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A l'occasion du centenaire de la naissance de Fernand Pouillon, la Maison de l’architecture et de la ville PACA, située à Marseille, présente, depuis le 17 février et jusqu'au 16 mars 2012, l'exposition 'Fernand Pouillon et la bataille du logement, Alger 1953-1957'. Une page de l'histoire de celui qui écrira, dans ses Mémoires, que c’est la facilité des études d’architecture qui l’incite à s’engager dans cette voie, en 1929, à l’Ecole des Beaux-Arts de Marseille...
Fernand Pouillon naît à Cancon (47) le 14 mai 1912 pendant la construction du chemin de fer par son père, ingénieur et entrepreneur de travaux publics. Son oncle, centralien, a lui aussi sa propre entreprise de travaux publics.
Les travaux achevés, la famille rejoint la Provence, berceau maternel, alors que les racines paternelles plongent dans les Flandres.
Fernand Pouillon adolescent envisage de devenir peintre et gagne son argent de poche en peignant des aquarelles. Il écrira dans ses Mémoires que c’est la facilité des études d’architecture qui l’incite à s’engager dans cette voie, en 1929, à l’Ecole des Beaux-Arts de Marseille.
En 1932, il est réformé contre son gré. Deux ans plus tard, à 22 ans, il se marie et réalise un premier immeuble de trente logements : le Palais Albert 1er à Aix-en-Provence. De 1932 à 1940, la profession est en plein marasme mais Fernand Pouillon enchaîne chaque année des projets à Aix, à Marseille et à Avignon en participant activement au chantier et à la maîtrise d’ouvrage chaque fois qu’il le peut. Ses études ne sont pas achevées mais, avant le régime de Vichy, le diplôme n’est pas requis pour construire.
Le 17 octobre 1939, il s’engage volontairement mais il est démobilisé le 16 juillet 1940. Pendant la guerre, il fait vivre sa famille en construisant des villas et en exerçant le métier d’antiquaire. Il passe son diplôme d’architecte en 1941 et profite de cette période de relative accalmie pour dessiner les relevés de l’abbaye du Thoronet. En 1944, il étudie avec Eugène Beaudouin des aménagements urbains importants à Marseille.
A partir de la Reconstruction, Fernand Pouillon peut déployer l’expérience et les connaissances accumulées qu’il va conjuguer avec un rare esprit d’entreprise. Il a un idéal qu’il entend réaliser : rétablir la beauté de l’architecture à la portée des foyers à faibles et moyens revenus.
Des premières études qu’il engage dans ce sens en 1949 pour l’ensemble de la Tourette à Marseille à celles des ensembles parisiens en 1957-1961, il met au point un système de composition pour la conception du projet et un véritable système économique et technique qui lui permet de construire de plus en plus vite, mieux, à des prix toujours plus bas. Il invente ou met au point des procédés de mise en oeuvre, des matériaux, des structures économiques (il est le créateur des bureaux de coordination) et des structures techniques (gaine technique...).
Tous les projets sont entièrement conçus par Fernand Pouillon seul, dans le moindre détail, ce qui est particulièrement impressionnant quand on songe au nombre de voyages en avion à hélices ou aux heures de route dans le Sahara nécessaires aux réunions de chantier auxquelles il assistait aussi ou surveillait de très près.
Plus autodidacte que bon élève, Fernand Pouillon conçoit ses réalisations avec, comme l’a si bien remarqué Alberto Ferlenga, l’histoire comme matériau, c’est-à-dire comme des réalisations contemporaines capables de restituer un vécu. Il les conçoit pour les hommes, réalisées par des hommes ; bien rares seront celles où l’artisan et l’artiste n’auront pas côtoyé l’ingénieur et l’entrepreneur en bâtiment.
Sa réactivité, son énergie et sa détermination sont telles qu’il va être l’allié le plus sûr des maires, des fonctionnaires, des ministres, des chefs d’Etat qui trouveront auprès de lui la compréhension de leurs enjeux et de leurs desseins.
Cependant, ce système qui conjugue les savoir-faire de l’entrepreneur, de l’architecte et du maître de l’ouvrage repose aussi sur une prise de risques car Fernand Pouillon, pour construire, a besoin de terrains. Il s’engage dans la promotion immobilière à grande échelle, basée sur le bon vouloir d’hommes politiques, dont certains deviendront les promoteurs de sa chute.
