mort en pleine dispute politique sur la guerre d’Algérie
Le 4 janvier 1960, une Facel Vega 3B blanche avec quatre personnes à bord s’écrase contre un platane de la nationale 5. Son plus célèbre passager, Albert Camus, est tué sur le coup. Il n’avait que quarante-sept ans. Dans sa sacoche on trouvera, entre autres, le manuscrit incomplet du Premier Homme et un billet de train pour Paris. La veille, l’éditeur Michel Gallimard, conducteur de la limousine, avait convaincu le prix Nobel de littérature (1957) de préférer la route au rail pour rallier en deux étapes la capitale depuis sa maison de vacances de Lourmarin dans le Luberon…
À la manière du film les Choses de la vie, José Lenzini, déjà auteur d’une remarquée Algérie de Camus (Edisud 1987), qui constitue pour lui un sujet de prédilection et de travail depuis plus de vingt ans, retrace en une centaine de pages finement ciselées racontant cette équipée automobile et gastronomique, le destin extraordinaire et très républicain du petit pied-noir devenu l’écrivain prodigieux que l’on sait. L’ancien journaliste au Monde, amoureux du Sud méditerranéen, restitue du même coup les doutes qui assaillaient à cette époque le philosophe humaniste rêvant d’une coexistence pacifique de Tipasa, à Bône (Bejaïa), entre colonisateur et colonisé. Mais aussi la passion pour le football et l’amour que portait à sa mère, analphabète, l’auteur de l’Homme révolté, vilipendé par Sartre qui, lui, refusa le Nobel.
Une mère qu’il choisirait toujours « avant la justice », ainsi qu’il le déclara, au cours d’une conférence de presse, en pleine guerre d’indépendance. Une prise de position le faisant, sans doute injustement, en tout cas hâtivement basculer dans le camp du tortionnaire qui lui valu d’être traité de « momie » ou de « petit penseur poli » par les moins virulents des critiques en vue de la presse parisienne. Les Temps modernes de Jeanson et l’Humanité de Wurmser n’étant pas en reste avec ce « renégat », Camus ayant été membre du PCF (de 1934 à 1937) et reporter, après guerre, à Alger républicain. C’est que la dispute politique et littéraire était féroce mais franche en ce temps-là – et d’une autre trempe que certaines bouffonneries médiatiques actuelles –, comme le sous-entend avec un brin de nostalgie José Lenzini dans cet essai biographique que tout étudiant devrait avoir dans sa bibliothèque.
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PHILIPPE JÉRÔME
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LES DERNIERS JOURS DE LA VIE D’ALBERT CAMUS, de José Lenzini.
Éditions Actes Sud, 2009, 144 pages, 16,50 euros.
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