrer enfin tout entier son trésor archéologique. C'est à lui que je dois la plupart des documents spéciaux qui, parsemés en ce récit, tout d'observation badine et de fantaisie touristique, lui pourront donner quelque prix.
Ces documents, si mal interprétés qu'ils soient par une plume étrangère au langage de la science, mettront du moins les antiquaires sur la voie. Quelle bonne fortune pour eux ! Et quel intéressant ouvrage à publier lorsque de nouveaux gains, dont chaque jour augmente le bagage, auront jeté quelque lueur sur les origines obscures et la fin moins connue encore d'une cité qui, vu ses immenses débris, dut fournir une longue et brillante carrière !
LES QUATRE TORRENTS. — LE PONT DU BOU-YERSEN ET LE GUÉ DU NADOR.— AUBÉPINES MONSTRES.
La forêt de Marengo finit trop vite. On voudrait n'en jamais sortir. N'ayez crainte, amateurs de belles perspectives, vous serez bientôt consolés. Un pays très accidenté lui succède. Ce ne sont que ravins, fondrières, torrents. Quatre cours d'eau : la Bou- Rkika, le Bou-Haroun, le Bou-Yersen et le Bou- Ismaden zigzaguent, se côtoient, se confondent au gré d'une fantaisie extravagante, insensée. On traverse d'abord le Bou-Haroun en un site qui doit avoir déjà laissé bien des regrets à l'artiste contraint de voir au galop et de passer outre. Des Salvator Rosa tout faits ! Trouver un gîte là, pouvoir y vivre plusieurs jours, quel rêve, quel enchantement !... Mais la voiture vous emporte.
On franchit après, et non moins ravi, le Bou- Yersen sur un solide pont de trois arches, entre des talus d'argile grise et des escarpements de rochers hauts et droits comme des remparts, avec leurs bastions d'oliviers et leurs créneaux de térébinthes. Ces trois torrents réunis, la Bou-Rkika, le Bou-Haroun et le Bou-Yersen, prennent un peu en aval, après leur jonction avec le Bou-Ismaden, le nom d'oued Nador. Le Nador, plus encaissé, plus profond, plus pittoresque encore que ses affluents, ne tarit jamais. On y trouve l'eau courante même à la fin des étés les plus secs. Nous le passons à gué, dans un fond vraiment indescriptible. Il s'écarte ensuite de la route et va jeter, àquelques kilomètres de là, ses précieuses eaux dans la mer.
Remarquons, au sortir de ces parages tourmentés, plusieurs pieds d'aubépine d'une grosseur peu commune : tronc droit et tête arrondie, de vrais arbres; reposons-nous de nos extases en traversant les terres emblavées de la ferme Durand, et déplorons la stupidité sauvage des incendiaires dont la torche a privé de leur verte parure les côteaux (Bou-Fadel) qui nous environnent. Partout, sur leurs flancs, à leur crête, des arbres dépouillés et noirs, des squelettes.
Les ondulations du sol recommencent après la ferme Durand, et nous entrons dans un autre domaine, celui de M. Trémaux, propriétaire, colon, cultivateur, archéologue, homme du monde, adjoint, pour qui j'ai des lettres, et dont l'accueil doit puissamment influer sur la suite de mon expédition. Grave question, cet accueil. Que d'indiscrets déjà peuvent en avoir abusé ! La patience a des bornes.
Chaque pas nous rapproche du Chenoua dont les contreforts inférieurs modèlent, sur notre gauche, des embrasures de vallées. L'une d'entre elles surtout !.. Des bosquets de pins, des prairies, des gorges mystérieuses. Ole ravissant exil ! Le Bou- Kellenen coule au fond et prête ses bords au chemin arabe du littoral. Rien de sauvage, dit-on, comme ce chemin qui, le col de Sidi-Moussa franchi, redescend le versant méridional de l'oued El-Hachem et va se confondre avec la route de Cherchel, un peu au-dessus de Zurich, entre ce bourg et l'aqueduc romain.
