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1200
milliards de dirhams dépensés depuis le début du conflit, 3% de PIB
perdu chaque année… Grands agrégats et petits détails du coût
économique d’une cause sacrée.
Pour faciliter
la lecture du dossier, les chiffres, qui correspondent tous à des
estimations d’experts marocains et internationaux, ont été convertis
sur la base moyenne de “un dollar = dix dirhams”
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Depuis
novembre 1975, date du déclenchement de la Marche Verte, le Sahara est
le sujet tabou par excellence. Jusqu’au début des années 1980,
il était dangereux de prononcer ou d’écrire le mot Polisario, sans y
adjoindre le vocable “mercenaires”, ou “ennemis de l’intégrité
territoriale”. Les choses ont heureusement évolué depuis, mais le
Sahara reste toujours ce sujet tabou, un peu secret, difficile d’accès.
Le but de ce dossier n’est pas de briser le consensus politique autour
de la marocanité du Sahara, mais simplement d’expliquer le coût du
Sahara, en dirhams et en occasions perdues (la priorisation de l’effort
de guerre aux dépens du développement des secteurs vitaux du pays, le
coût du non-Maghreb, etc.). Pour mieux mesurer les efforts fournis pour
récupérer notre très cher Sahara. Et le garder. Novembre 1975. Une
femme donne les dernières consignes à son époux, qui vient de
s’inscrire sur la liste des participants à la Marche Verte. “Et surtout
fais attention ! Je veux que notre maison au sud fasse le coin et
qu’elle soit bien ensoleillée”. L’anecdote est assez révélatrice sur
les motivations profondes qui ont amené une partie des 350 000
Marocains à répondre à l’appel de Hassan II. Des motivations qui, de
toute évidence, ne se limitent pas au seul volet patriotique. “Les
participants étaient sans aucun doute volontaires. Mais beaucoup
étaient surtout intéressés par le bénéfice matériel qu’ils espéraient
tirer de la reconquête du Sahara. D’ailleurs, les gens pleuraient quand
ils n’étaient pas acceptés sur la liste des marcheurs et accusaient les
autorités de se livrer à un trafic des places”, nous raconte Fouad
Abdelmoumni, militant associatif, lycéen à l’époque de la Marche Verte.
Armés d’un exemplaire du Coran, de drapeaux nationaux et d’une série de
photos du roi, les marcheurs reviendront néanmoins bredouilles. C’est
que la randonnée dans les territoires sahariens n’a duré que quelques
kilomètres. Et la reconquête du Sahara, coup de génie hassanien,
répondait avant tout à un objectif politique : pacifier une fois pour
toutes l’opposition de gauche et profiter des hésitations de l’Espagne
franquiste. Les rêves de richesse étaient simplement remis pour plus
tard. Le tabou économique, le malaise politique Aujourd’hui, force est de constater que l’eldorado saharien, tel qu’il a été “rêvé” dans les années 1970, n’est plus qu’un mirage. C’est même devenu un fardeau pour l’Etat marocain, voire pour le contribuable, auquel on a pratiquement fait signer un chèque en blanc. Sécuriser le Sahara, l’annexer administrativement, l’équiper et œuvrer pour établir la souveraineté constituent, depuis 1975, de lourdes dépenses qui grèvent le budget d’Etat. Sujet à la fois tabou et complexe, le coût économique du Sahara ne passionne que très peu nos économistes. Dans les administrations marocaines, aucun document officiel n’explique le coût du Sahara, ou le manque à gagner généré pour le pays. Les portes se ferment et les téléphones se coupent dès que le sujet est énoncé. Parce que, de toute évidence, la difficulté est double : économique et politique. Fouad Abdelmoumni est le seul économiste marocain à s’être penché sur la question, à l’occasion d’une table ronde tenue il y a quelques mois en Espagne. Son étude revient sur la longue liste (les coûts humains, sociaux, économiques, politiques et sécuritaires) dressée en 2007 par le think tank International Crisis Group. “L’étude est loin d’être exhaustive. Elle ouvre le débat et invite à d’autres initiatives du même genre”, prévient d’emblée Abdelmoumni. Les premières conclusions font état de chiffres stratosphériques, dont la donnée-clé : le Maroc a déboursé pas moins de 1200 milliards de dirhams depuis 1975 en dépenses militaires et civiles dans les territoires sahariens. “Le coût du conflit, pour résumer, c’est tout simplement le non -développement du Maroc, tranche Abdelmoumni. Le royaume pourrait dégager annuellement et de manière productive plus de 3% de son PIB s'il venait à se défaire de cette épine qui grève son économie”. Les folles dépenses liées à l’armement Entretenir une armée, comme de bien entendu, vient en tête des dépenses liées directement au dossier du Sahara. La grande muette s’est montrée particulièrement gourmande tout au long de ces trois décennies, marquée par une douzaine d’années de conflit armé. Avec les premiers roulements des tambours de guerre, les FAR (Forces armées royales) ont commencé à réembaucher en masse des militaires et à les rééquiper, alors que Hassan II avait allégé de manière substantielle ses armées après les tentatives de coup d'Etat de 1971 et 1972. Sans le Sahara, le royaume n’aurait sans doute jamais opté pour le modèle islandais (qui ne dépense pas un kopeck pour son armée), mais les dépenses militaires n’auraient jamais atteint les sommets que l’on sait. Selon les chiffres de Forecast International, un bureau d'études américain spécialisé dans les questions stratégiques et militaires, “l'effectif global de l'armée marocaine s'élève à 250 000 hommes dont près de 150 000 sont stationnés au Sahara”. Dans un rapport de la CIA, intitulé The World Fact Book, on apprend très précisément que les besoins militaires du Maroc absorbent 