.
« Soit je leur jette des cocktails molotov, soit j’informe »
.
Amine Menadi a lancé en janvier 2011 sur Facebook un collectif citoyen : « Algérie Pacifique ». Son groupe a organisé deux des premières manifestations à Alger, les 13 et 15 janvier dernier. Interview.
Les manifestations du 13 et du 15 janvier 2011 à Alger sont les seules organisées par « Algérie Pacifique ». Amine Menadi tente désormais de rencontrer les personnes derrière les mouvements spontanés qui se lancent depuis la création de son groupe. « Mais il y a du travail. »
Pourquoi « Algérie Pacifique » ?
« Quand un jeune homme s’est fait tuer par une grenade lacrymogène qu’il a reçu en plein visage, vendredi 7 janvier à Bou Ismail, ma ville natale [à une quarantaine de kilomètres à l'ouest d'Alger], je me suis dit : “Soit je jette des pierres et des cocktails molotov, soit je fais autre chose.” C’est cet usage excessif de la force par le pouvoir qui m’a décidé d’informer, de dire ce qu’il se passe dans la rue.
Je voulais aider un jeune qui tentait d’organiser une manifestation par Facebook. Je me suis finalement retrouvé seul et j’ai créé “Algérie Pacifique”. Il s’agit d’un collectif, car on ne vit pas dans un climat politique dans lequel on peut organiser des manifestations. Le plus difficile, c’était de mettre les gens en confiance et d’être pris au sérieux par les médias.
Aujourd’hui, le mouvement est sorti de la Toile. A travers ce collectif, composé par une majorité d’étudiants, nous voulons sensibiliser les jeunes à l’intérieur des universités. Ils n’ont pas tous une réelle culture politique et, pour la plupart d’entre eux, ne sont pas rôdés au militantisme. Nous faisons en sorte qu’ils ne restent pas dans leur coin en attendant le changement. Mais nous n’organisons plus de manifestations. »
Qui sont ces jeunes algériens ?
« Beaucoup se trouvent dans une situation précaire. Ils expriment leur ras-le-bol entre eux. Il s’agit de la première motivation de la mobilisation.
Ceux qui organisent les manifestations par contre sont ceux qui ont suivi des hautes études. Ils ont un certain niveau de culture, ils s’intéressent à l’étranger et voient ce qu’il se passe en dehors des frontières algériennes. Ils veulent que ça change aussi chez eux. Ce sont les plus investis. Ils posent les bases sur lesquelles bouger. Ils prennent le temps d’analyser, pour ne pas faire de bêtises, comme par le passé. A chaque fois, les jeunes ont l’impression que leurs actions ne leur profitent pas. Ils ont peur que leur mouvement soit récupéré par d’autres. »
Ta prochaine étape est politique ?
« Je fais partie de cette génération qui ne touche pas à la politique. Je m’y connais plus en politique française qu’en politique algérienne ! Mais maintenant, j’y pense, oui. Même si je ne m’identifie à aucun parti politique existant. Il faudra créer du neuf et pour cela, je veux d’abord voir comment évoluera la situation. A l’heure actuelle, aucun parti ne peut réellement apporter un changement. Je ne vois même pas lequel pourrait être renforcé.
Ce que j’observe aussi, c’est que les jeunes veulent maintenant prendre des responsabilités. Dans les syndicats par exemple. En politique, des mouvements se mettent en place.
Pour l’heure, il n’y a que des belles paroles. C’est de l’hypocrisie. Il n’y a pas d’évolution en politique. A chaque fois, on prend les mêmes et on recommence. Selon moi, nous ne sommes pas dirigés par un gouvernement, mais par un clan qui se fait de l’argent. Je mets au défi n’importe quel ministre de sortir ses factures téléphoniques ! Ils ne téléphonent pas pour le bien du pays, mais pour leur business personnel.
Si les gens parlaient franchement, je m’y retrouverais : j’ai des coups de gueule, je dis aux gens ce que je pense. Je ferai de la politique si cette situation change. Mais à cette condition seulement.
Maintenant, il faut maintenir la pression. Une brèche va finir par s’ouvrir et nous pourrons peut-être revoir la Constitution et organiser des élections. »
.
/AGO
.
Les commentaires récents