Il est devenu Algérien par amour pour ce peuple.
Mardi 6 décembre marquera le 50e anniversaire de la mort de Frantz Fanon. En Algérie, comme en France, la mémoire de l’homme est devenue parfois controversée.
Considéré par les uns comme un «monument», par d’autres comme un «simple écrivain», Frantz Fanon gêne encore en France. Durant la guerre de Libération, ses ouvrages étaient saisis par la police et aujourd’hui, peu osent évoquer ouvertement l’homme et son œuvre. Même dans sa terre natale, la Martinique, Frantz Fanon dérange, lui, le chantre de l’anticolonialisme et des indépendances totales, alors que sa terre natale est pleinement département français, donc correctement «assimilée». Les lycéens français ne le connaissent que très peu puisqu’aucun de ses textes n’est étudié en classe, à l’image de son compatriote et ami Aimé Césaire. Pour la France «bien-pensante», Césaire est resté du bon côté, mais Fanon…
«Je n’ai que très peu entendu parler de Frantz Fanon, confie Amélie, lycéenne en terminale littéraire, d’autant que même mon professeur de lettres a dû bien se renseigner avant de me fournir quelques informations sur lui. C’est vraiment dommage qu’en 2011, on doit être encore soumis au “politiquement correct”, lors de l’évocation de certains écrivains. Tout ça, parce qu’il a milité pour l’indépendance de l’Algérie, mais même cette guerre ne nous concerne plus, maintenant. Parfois, j’ai l’impression qu’elle n’est pas encore terminée…» Frantz Fanon serait même considéré comme dépassé, tant le mouvement dit «tiers-mondiste» paraît lui-même démodé.
Mal aimé
Frantz Fanon est ce mal aimé de la littérature francophone qui serait totalement oublié si les éditions Maspéro, puis La Découverte, n’avaient pas mis ses textes au goût du jour. La Fondation Frantz-Fanon tente à sa manière de ne pas laisser le «père» de Peau noire, masques blancs sombrer dans l’oubli. Créée en 2007, la Fondation a pour présidente la propre fille de Fanon, Mireille Fanon-Mendès-France. Depuis, elle s’efforce de maintenir la mémoire, de rendre au Martiniquais de naissance et l’Algérien d’adoption la place qui lui revient au panthéon des grands hommes du XXe siècle. «Il était un homme indivisible et ne saurait être réduit à une dimension particulière des luttes», a-t-elle dit lors d’une journée d’études intitulée «Lire Fanon, aujourd’hui», tenue à l’université Paris III. «Il a été antiraciste au nom de l’universalité et anticolonialiste au nom de la justice et des libertés.»
Même si le chemin pour une reconnaissance pleine et entière est encore long, Frantz Fanon suscite de plus en plus d’intérêt sur les terres même de l’ancienne puissance colonisatrice. Selon Mireille Fanon-Mendès-France, «en Afrique, en Europe, en Asie, au Moyen-Orient, en Amérique, Fanon apparaît aujourd’hui comme plus actuel que jamais. Il fait sens pour tous les militants de la liberté et des droits humains, car l’émancipation est toujours l’objectif premier des générations qui arrivent à l’âge de la maturité politique.»
Noël Boussaha
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