Madjnoun Layla
Le poème qui suit s'intitule "Madjnoun Layla", littéralement le
"Fou de Layla".
Madjnoun Layla fait partie du patrimoine de la poésie classique arabe et est
d'après ce que j'ai pu en lire dans une anthologie de la poésie arabe l'équivalent occidental de Tristant et Iseult. Ce poème m'a été inspiré suite à la lecture du livre
"Le fou d'Elsa" d'Aragon.
Madjnoun Layla
I)
Ô nuits solitaires
Au sortir du gouffre amer
Dans lesquelles geint le vent
Ne venez point souffler les réminiscences et leurs chants
Dans les vallons oubliés de mon âme
Où de mélancolie je me pâme
Ô nuits d'ébène et de marbre
Quand dans un ultime ravissement de tous les sens je sens venir à moi l'Orient
Ses trésors, ses fables, ses djinns et ses contes envoûtants
J'imagine Layla dryade parmi les arbres
Ô nuits de marbre et d'ébène
J'imagine Layla et son sourire de naïade dans cette oasis syrienne
Et les rameaux des palmiers plier sous le doux son de sa voix
Qui répercute l'omniscience divine dans l'onde que nacre les rayons de lune provenant du firmament étincelant qui nous enlace de ses bras
II)
Layla, parfois je rêve de l'espace et des planètes
Des galaxies qui pour manteau ont des étoiles en myriades
Parfois je vois l'explosion d'une supernova rugir dans le vide intersidéral
Je vois les comètes flécher ce tableau noir qu'est l'espace
Trous noirs, vestige d'anciens temps, mondes parallèles
Le ciel se dessine de constellations
La carte des astres guide des touaregs
La caravane contemple le spectacle du Très-Haut
Offert par sa miséricorde aux nomades de ce monde
Ah la liberté, la seule, être dans le désert et comprendre le centre du monde
D'où toute mystique a pu naître, grandir, croître pour devenir ; être
Le jaillissement de la connaissance, son bourgeon, la fleur du savoir
Elle se cueille ici, dans la pierre, la chaleur et le froid lorsque vient la nuit
Le désert hante mes rêves, il y revient constamment
Afin d'apaiser mon âme
Ô désert, pourquoi me sens-je si près de toi
Moi qui ne te connais pas
Je n'ai pour venir à toi
Que des images de films, de livres
Je sens le message de quelque chose de vrai et d'universel en ton sein
Mère du monde, nourrice de la terre
Tu allaites les nations de ton immobilité sereine
Tu figes le temps, tu voles aux guerres et aux horreurs
La nature avec toi reprend son droit
Et l'homme est à nouveau digne
Dans le spectacle quotidien du coucher et du lever du soleil
Les prières accompagnent le réveil
D'ici peu l'astre sera à son zénith
Il redescendra, au Nadir ; nous redescendrons avec ce mythe
L'existence fébrilement jaillit
Elle se fait jour jusqu'à arriver à maturité
Puis le jour vieilli et voilà la nuit
Déclin crépusculaire amorcé
Et au prochain matin je serai déjà mort-né
Ma prière va au ciel
C'est ainsi ma Layla
Souvenons-nous des déshérités
De ceux qui ont été fauchés au printemps de leur vie par des vagues assassines
D'une grande marrée terrible qui ravagea une partie du monde
De cette Asie qui souffre, qui pleure et qui compte ses morts
Souvenons-nous de la générosité de ces gens qui avaient tout perdu qui offraient leur chemise à des touristes
Souvenons-nous de ce grondement de la terre qui rugit en plein mer
De l'épicentre, de l'onde de choc qui vint jusqu'en Afrique
Souvenons-nous de ces vies brisées en un instant, en une seconde
De ces amours brisés, séparés par la mort
De ces familles suppliciées par la douleur du deuil
De la tragédie qui frappa impitoyablement
2004 fut noire, triste ma Layla
Des oiseaux de feu ont été envoyés à Babylone
Les monuments bombardés, saccagés, pillés
Des vestiges faisant parties du patrimoine de l'humanité
Des bombes sont tombées sur les tombeaux des saints
Baghdâd, où sont tes mille et une nuits
Tes poètes, tes échansons, tes califes
Splendeur de la cour d'Haroun al-Rachid
Morts, soldats tués, chars, guerre de religion
Appel au djihad pour choquer l'opinion
Le sang pour justifier son dieu
Pour s'excuser le crime et s'affranchir devant les cieux
On s'affronte pour l'or noir
Les marchés financiers s'affolent du prix du baril au soir
Sans cesse les médias relatent la guerre à la télévision
Avec ce sempiternel voyeurisme qui rend le journalisme nauséabond
Ils tournent comme des oiseaux, des charognards, des busards
Au-dessus des indigènes pour filmer la mort en « Direct-Live » les yeux hagards
Ils veulent l'audimat et diffusent le vice par le biais du câble
La guerre en Irak bientôt sur ton portable
Et tu pourras voter pour élire le roi des crétins, le dieu des imbéciles
Zarkaoui ou Bush !
