Entretien avec un lecteur de «l'Homme révolté» Michel Onfray: «Albert Camus est un libertaire irrécupérable» Par Michel Onfray (Philosophe)
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Cela devait finir par arriver :
Nicolas Sarkozy, pour qui « ce serait un symbole extraordinaire », pense
très sérieusement à faire entrer Albert Camus au Panthéon. Comme Chirac
y avait transféré la dépouille de Malraux. Alors, Sarkozy, Camus : même
combat ? Ce n'est pas tout à fait l'avis de Michel Onfray qui, en
répondant à nos questions il y a deux semaines, analysait la popularité
de Camus, jusque chez George W. Bush et Nicolas Sarkozy précisément.
De
son côté, Michel Onfray avait proposé dans « la Pensée de midi », un
essai paru en 2007, une « archéologie de la gauche libertaire », en
ré-inscrivant l'auteur de « l'Homme révolté » dans la filiation de
Georges Palante et Jean Grenier. Explications
(c)Baltel/Sipa Michel Onfray
BibliObs.- Comment analysez-vous
l'extraordinaire popularité de Camus aujourd'hui ?
Michel
Onfray.- Nous sommes sortis de l'ère idéologique, qui fut celle de la
violence révolutionnaire.., du terrorisme, du mensonge, de la mauvaise
foi, du compagnonnage avec les totalitarismes,.., de la justification
des camps, du goulag. Avant tout le monde, Camus avait critiqué cette
passion pour la mort. Aujourd'hui, l'Histoire lui a donné raison, les
passions idéologiques d'alors ayant disparu pour la plupart, il devient
ce qu'il était : un grand lucide...
BibliObs.- Vous écrivez dans «
la Pensée de midi » que c'est Sartre le « philosophe pour classes
terminales ». Mais c'est aussi qu'on on n'étudie pas beaucoup les idées
de Camus au lycée. Ni à l'université, d'ailleurs, où on le considère
essentiellement.. comme un écrivain. Dans quelle mesure est-il tout de
même, pour vous, un philosophe - plutôt qu'un romancier doublé d'un
essayiste ? Et quels concepts fondamentaux nous a-t-il légués ?
M.
Onfray.- Un philosophe n'est pas un créateur de concepts, encore moins
un professeur d'université, ni même un jargonaute, mais un être qui
propose une vision du monde et vit à la hauteur de cette vision qu'il
propose : Camus proposait un hédonisme tragique et il a conduit à bout
l'analyse des conséquences de cet oxymore...
BibliObs.-Il ne faut
pas « faire parler les morts », écrivez-vous encore au sujet de Camus.
Et pourtant : qu'a-t-il encore aujourd'hui à nous dire, vingt ans après
la chute du Mur, sur un univers qui n'a plus grand-chose à voir avec le
sien ?
M. Onfray.- Il a toujours refusé la violence
révolutionnaire.., mais aussi celle des systèmes qui, par leur
impéritie, généraient cette violence révolutionnaire... Camus a
critiqué très puissamment le capitalisme, le libéralisme, le marché
faisant la loi, la déshumanisation.. de toute politique qui, à gauche
comme à droite, n'avait pas le souci conjoint de la justice et de la
liberté. La justice sans la liberté, c'est la dictature ; la liberté
sans la justice, c'est la loi du plus fort : il voulait la justice et la
liberté, ce qui faisait de lui un libertaire...
BibliObs.-
Vous notez également qu'il n'a jamais prétendu proposer autre chose
qu'une « pensée politique "modeste" ». Mais n'est-ce pas précisément
pour cette raison qu'il est aujourd'hui si largement plébiscité ? Si
tant de monde se réclame de lui, jusqu'à Nicolas Sarkozy qui a salué son
« non-..conformisme », quel sens peut encore avoir ce terme ?
M.
Onfray.- Nombre de gens parlent de Camus, en bien ou en mal, sans
l'avoir lu. Ils se contentent de cartes postales... Quand Bush &
Sarkozy le citent, on peut imaginer qu'ils obéissent à un cabinet de
communicants..... Mais pareillement pour Rocard... Lisons-le, on y
trouvera un libertaire irrécupérable : la gauche et la droite en
prenaient pour leur grade, il pensait par-delà ces catégories en visant
la justice sociale incarnée et non l'idée de justice. Voilà pourquoi il
peut tant plaire : il ne relève ni de la politique politicienne, ni de
la politique spectacle, ni de la politique à papa (vieille droite contre
vieille gauche), ni de la politique idéaliste (celle des
Normaliens.....), mais de la révolte aux côtés des opprimés, des
exploités, des sans grades, des victimes de l'Histoire...
Propos recueillis par Grégoire
Leménager
(dans le cadre de la préparation du numéro « Spécial Camus »
du «Nouvel Observateur»,
Le seul intellectuel
occidental à dénoncer en 1945 les bombes atomiques sur le Japon
Albert Camus publie son premier livre à 24 ans,
puis s'installe à Paris, s'engage dans la Résistance et prend la
direction du journal clandestin "Combat".
Wikipedia rappelle qu'il
fut le seul intellectuel occidental à dénoncer les bombardements
atomiques de Nagasaki et Hiroshima, dans un éditorial de Combat, le 8
août 1945.
Homme de gauche, il dénonce le régime soviétique. Lui
qui avait dénoncé très tôt l'oppression et l'injustice subies par les
Algériens était divisé par une guerre qui lui inspira cette formule
restée célèbre : "s'il faut choisir entre ma mère et la justice, je
choisis ma mère".
L'Académie Nobel le consacre en 1957 pour une
oeuvre qui met en lumière les problèmes qui se posent "à la conscience
des hommes".
Avec l'argent du Nobel, Albert Camus achète une
maison à Lourmarin dans le Vaucluse.
Le 3 janvier 1960, il quitte
le village à bord de la Facel Vega de 355 chevaux conduite par son ami
Michel Gallimard. Direction Paris. La veille, sa femme et ses deux
enfants ont pris le train du retour en gare d'Avignon.
Le 4 janvier à
13H55, le bolide s'encastre dans un platane en bordure de la nationale
5. Albert Camus est tué sur le coup. Michel Gallimard décède quelques
jours plus tard. On retrouvera dans la serviette de l'écrivain les 144
feuillets du "Premier homme", le roman qu'il consacrait à sa mère et
qui ne paraîtra que bien plus tard, en 1994.
Albert Camus,
philosophe de l'absurde, et de l'humanisme
.
Classiquement opposé à
l'existentialiste Jean-Paul Sartre avec qui il rompit spectaculairement
en 1952, romancier, dramaturge ("Caligula"), Albert Camus a développé
avec "Le mythe de Sisyphe" sa philosophie de l'absurde :
l'homme ne
trouve pas de cohérence dans la marche du monde et n'a d'autre issue
que de se révolter.
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