La décapitation est bel et bien une vieille pratique, vieille comme l'humanité. Elle n'est pas exclusive à la «Chariaâ» comme tentent de le faire admettre de nouveaux théologiens aux idées fixes
Cette «forme de punition», ancienne et barbare, fut conservée et pratiquée par des Etats dits «modernes», tel l'Etat français pendant la guerre d'Algérie.
Toutefois si la pratique n'a pas changé, l'instrument de décapitation, lui, a changé. On l'appelle la guillotine. Cette sinistre machine a pris le nom de son inventeur, un certain docteur Guillotin. Elle fonctionna pour la première fois en France le 25 avril 1792.
Pourtant, pendant la conquête, la «justice coloniale» s'était passée de cet instrument et opta pour le sabre ou le yatagan. C'était plus expéditif et les sabreurs ne manquaient pas. La chose se passait en public pour mieux choquer, faire peur, terroriser.
Le chef de la tribu des Aouffia fut décapité en 1882 à Bab-Azoun. Quelques jours auparavant, le duc de Rovigo, gouverneur de l'Algérie, fit massacrer toute la tribu des Aouffia.
«Tout ce qui vivait fut voué à la mort, tout ce qui pouvait être pris fut enlevé. On ne fit aucune distinction d'âge ni de sexe (…) Le chef de cette malheureuse peuplade, Rabia, avait été soustrait au carnage. On le réservait aux honneurs d'un jugement (…) Il fut traduit devant un conseil de guerre, jugé, condamné et exécuté, et cependant on avait déjà acquis la certitude que ce n'était pas les Aouffia qui avaient dépouillé les envoyés de Ferhat. Mais acquitter le chef c'était déclarer la peuplade innocente et condamner moralement celui qui avait ordonné le massacre». (Etienne Pélissier de Reynaud «Annales algériennes» t.I p. 247). Sans commentaires.
Faut-il rappeler aussi que les Algériens étaient décapités dans la rue, en public et souvent sans aucune autre forme de procès.
Lors de l'expédition de Tlemcen en 1836, un agent de l'Emir Abdelkader fut capturé par les Français :
«Son procès ne fut pas long. Il fut condamné à mourir de trois coups de yatagan. Le 31 janvier, à neuf heures du matin, les personnes qui se trouvaient sur le boulevard situé entre la ville et le méchouar, et qui sert de marché, virent arriver ce malheureux n'ayant pour escorte qu'un seul homme portant dans sa ceinture un yatagan d'un pied de long. Arrivé à l'endroit le plus fréquenté du boulevard, l'homme au yatagan s'arrêta, et son compagnon en fit autant, puis, se mettant à genoux, ce dernier allongea la tête; retiré de la plaie, le yatagan fut de nouveau plongé dans le cou de la victime qui conserva encore la même attitude; enfin, un troisième coup termina son existence, et son corps, exposé aux regards du public, resta sur la place pendant vingt-quatre heures». (Capitaine de Montredon - «Campagnes d'Afrique» 1835 - 1848 p. 62).
Côté Beauprêtre et Yousouf, les exécutions étaient plus sommaires encore. «Comme il (Yousouf) avait l'habitude de le faire lorsqu'il se trouvait au service du bey de Tunis, il trancha délicatement quelques têtes, fendit quelques crânes, se signalant par son adresse et par sa bravoure (sic)», disait de lui son grand admirateur Edmond Jouhaud, dissident du général de Gaulle et qui deviendra le chef de l'OAS pour l'Ouest algérien. C'est d'ailleurs lui qui fit enlever Hamdani Adda de la prison d'Oran le 12 janvier 1962 et le fit brûler vif, avec trois autres codétenus. L'ancien général de l'armée française n'était pas content que l'exécution des peines capitales fût suspendue et Hamdani Adda, condamné à mort par l'autorité française, devait donc mourir.
Edmond Jouhaud avouera au cours de son procès :
«Je dois dire que même un magistrat militaire m'a dit : «C'est un scandale, il y a actuellement 159 condamnés à mort qui ne seront jamais exécutés». Ces condamnés à mort bénéficiaient même d'un régime spécial et ils se trouvaient dans des prisons dans des conditions qu'on n'imaginerait pas. Il y avait même un chef des condamnés à mort (Hamdani Adda : NDLR) qui donnait des ordres à tous les condamnés et du dehors recevait des directives, et si l'on tuait 3 condamnés à mort, c'est un acte que je couvre entièrement». (Sténographie du procès Jouhaud p. 114 dans «le Peuple algérien et la guerre» p. 705 de Patrick Kessel et Giovanni Pirelli — Cité par A. Belkhodja dans «l'Affaire Hamdani Adda»).
Paul Azam chante lui aussi les tristes exploits de Yousouf : «Ses jugements sommaires, après lesquels il faisait trancher les têtes, ces procédés d'administration, n'ayant souvent rien de commun avec ceux de la bureaucratie officielle, l'on fait critiquer beaucoup plus qu'il n'eût convenu» (P. Azam. «les Grands soldats de l'Algérie » - p. 51. Cahiers du centenaire de l'Algérie).
Il faut entendre que le massacreur Yousouf était considéré «grand soldat de l'Algérie». Curieuse littérature qui glorifie les grands criminels de guerre !
Toutefois Beauprêtre n'eut pas droit aux mêmes honneurs de la part de Gouvion qui nous dit : «Beauprêtre, qui commandait en véritable sanguinaire kaïmakam turc, avait, en outre de ses cavaliers réguliers, des chaouch - bourreaux exécuteurs de basses œuvres qui lui aidaient à rendre une justice sommaire et le plus souvent inutile».
Voilà quelques échantillons sur le comportement de quelques soldats français «hâtés à tuer l'Arabe» pour faire soumettre l'Algérie.
Puis vint la guerre de l'Algérie. Et ce n'était plus «élégant» de sabrer. On fit nettoyer une machine qu'on avait complètement oubliée : la guillotine.
Elle fonctionnera plusieurs fois de suite contre les révoltés de Novembre. Et elle fonctionna pour la première fois un certain 19 juin 1956. Elle dut être actionnée deux fois de suite pour «avoir la tête» de H'mida Zabana qui marcha dignement vers le supplice. Le sacrifice du premier guillotiné de «l'Algérie en armes» inspira au poète de la Révolution, Moufdi Zakaria, un sublime poème :
«Il s'est dressé majestueusement comme le Christ. Avec volupté et sérénité, il a entonné son hymne. A la bouche, un sourire d'ange, le sourire d'un enfant accueillant le matin nouveau, la tête haute, l'allure solennelle, dialoguant avec la gloire. Les boulets à ses pieds sont comme des khalkhals qui poussent des youyous, emplissant de leur concert l'espace lointain : comme Moïse s'adressant à l'Etre Suprême le jour de l'Ascension, il s'élève comme l'Esprit la nuit de la Révélation, répandant sur l'Univers les lumières de la fête. Il gravit les marches de la guillotine avec l'assurance du Prophète s'élevant vers le ciel» (traduction de Ahmed Ben Alam - Algérie-Actualité nº 1077 du 5 au 11 juin 1986).
L'Algérie a-t-elle le droit d'oublier le supplicié et le poète ? Un autre condamné à mort de la prison d'Oran méprisa avec le même ton la mort. Au muphti qui était venu l'assister et lui demander le nom de sa mère pour la traditionnelle «Chahada», il répondit avec verve et passion : «Je n'ai qu'une seule mère et elle s'appelle l'Algérie et je vais mourir pour elle».
A.B
http://www.elmoudjahid.com/fr/actualites/4576
H'mida Zabana
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