III)
Quel est donc ce faquin qui tenta l'autre jour
De te prendre par la main et de t'enlever dans mon rêve
A peine ouïs-je le murmure de quelque faribole alentour
Destinée à mon encontre que je me mis aussitôt à brandir mon glaive
Point ne m'a été permis d'occire mon rival
Puisque je me réveillai alors encor tout abasourdi
Par toutes ces couleurs, cette aventure, ce festival !
Ce renversant spectacle naturel d'où jaillit la sagesse des soufis
IV)
Ô nuits, contez-moi vos secrets dans l'ombre silencieuse
Que vous gardez jalousement en me berçant de tendresse
Ô nuits, racontez-moi le chant des sitars dans les palais et les danses langoureuses
Offrez vos lèvres d'opale et d'or et brodez-les aux étoffes d'ivresse
Quand claquent aux vents vos fiers oripeaux
Vous clamez très haut votre antique présence
Et inspirez l'agitation à tous les animaux
Ô nuits, ô Layla, rappelle-moi tes yeux et leur amour intense
V)
Tu ne peux m'aimer Layla
Je le sais ton absence est trop lointaine
Comment pourrais-je à nouveau boire l'eau des fontaines
Que faire ma Layla
VI)
Le futur ?
Me poses-tu cette question afin de me rendre fou ?
Ne sais donc tu pas que je le suis déjà
Tu ne les a point entendu hurler, clamer la rumeur par-delà la ville
Toute son enceinte, toutes les murailles peuvent désormais sentir le vent de ma folie
J'ai pour détruire ces misérables bâtisses le souffle de destruction me venant comme un commandement de Shiva
Poésie du dynamisme universel
Voici, je vois des cascades d'or et des chutes d'eau en abondance
Leur clameur fait s'échapper du tumulte des arcs-en-ciel
Qui viennent danser, tournoyer, filtrer la nappe de vapeur
Qui commence à se former dans la vaste vallée
Plus loin seraient-ce des pampas qui s'étendraient à perte de vue ?
Peut-on marier des paysages orientaux et sud-américains ?
