Le Chenoua, ce site marin et de montagne, fierté des habitants de Tipaza, présente des atouts majeurs. Des paysages terrestres des plus variés viennent côtoyer des falaises tombantes, des espèces animales et végétales remarquables, de vastes herbiers sous marins ondulants, des sites historiques et archéologiques immergés, des îlots et des plages … Bref, un espace qui rassemble tous les ingrédients pour être un haut lieu d’éducation environnementale. En collaboration avec le Conservatoire français de l’environnement, le Commissariat national au littoral a récemment clôturé une étude pour la protection et la mise en valeur d’une bonne partie de cette zone. Elle englobe quelques milliers d’hectares avec des variantes d’aménagement. La phase de réalisation ne saura tarder. Un musée régional marin de l’Algérois y est d’ailleurs déjà programmé avec ceux de Annaba et d’Oran. Cet important secteur ne demande qu’à s’adapter aux valeurs de ce segment de côte en combinant tourisme de masse et d’élite, tourisme scientifique et éducatif, tourisme historique et culturel. Cette portion du littoral s’est révélée d’une telle importance écologique et touristique que le ministère de l’Aménagement du territoire la considère comme réserve marine protégée. Une action pilote qui s’inscrit en fait dans l’esprit du programme des Nations unies pour le développement de 1995. La baie du Chenou, où se jette l’oued Nador, est bordée, dans sa partie ouest, par le massif du Chenoua, et la partie Est par Tipaza.Tout son fond est occupé par une plage de sable fin. Une osmose existe entre elle et l’oued. Les apports liquides de ce dernier sont de l’ordre de 28 millions de m3 par an. Cette zone est connue par son fort hydrodynamisme dû à un courant côtier. Cela s’explique par certains affleurements de son « plancher » et des nombreux rochers. C’est le cas notamment des zones se trouvant en face du massif. Elles se caractérisent par l’étroitesse du plateau continental, ce prolongement de 4 km de la terre ferme dans l’eau avant d’aller vers les abysses. On y trouve essentiellement 3 plages. Celle des galets qui s’étend sur 120 m de long et une quinzaine de large, celle du sable fin (appelée Chenoua plage) qui est plus importante que la précédente puisqu’elle s’étire sur 285 m pour une largeur de 15 à 50 m, et enfin la plage de l’embouchure qui, elle aussi, est constituée de sable fin, mais s’allonge sur 590 m pour une bande de 18 à 26 m de large. La mise en réserve de l’espace marin Chenoua- Tipaza est en fait une préoccupation qui remonte au début des années 1970. Dès 1972 il était mis en évidence ses richesses de formes géologiques et son importance pour l’avifaune migratrice. Un rapport du programme des Nations unies de 1987 fera rebondir cette question que d’autres documents conforteront avec des recommandations en ce début de millénaire. Ses caractèristiques touristiques et esthétiques ne sont plus à démontrer. Les différentes plages et criques, qui longent cette zone, connaissent une fréquentation dense du mois de mai à septembre. Les campings sont nombreux, notamment le Grand Bleu. Son intérêt économique, par exemple, réside du fait qu’elle est l’une des aires de propagation d’espèces commerciales du bassin centre algérien. Sa mise en réserve participerait à l’optimisation de la ressource halieutique et la reconstitution des stocks sous pression tels les grands crustacés ; un site de reproduction pour de nombreuses espèces. En clair, une zone stratégique tant pour le secteur algérois que pour l’ensemble de l’écosystème marin-côtier de l’Algérie ; et peut-être même de l’espace occidental de la Méditerranée. Cette aire marine abrite un certain nombre d’espèces et d’habitats rares en Méditerranée figurant sur l’annexe II et III du protocole des aires spécialement protégées. D’autant plus que la fragilité de cet écosystème n’est plus à démontrer. Les grottes vides du phoque moine disparu vers la fin des années 1970 en sont témoins. Les scientifiques soulignent justement que « même si le secteur se maintient encore, il est préférable d’agir vite avant que la dégradation n’atteigne un degré de gravité important ou le seuil de l’irréversibilité ».