En 1961, Fernand Pouillon devient le principal accusé d’une affaire judiciaire montée sur l’ensemble du Point du Jour (2.260 logements) qu’il est en train de réaliser à Boulogne-Billancourt. Privé de liberté jusqu’en 1964, Fernand Pouillon écrit et se révèle grand écrivain. Les Pierres Sauvages (éditions du Seuil, 1964), récit de ce qu’a pu être la construction de l’abbaye du Thoronet au XIIe siècle, est toujours un succès littéraire, tout comme les Mémoires d’un architecte (éditions du Seuil, 1968).
Bien que radié à vie en 1961 par l’Ordre des architectes, dès 1965, Fernand Pouillon travaille avec l’assentiment de l’Elysée au plan de la nouvelle ville de Créteil. En 1966, il lâche ce projet et choisit d’investir toute son énergie en Algérie avec son ami Jacques Chevallier, ancien maire d’Alger.
Jusqu’en 1984, année de son retour définitif, il construira occasionnellement en France à Ozoir-la-Ferrière, Reims, Belcastel (12) et Cotignac des villas et des maisons métalliques dont il a imaginé le procédé de fabrication et de construction.
Cité Diar-el-Mahçoul / Architecte : Fernand Pouillon
Précurseur des vastes aménagements touristiques au Maghreb, l’Algérie de Houari Boumediene lui offre un territoire immense que Fernand Pouillon exploitera au meilleur prix avec une architecture qu’il adaptera à la fois au plus près du territoire où elle se situe, des hommes à qui elle est destinée et des usages qu’elle va supporter.
Les réalisations les plus emblématiques sont les complexes fameux de Sidi Ferruch, de Tipasa et les hôtels de Ghardaïa, Timimoun et Seraïdi, mais le charme et un esprit commun sont dans chacun des quelques quarante hôtels construits jusqu’en 1978. Ensuite, le ministère de l’Enseignement Supérieur, surtout, absorbe son activité pour des cités universitaires. Le dernier grand chantier de Fernand Pouillon en Algérie est celui de l’hôtel El Djazaïr (ex-Saint-Georges) achevé en juillet 1982 pour le vingtième anniversaire de l’Indépendance.
Pendant ce temps, la France de Georges Pompidou l’amnistie en 1971 et l’Ordre des architectes le réintègre en 1978. Il y est élu à deux reprises en 1980 et en 1986. A partir de 1984, le Président de la République François Mitterrand se fait l’artisan de son retour en France, l’élève au rang d’Officier de la Légion d’Honneur et lui confie notamment le projet du Centre de Conférences Internationales quai Branly à Paris.
Fernand Pouillon a parcouru le monde en tous sens, dans des voyages où les affaires se mêlaient à une grande pénétration de la culture des hommes et des paysages. La culture de tous les arts et de toutes les civilisations lui paraît participer de l’art de l’architecture. Dans ce but, il crée en 1975 'Le Jardin de Flore', une maison d’édition avec laquelle il ré-édite trente-trois ouvrages majeurs et rarissimes.
La vie de Fernand Pouillon est un engagement sans réserve et permanent pour un monde plus beau, plus fraternel, plus naturel par l’architecture. Dans le rapport qu’elle entretient avec le bonheur de l’homme, l’architecture occupait une place centrale dans ses préoccupations et dans sa vision du métier d’architecte, avec ses responsabilités sociales.
Sa mort survient le 24 juillet 1986. Dans un ultime combat, il venait tout juste d’être élu au Conseil de l’Ordre des Architectes à la tête d’une liste de jeunes architectes qu’il avait nommée 'Pour le paysage architectural de la France'.
Catherine Sayen
Présidente de l’association 'Les Pierres Sauvages de Belcastel'
L'exposition, réalisée par l'AERA et le CAUE de Haute-Garonne avec l'association Les Pierres Sauvages de Belcastel pour le Centre Méridional de l'Architecture et de la Ville, présente le travail de Fernand Pouillon, avec les logements de Diar-es-Saada, Diar-el-Mahçoul et Climat de France réalisés à Alger entre 1953 et 1957.
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Maison de l’architecture et de la ville PACA
12 boulevard Théodore Thurner | 13006 Marseille
T. 04.96.12.24.10
mav-paca[at]wanadoo.fr
www.ma-lereseau.org/paca/
Entrée libre
Ouverture : du lundi au vendredi, de 9h00 à 13h00 et de 14h00 à 17h00 ; le samedi 10 mars 2012, de 10h30 à 12h00
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