VII)
Layla source à laquelle je viens boire
Afin d'épancher ma soif d'amour
Layla je vois le jour glorieux briller d'un éclat d'ivoire
Ainsi que font les paroles quand elles s'entrelacent sans détour
Le bruit du silence étouffe la plainte du cœur
Et le cavalier ahuri sur le champ de bataille meurt
Du sang coule de ses flancs, y ruisselle
Et il le regarde couler impuissant
Lui qui est victime de la barbarie humaine
De la sauvagerie inhumaine
VIII)
Ô Layla, j'ai su le prénom des jours
quand je te voyais danser dans les dunes
J'ai appris le nom d'Amour
Par Qays ibn al-Moulawah qui chanta sous la lune
Madjnoun Layla
Récita des paroles qui firent languir
Le Zéphir
Ses mots épousèrent la nuit emportant au-delà
Du monde terrestre sa chimère
Ô Layla ton doux prénom murmuré tout bas
Dans ta robe du soir tu te couvres de mystères
IX)
Mais dites-moi quel est le plus riche des hommes à ce jour
Celui qui vit d'opulence et de grandes espérances
Ou celui qui ne possède presque rien mais qui a su trouver l'amour
Celui qui injurie, tue, et fais régner la violence
Ou celui qui vit dans la paix de l'âme et la compassion
Celui qui croit être libre dans son embourgeoisement
Ou celui qui même en prison découvre le sens secret de la poésie et son langage
Profond
Celui qui vit de on-dit, de ragots et d'insinuations
Ou celui qui du cœur lui vient l'opinion
X)
Je pleure toutes les nuits de ne point pouvoir te voir
Et te serrer dans mes bras pour t'exprimer combien je t'aime
Je me rappelle chaque nuit de ta peau et de tes lèvres si douces
Je me rappelle de chaque pleure versé et de chaque poème
De chaque déchirement du cœur comme d'une découverte de l'être
De chaque nouvelle étape comme un futur passé
XI)
On se perd en terminologies, rivalités religieuses et dédain pour son prochain
Tu vois ma Layla il n'y a plus de place pour nos baisers échangés
Pour tout ce qui a fait hier et pourrait faire demain
De ce que dans le sang on ne peut qu'oublier
J'ai besoin d'aimer, j'ai besoin du pardon et de tes caresses
J'ai besoin de toi Layla car ici tout m'oppresse
Ô Layla la politique est un jeu bien étrange
Ou chacun fait le paon, revêt ses plus beaux appareils
Cherche à être convainquant, rhéteur et bel ange
Pour ensuite tenir le peuple d'une terreur sans pareille
Le bâillonner, étouffer sa rumeur qui dérange
Qui peut briser le tympan, endommager l'oreille
Ils veulent toutes les louanges
Layla, ce qu'on appelle politique n'est plus ni moins qu'un rassemblement de mégalomanes voulant gouverner le monde et leurs pareils
XII)
Dit-on de moi que je suis fou
Et que le printemps de ma vie passe lentement
Qu'importe ma Layla les brocards des mauvaises gens
Je t'aime et c'est cela le plus important
Le plus insupportable et qui me rend fou
S'infectent dans mon cœur les blessures causées par le temps
Que tu guéris en appliquant le benjoin
Quand me parvient de ta basquine
L'ample et altier parfum de ta poitrine
Jusqu'aux extrémités de tes seins
XIII)
Layla, sauve-moi des bas-fonds
De ma destruction
Couvre mes nuits sans sommeil de tes tendres baisers
Tu seras de ma foi le sixième pilier
Pure Layla, limpide comme l'eau à l'heure des premières ablutions
Medjnoûn, je le suis devenu à force de psalmodier ton prénom
XIV)
J'entends déjà ceux qui disent
« Quel est cet infidèle qui s'empare de notre patrimoine
Et de notre poésie ancestrale pour dédier à celle pour qui il a perdu la raison
Des vers qui ne nourriraient pas même un cheval affamé en quête d'avoine »
Ceux-là qu'ils me médisent