Devant nous cependant, à l'extrême horizon, une bande d'azur apparaît par instants, se cache, reparaît, s'élargit; c'est la mer. Nous courons droit vers elle, mais avant de l'atteindre, laissant à gauche les vastes bâtiments de la grande ferme Trémaux, nous tournons brusquement le dos au Chenoua, et bientôt s'offrent à nos yeux les ruines de Beled-el-Madoun (la Haute, en langue kabyle), Tfaced (la Tombée, suivant les Arabes), P'tit Bazar (idiotisme local), bref, les ruines de Tipasa.
Ce voyage matinal comptera parmi les plus beaux et les plus délicieux dans la vie d'un touriste qui pourtant connaît Interlacken, Ischia, le lac Majeur, la Conque d'Or de Palerme. Il était environ sept heures. Pas un nuage au ciel, pas un souffle dans l'air. Des brumes opalines estompaient les lointains, accentuaient les plans, et chaque objet, frappé par les rayons encore obliques du soleil, projetait sur le sol brillant de grandes et profondes ombres.
On sort de Marengo par l'avenue de l'ouest, sous le dôme touffu des platanes qui la bordent ; on passe, sur un pont, le lit tortueux du Meurad, et, moins d'un kilomètre après, tournant brusquement à droite, on prend la direction du nord. Une briqueterie, des récoltes en meule occupent d'abord le regard, et bientôt on entre dans la forêt.
La forêt de Marengo (Sidi-Sliman) est fameuse. On la cite au loin comme une merveille. Il ne faudrait pas, néanmoins, prendre cet éloge à la lettre. On ne trouvera certes là ni les chênes du Bas-Bréau, larges comme des citadelles, ni les pins de Vizzavona, hauts comme des cathédrales. Mais la subite apparition d'un bois vrai, d'un bois sérieux, après tant de palmiers nains, de lentisques, de chardons, étonne, enchante, ravit, et l'on s'imagine aisément n'avoir jamais rien vu de plus beau.
Il faut ajouter, toutefois, que ni le Bas-Bréau ni Vizzavona ne sauraient offrir certains caractères originaux, très curieux, très pittoresques, et particuliers à nos forêts africaines. Ici, toutes sortes d'essences mêlées, serrées, enchevêtrées, l'orme et le chêne vert grandissant côte à côte, le tremble et le laurier confondant leurs rameaux. Et puis des parties de forêt, les plus nombreuses, demeurées vierges encore de toute exploitation : broussailles impénétrables avec leurs troncs noyés dans la verdure, leurs branches enguirlandées de lianes et leurs cimes pliant sous le poids des flores parasites.
Les sections cultivées ne sont pas moins étranges. J'ai noté des sous-bois d'un effet tout inat— tendu, les troncs de tant d'espèces d'arbres présentant une infinie variété de formes, de grosseurs, de teintes, d'attitudes. Beaucoup gardent encore, enroulés autour d'eux mais flétris et jaunis, les lierres qui les étreignaient et dont le bûcheron a, par un coup de serpe, brusquement tari la sève. Quelques années de plus et la victoire demeurait au reptile. Nombre d'arbres, en effet, portent les traces de la lutte sourde, lente, mais implacable, qu'ils ont si longtemps soutenue. Ce ne sont que troncs sillonnés, branches contortées, cimes découronnées de leur feuillage, et des futaies de hauteur médiocre, jeunes encore peut-être, offrent déjà l'aspect de la décrépitude.
La route traverse la forêt en ligne droite. Des ormes ça et là, des charmes, des tamarins se penchent au-dessus, profilant leur verte silhouette sur les fonds bleus du Chenoua qui bordent la perspective. Des oiseaux, par instants, vous croisent, rapides, poussant un cri. C'est non moins riant que splendide. On a pour premier plan, de chaque côté, des chardons hauts de plusieurs mètres, carduus giganteus, variété propre à l'Algérie. Ils étaient secs alors, d'un ton gris uniforme, et, comme j'en parlais fort peu respectueusement, mon automédon, qui voulut bien mainte fois joindre à ses fonctions professionnelles le rôle officieux de cicérone, m'apprit que ces cinarées trouvaient leur utile emploi, que les indigènes les appelaient « roseaux des broussailles » et en tiraient des lattes pour leurs gourbis. Mais là ne devait pas, ajouta-t-il, se concentrer mon attention ; déjà commençaient à paraître les vestiges du grand aqueduc qui, du temps des Romains, alimentait Tipasa.
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La famille Canto à la source de la forêt de Sidi Slimane.
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