Kef Issoukhen
Quiconque passe par la corniche chenouie ne peut résister à poser un oeil admiratif et interrogatif sur les falaises ocres, déchiquetées et sauvages qui surplombent la route touristique. Ce site exceptionnel a pour nom Kef Issoukhen. Il affleure sur un kilomètre et demi. Un site qu’il s’agit absolument de protéger. Ce sont des falaises qui recèlent un système de plusieurs cavités de dimensions modestes. Il y a six millions d’années, ces escarpements ont joué le rôle d’une falaise en continuel exhaussement. À plusieurs niveaux de celle-ci, se rencontrent, aujourd’hui, des témoins de niveaux marins successifs. Cette falaise est en fait une mémoire ayant enregistré des événements étalés sur plusieurs millions d’années. Malheureusement, d’anciens travaux de carrières et l’élargissement de la route du littoral l’ont endommagée. Les grottes archéologiques de Rassel, Rolland… de loin les plus importantes de toutes les cavités connues jusqu’ici dans ce mont, sont également abandonnées et gravement détériorées par les travaux. Goethe écrivait « Ceux qui n’ont pas compris le passé sont condamnés à le revivre.» Un lambeau d’une formation marine souterraine situé à plus de 100 m d’altitude et qui constitue l’unique exemplaire de la région fut lui aussi touché. Pour les scientifiques, mais aussi pour les explorateurs, les sportifs et les randonneurs, le massif, recèle des grottes et des gouffres à Drâa El-Gunin, douar Hamadouche… D’autres sont sous-marines qu’on peut suivre parfois le long des fractures de surface. Différentes civilisations ont exploité ces milieux. L’homme troglodyte du Chenois les a quittés, il y a quelque dizaines d’années seulement. Les cavités, du fait de leur milieu exceptionnel, constituent de véritables pièges à conservation d’objets, de squelettes, de peintures anciennes… De telles découvertes devraient faire vite l’objet d’information en direction des archéologues avant toute visite qui risque inconsciemment d’abimer de façon irrémédiable les traces ou fossiles anciens. Parlez-vous chenoui ? On n’est pas au Djurdjura, ni au M’Zab, mais c’est tout comme. Certains scientifiques considèrent la région du Chenoua comme une zone berbère capitale, pour ne pas dire la plus importante de l’Algérie centrale. Au plan linguistique, soulignent-ils, elle partage les traits caractéristiques des parlers de l’Algérie centrale ainsi que la plupart des parlers traditionnels qualifiés de « Zénètes ». Ce vecteur langue, est incontournable pour l’environnementaliste de terrain, même s’il tente de l’ignorer. Partout où il passe, la toponymie chenouie l’interpelle. Plus que cela, cette langue qu’on ne commence à mieux apprécier que parce qu’elle s’effiloche sérieusement- est une clé pour décoder bon nombre de questions. C’est d’ailleurs pour cela que les travaux de recherches modernes sont abordés par des équipes pluridisciplinaires. Sur bon nombre d’aspects, le Chenoui se rapproche plus des parlers chaouis que ceux de la Kabylie. De même qu’avec les Mozabites, la communication n’est pas ardue. Hélas, les mutations sociales intervenues depuis l’Indépendance et même avant, l’exode rural et les brassages des populations s’avèrent non favorables à l’épanouissement de cette langue utilisée, jadis, de la région de Bou-smaïl à Hadjout et de Tipaza jusqu’aux environs de Ténes en passant par Cherchell et tout le massif du Dahra. Chaker, un spécialiste de la question, estime également que la situation sociolinguistique actuelle de la région est mal connue. Il conclut : « L’habitat étant traditionnel et assez dispersé a rendu plus fragile et perméable les influences linguistiques externes.» À de rares exceptions, seuls les Chenouis qui demeurent encore fixés dans la campagne de ce massif parlent encore cette langue. Celle-ci est en train de s’éteindre dans l’indifférence avec la disparition de la génération ancienne. De timides écrits et tentatives sur la question ont vu le jour, ces dernières années. De tout temps « ce travail a été très incomplet ». On se réfère néanmoins encore à une étude de 1912, d’un certain Laoust sur « Le dialecte berbère du Chenoua ». Depuis une dizaine d’années, un attachement à cette langue et sa culture berbère se manifestent à travers la chanson moderne comme l’a fait le groupe Ichenwiyen, avec une présence plus ou moins régulière aux activités des associations berbères algériennes. . Grottes du Chenoua http://www.youtube.com/watch?v=hiqP9hpQuMs De paons sur le bord de la route du mont chenoua à Tipaza http://www.youtube.com/watch?v=uGx7Qtd-ODA&feature=related Randonnée au mont chenoua à Tipaza http://www.youtube.com/watch?v=wyS5kEIvfYM&feature=related
Vue panoramique sur mer
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