Où qu'ils implorent sur mon nom le pardon
Car à trop me méjuger
Car à trop me condamner
Je deviens leur propre miroir dans lequel leur conscience vient se refléter
XV)
« Idôlatre ! Idôlatre ! » crie la foule
Toi qui aimes autrement qu'en dieu et dédies des poèmes à une créature perfectible
Toi qui commets le crime de préférer tes chimères au monde possible
Toi qui les yeux révulsés cherches ta doûl
Qui t'envoûte, qui te déroute, qui te mets en doute
« Idôlatre ! Idôlatre ! » crie la foule
XVI)
Mais si j'aime
Si j'aime comme je t'aime
Cet amour ne peut me venir que de dieu lui-même
XVII)
Layla, doucement le son de ta voix
Parvient à mes oreilles
Tandis que pour me soigner tu te penches sur moi
Comme pourrait le faire en butinant au-dessus de fleurs polychromes quelque abeille
Layla, ta voix, tes lèvres de satin
Se marient si bien avec la matité de ton teint
XVIII)
Layla, ta peau si douce que réchauffe le soleil du matin
Se hâle et reçoit les vers d'un mètre kâmil
Tu ne te soucies guère des rumeurs qu''amma entretient
Et bien que tu me saches 'azib ce n'est pas pour autant que papillonnent tes jolis cils
Layla, ton corps frêle comme un esquif ramené vers son île
XIX)
Layla, tes mains sont pour parcourir les traits de mon visage
Leur grâce sont un baume sur mes joues en feu
Quand tes lèvres de grenade frôlent les miennes s'éloigne ma rage
Echevelée tu m'enlaces et je plie sous tes caresses et le deuxième prénom de Dieu
Layla, joyau, diadème de la couronne des rois
Puis tes mains s'arrêtent et tu te recoiffes
Lissant tes cheveux de jais, ô zoumourroud
Puis tes mains se ramènent sur moi
Tandis que retentissent autour de nous des accords de oud
XX)
Layla, ce chant de la vague qui percute le récif
Les couleurs des coraux dans le reflux des eaux
Tout est une musique qui m'éloigne des propos incisifs
Layla, en toi réside le Vrai, le Beau
XXI)
Layla, la nuit enveloppe les palais de la ville
Aux dômes reluisants d'émeraudes
De grandes colonnes de marbre et d'albâtre dans la blancheur scintillent
Layla, la nuit est un baiser de toi, bien plus que toutes les odes
http://russ81.over-blog.com/article-madjnoun-layla-39189985.html
Le poème qui suit s'intitule "Madjnoun Layla", littéralement le
"Fou de Layla".
Madjnoun Layla fait partie du patrimoine de la poésie classique arabe et est
d'après ce que j'ai pu en lire dans une anthologie de la poésie arabe l'équivalent occidental de Tristant et Iseult. Ce poème m'a été inspiré suite à la lecture du livre
"Le fou d'Elsa" d'Aragon.
Madjnoun Layla
I)
Ô nuits solitaires
Au sortir du gouffre amer
Dans lesquelles geint le vent
Ne venez point souffler les réminiscences et leurs chants
Dans les vallons oubliés de mon âme
Où de mélancolie je me pâme
Ô nuits d'ébène et de marbre
Quand dans un ultime ravissement de tous les sens je sens venir à moi l'Orient
Ses trésors, ses fables, ses djinns et ses contes envoûtants
J'imagine Layla dryade parmi les arbres
Ô nuits de marbre et d'ébène
J'imagine Layla et son sourire de naïade dans cette oasis syrienne
Et les rameaux des palmiers plier sous le doux son de sa voix
Qui répercute l'omniscience divine dans l'onde que nacre les rayons de lune provenant du firmament étincelant qui nous enlace de ses bras
II)
Layla, parfois je rêve de l'espace et des planètes
Des galaxies qui pour manteau ont des étoiles en myriades
Parfois je vois l'explosion d'une supernova rugir dans le vide intersidéral
Je vois les comètes flécher ce tableau noir qu'est l'espace
Trous noirs, vestige d'anciens temps, mondes parallèles
