Une mer infidèle l'assiège,
aussi amère que la Méditerranée,
aussi amère que le sang des poissons
pêchés par les marins barbaresques,
aussi âpre que les ronces et les orties!
Et son cœur d'interroger les nues
pour savoir si la pluie ou la grêle
empêchera l'ennemi de livrer
l'ultime assaut, le plus douloureux,
le plus poignant,
car il précipitera la ville fameuse,
palme de l'Andalousie,
perle d' Orient enchâssée
dans l'édifice occidental,
oiseau qui éternellement
renaîtra de ses cendres
comme le phénix de Venise et de Byzance,
oui, il la précipitera dans le gouffre
de l'oubli d'où le tirera
la pensée mûrie dans la solitude!
Mais les Maures,
orphelins de Cordoue et de Séville,
pleureront la cité condamnée
devant les armées de la réalité
qui est la plus habile des ennemies,
comme disait le divin Proust!
Qui n'a vu son rêve se briser
en plusieurs morceaux
comme un vaisseau martyr
sur les rocs de l'adversité
ne peut comprendre la douleur maure
que le vent chante encore en gémissant
sur le rivage d'Alger,
ou parmi les cèdres de l' Atlas
qui gardent la mémoire
du peuple berbère!
Mais cette douleur est plus que berbère,
plus qu'arabe, plus que juive,
plus qu'espagnole!
C'est une souffrance universelle,
car cette grenade greffée
sur le tronc de l'arbre européen
était le plus pur fruit d' Orient
dont la succulence
se fera toujours sentir
même parmi les plus décadents
des enfants de la femme,
car la décadence se repaît volontiers
des fruits défendus,
au grand scandale des évêques
qui crient au paganisme!
Or, toutes les formes de l'idolâtrie
sont chères aux poètes
les plus vulnérables
à la plus dangereuse d'entre elles,
l'idolâtrie de l'être aimé!
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