Le ciel se dessine de constellations
La carte des astres guide des touaregs
La caravane contemple le spectacle du Très-Haut
Offert par sa miséricorde aux nomades de ce monde
Ah la liberté, la seule, être dans le désert et comprendre le centre du monde
D'où toute mystique a pu naître, grandir, croître pour devenir ; être
Le jaillissement de la connaissance, son bourgeon, la fleur du savoir
Elle se cueille ici, dans la pierre, la chaleur et le froid lorsque vient la nuit
Le désert hante mes rêves, il y revient constamment
Afin d'apaiser mon âme
Ô désert, pourquoi me sens-je si près de toi
Moi qui ne te connais pas
Je n'ai pour venir à toi
Que des images de films, de livres
Je sens le message de quelque chose de vrai et d'universel en ton sein
Mère du monde, nourrice de la terre
Tu allaites les nations de ton immobilité sereine
Tu figes le temps, tu voles aux guerres et aux horreurs
La nature avec toi reprend son droit
Et l'homme est à nouveau digne
Dans le spectacle quotidien du coucher et du lever du soleil
Les prières accompagnent le réveil
D'ici peu l'astre sera à son zénith
Il redescendra, au Nadir ; nous redescendrons avec ce mythe
L'existence fébrilement jaillit
Elle se fait jour jusqu'à arriver à maturité
Puis le jour vieilli et voilà la nuit
Déclin crépusculaire amorcé
Et au prochain matin je serai déjà mort-né
Ma prière va au ciel
C'est ainsi ma Layla
Souvenons-nous des déshérités
De ceux qui ont été fauchés au printemps de leur vie par des vagues assassines
D'une grande marrée terrible qui ravagea une partie du monde
De cette Asie qui souffre, qui pleure et qui compte ses morts
Souvenons-nous de la générosité de ces gens qui avaient tout perdu qui offraient leur chemise à des touristes
Souvenons-nous de ce grondement de la terre qui rugit en plein mer
De l'épicentre, de l'onde de choc qui vint jusqu'en Afrique
Souvenons-nous de ces vies brisées en un instant, en une seconde
De ces amours brisés, séparés par la mort
De ces familles suppliciées par la douleur du deuil
De la tragédie qui frappa impitoyablement
2004 fut noire, triste ma Layla
Des oiseaux de feu ont été envoyés à Babylone
Les monuments bombardés, saccagés, pillés
Des vestiges faisant parties du patrimoine de l'humanité
Des bombes sont tombées sur les tombeaux des saints
Baghdâd, où sont tes mille et une nuits
Tes poètes, tes échansons, tes califes
Splendeur de la cour d'Haroun al-Rachid
Morts, soldats tués, chars, guerre de religion
Appel au djihad pour choquer l'opinion
Le sang pour justifier son dieu
Pour s'excuser le crime et s'affranchir devant les cieux
On s'affronte pour l'or noir
Les marchés financiers s'affolent du prix du baril au soir
Sans cesse les médias relatent la guerre à la télévision
Avec ce sempiternel voyeurisme qui rend le journalisme nauséabond
Ils tournent comme des oiseaux, des charognards, des busards
Au-dessus des indigènes pour filmer la mort en « Direct-Live » les yeux hagards
Ils veulent l'audimat et diffusent le vice par le biais du câble
La guerre en Irak bientôt sur ton portable
Et tu pourras voter pour élire le roi des crétins, le dieu des imbéciles
Zarkaoui ou Bush !
III)
Quel est donc ce faquin qui tenta l'autre jour
De te prendre par la main et de t'enlever dans mon rêve
A peine ouïs-je le murmure de quelque faribole alentour
Destinée à mon encontre que je me mis aussitôt à brandir mon glaive
Point ne m'a été permis d'occire mon rival
Puisque je me réveillai alors encor tout abasourdi
Par toutes ces couleurs, cette aventure, ce festival !
Ce renversant spectacle naturel d'où jaillit la sagesse des soufis
IV)
Ô nuits, contez-moi vos secrets dans l'ombre silencieuse
Que vous gardez jalousement en me berçant de tendresse
Ô nuits, racontez-moi le chant des sitars dans les palais et les danses langoureuses
Offrez vos lèvres d'opale et d'or et brodez-les aux étoffes d'ivresse
Quand claquent aux vents vos fiers oripeaux
Vous clamez très haut votre antique présence
Et inspirez l'agitation à tous les animaux
Ô nuits, ô Layla, rappelle-moi tes yeux et leur amour intense
V)
Tu ne peux m'aimer Layla
Je le sais ton absence est trop lointaine
Comment pourrais-je à nouveau boire l'eau des fontaines
Que faire ma Layla
VI)
Le futur ?
Me poses-tu cette question afin de me rendre fou ?
Ne sais donc tu pas que je le suis déjà
Tu ne les a point entendu hurler, clamer la rumeur par-delà la ville
Toute son enceinte, toutes les murailles peuvent désormais sentir le vent de ma folie
J'ai pour détruire ces misérables bâtisses le souffle de destruction me venant comme un commandement de Shiva
Poésie du dynamisme universel
Voici, je vois des cascades d'or et des chutes d'eau en abondance
Leur clameur fait s'échapper du tumulte des arcs-en-ciel
Qui viennent danser, tournoyer, filtrer la nappe de vapeur
Qui commence à se former dans la vaste vallée
Plus loin seraient-ce des pampas qui s'étendraient à perte de vue ?
Peut-on marier des paysages orientaux et sud-américains ?
VII)
Layla source à laquelle je viens boire
Afin d'épancher ma soif d'amour
Layla je vois le jour glorieux briller d'un éclat d'ivoire
Ainsi que font les paroles quand elles s'entrelacent sans détour
Le bruit du silence étouffe la plainte du cœur
Et le cavalier ahuri sur le champ de bataille meurt
Du sang coule de ses flancs, y ruisselle
Et il le regarde couler impuissant
Lui qui est victime de la barbarie humaine
De la sauvagerie inhumaine
VIII)
Ô Layla, j'ai su le prénom des jours
quand je te voyais danser dans les dunes
J'ai appris le nom d'Amour
Par Qays ibn al-Moulawah qui chanta sous la lune
Madjnoun Layla
Récita des paroles qui firent languir
Le Zéphir
Ses mots épousèrent la nuit emportant au-delà
Du monde terrestre sa chimère
Ô Layla ton doux prénom murmuré tout bas
Dans ta robe du soir tu te couvres de mystères
IX)
Mais dites-moi quel est le plus riche des hommes à ce jour
Celui qui vit d'opulence et de grandes espérances
Ou celui qui ne possède presque rien mais qui a su trouver l'amour
Celui qui injurie, tue, et fais régner la violence
Ou celui qui vit dans la paix de l'âme et la compassion
Celui qui croit être libre dans son embourgeoisement
Ou celui qui même en prison découvre le sens secret de la poésie et son langage
Profond
Celui qui vit de on-dit, de ragots et d'insinuations
Ou celui qui du cœur lui vient l'opinion
X)
Je pleure toutes les nuits de ne point pouvoir te voir
Et te serrer dans mes bras pour t'exprimer combien je t'aime
Je me rappelle chaque nuit de ta peau et de tes lèvres si douces
Je me rappelle de chaque pleure versé et de chaque poème
De chaque déchirement du cœur comme d'une découverte de l'être
De chaque nouvelle étape comme un futur passé
XI)
On se perd en terminologies, rivalités religieuses et dédain pour son prochain
Tu vois ma Layla il n'y a plus de place pour nos baisers échangés
Pour tout ce qui a fait hier et pourrait faire demain
De ce que dans le sang on ne peut qu'oublier
J'ai besoin d'aimer, j'ai besoin du pardon et de tes caresses
J'ai besoin de toi Layla car ici tout m'oppresse
Ô Layla la politique est un jeu bien étrange
Ou chacun fait le paon, revêt ses plus beaux appareils
Cherche à être convainquant, rhéteur et bel ange
Pour ensuite tenir le peuple d'une terreur sans pareille
Le bâillonner, étouffer sa rumeur qui dérange
Qui peut briser le tympan, endommager l'oreille
Ils veulent toutes les louanges
Layla, ce qu'on appelle politique n'est plus ni moins qu'un rassemblement de mégalomanes voulant gouverner le monde et leurs pareils
XII)
Dit-on de moi que je suis fou
Et que le printemps de ma vie passe lentement
Qu'importe ma Layla les brocards des mauvaises gens
Je t'aime et c'est cela le plus important
Le plus insupportable et qui me rend fou
S'infectent dans mon cœur les blessures causées par le temps
Que tu guéris en appliquant le benjoin
Quand me parvient de ta basquine
L'ample et altier parfum de ta poitrine
Jusqu'aux extrémités de tes seins
XIII)
Layla, sauve-moi des bas-fonds
De ma destruction
Couvre mes nuits sans sommeil de tes tendres baisers
Tu seras de ma foi le sixième pilier
Pure Layla, limpide comme l'eau à l'heure des premières ablutions
Medjnoûn, je le suis devenu à force de psalmodier ton prénom
XIV)
J'entends déjà ceux qui disent
« Quel est cet infidèle qui s'empare de notre patrimoine
Et de notre poésie ancestrale pour dédier à celle pour qui il a perdu la raison
Des vers qui ne nourriraient pas même un cheval affamé en quête d'avoine »
Ceux-là qu'ils me médisent
Où qu'ils implorent sur mon nom le pardon
Car à trop me méjuger
Car à trop me condamner
Je deviens leur propre miroir dans lequel leur conscience vient se refléter
XV)
« Idôlatre ! Idôlatre ! » crie la foule
Toi qui aimes autrement qu'en dieu et dédies des poèmes à une créature perfectible
Toi qui commets le crime de préférer tes chimères au monde possible
Toi qui les yeux révulsés cherches ta doûl
Qui t'envoûte, qui te déroute, qui te mets en doute
« Idôlatre ! Idôlatre ! » crie la foule
XVI)
Mais si j'aime
Si j'aime comme je t'aime
Cet amour ne peut me venir que de dieu lui-même
XVII)
Layla, doucement le son de ta voix
Parvient à mes oreilles
Tandis que pour me soigner tu te penches sur moi
Comme pourrait le faire en butinant au-dessus de fleurs polychromes quelque abeille
Layla, ta voix, tes lèvres de satin
Se marient si bien avec la matité de ton teint
XVIII)
Layla, ta peau si douce que réchauffe le soleil du matin
Se hâle et reçoit les vers d'un mètre kâmil
Tu ne te soucies guère des rumeurs qu''amma entretient
Et bien que tu me saches 'azib ce n'est pas pour autant que papillonnent tes jolis cils
Layla, ton corps frêle comme un esquif ramené vers son île
XIX)
Layla, tes mains sont pour parcourir les traits de mon visage
Leur grâce sont un baume sur mes joues en feu
Quand tes lèvres de grenade frôlent les miennes s'éloigne ma rage
Echevelée tu m'enlaces et je plie sous tes caresses et le deuxième prénom de Dieu
Layla, joyau, diadème de la couronne des rois
Puis tes mains s'arrêtent et tu te recoiffes
Lissant tes cheveux de jais, ô zoumourroud
Puis tes mains se ramènent sur moi
Tandis que retentissent autour de nous des accords de oud
XX)
Layla, ce chant de la vague qui percute le récif
Les couleurs des coraux dans le reflux des eaux
Tout est une musique qui m'éloigne des propos incisifs
Layla, en toi réside le Vrai, le Beau
XXI)
Layla, la nuit enveloppe les palais de la ville
Aux dômes reluisants d'émeraudes
De grandes colonnes de marbre et d'albâtre dans la blancheur scintillent
Layla, la nuit est un baiser de toi, bien plus que toutes les odes
http://russ81.over-blog.com/article-madjnoun-layla-39189985.html
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