5% de son PIB, ce qui lui vaut de figurer au top 20 des pays les plus dépensiers pour leurs armées. “Si l’on tient compte de la croissance du PIB, le Maroc dépense annuellement 36 milliards de dirhams. Soit 100 millions de dirhams par jour”, déduit Fouad Abdelmoumni. La facture depuis le début conflit s’avère “sacrément” salée : 95 milliards de dirhams, de quoi financer une centaine d’INDH… Et encore, les dépenses militaires ne cessent d’exploser. La course à l’armement imposée par le voisin algérien (boosté, lui, par la manne pétrolière) force nos galonnés à faire de nouvelles emplettes. De grosses commandes d’armement ont été passées ces deux dernières années : une extension de la flotte aérienne via un contrat de F16 pour 24 milliards de dirhams, l’achat d’une frégate française pour 5 milliards de dirhams, en plus de trois corvettes néerlandaises, la construction d'une nouvelle base navale pour 1,4 milliard de dirhams, etc. La Loi de Finances 2009 prévoit d’ailleurs 30 milliards de dirhams pour le budget de l’administration de la Défense nationale, y compris le fonds spécial du Trésor pour l’acquisition et la réparation du matériel des FAR. Le budget colossal de l’armée (environ 5% du PIB) passe chaque année devant le parlement comme une lettre à la poste. Il ne fait jamais l’objet de discussion en commission ou en chambres parlementaires, si ce n’est pour réitérer l'indéfectible attachement des élus aux instructions du commandement suprême des armées. Fouad Abdelmoumni estime ainsi que “sans le Sahara, le Maroc aurait été dans la moyenne du classement mondial (de la CIA). Il dépenserait annuellement pour son armée 1,90% de son PIB”. En gros, le royaume économiserait environ 20 milliards de dirhams par an, de quoi couvrir aisément les intérêts et les commissions payés annuellement pour la dette publique. Les subventions, la “cartiya” et autres privilèges En plus de la présence militaire, le Sahara enregistre une forte concentration de services de sécurité et de départements administratifs en tout genre. Ce qui coûte d’autant plus cher que le personnel de l’Etat stationné dans la zone Sud est relativement chouchouté. “Les fonctionnaires bénéficient d’une rallonge allant de 25% à 75% sur leur salaire, en plus d’un accès aux produits alimentaires de base subventionnés”, peut-on lire sur le rapport de l’International Crisis Group. La plupart des agents de l’Etat ne sont pas forcément issus des provinces sahariennes, sachant que le déplacement de la population a été intense ces trois dernières décennies. “Environ deux-tiers des 500 000 habitants des provinces du Sud viennent de l’intérieur du pays”, estime Mostafa Naïmi, anthropologue et membre du Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes (Corcas). Comme nous l’explique le chercheur, “un effort particulier des investissements a toujours été déployé dans les provinces du Sud”. Pour autant, l’équilibre social reste très précaire. “Dans une région comme Laâyoune où le taux de chômage est le plus fort du royaume (29% contre 9% pour la moyenne nationale), l’Agence de promotion nationale est le premier employeur avec quelque 7000 postes de travail”, nous explique Mohamed Laghdef, directeur de Laâyoune TV, la télévision régionale. Au sud, l’Etat mène clairement une politique d’assistanat, incluant l’essentiel du budget dit de promotion nationale. Maquillée dans le compte spécial du Trésor intitulé “financement des dépenses d’équipement et de lutte contre le chômage”, la manne avoisine le milliard de dirhams, dont un tiers est affecté directement au “programme de développement des provinces sahariennes”. “Ce programme vise, depuis 1976, la mobilisation de la force de travail disponible dans ces provinces. Le nombre de journées de travail réalisées dans ce cadre au cours de la période 2005- 2007 s’élève à près de 11,89 millions”, détaille un rapport du ministère des Finances. Autre singularité concédée aux provinces du Sud : le système de distribution de la carte, dite “cartiya”. Un sésame qui accorde à son porteur sahraoui une redevance mensuelle qui n’est pas loin d’égaler le Smig (1200 à 1500 dirhams), en plus d’une gratuité sur les transports publics. Le système équivaut, en fait, à des allocations de chômage déguisées… qui ne reposent sur aucune base scientifique de répartition. “Chaque gouverneur arrive avec sa propre méthode. Mais le plus souvent, on se base sur des critères tribaux avec une sorte de quota et de rotation entre les différentes tribus”, nous explique, sous couvert d’anonymat, une source à la wilaya de Dakhla. Le système peut parfaitement déraper et donner lieu à des excès. Exemple de ce qui peut se passer avec certains chefs de tribu, qui mènent la belle vie aux frais de la princesse. “Il y a bien des grands noms sahraouis qui bénéficient d’une rente à vie”, reconnaît ce membre du Corcas. Parmi les privilégiés figurent certains ralliés du Polisario. “La situation peut devenir ingérable. Des ralliés peu influents refusent de quitter l’hôtel, où ils sont pris en charge temporairement, s’il n’obtiennent pas des postes de haut commis de l’Etat”, poursuit notre source. Le paradis fiscal et la “paie” sociale Intéressons-nous à présent aux subventions additionnelles appliquées à certaines denrées alimentaires. Sucre, farine, huile et hydrocarbures coûtent bien moins cher que dans le reste du royaume (voir tableau). Et là encore, le système est vicié. “La quasi-totalité des produits subventionnés, pourtant accordés à des commerces agrémentés, sont détournés”, nous explique notre interlocuteur. Ce qui est valable pour l’agroalimentaire l’est aussi pour les hydrocarbures : on estime que 500 à 600 millions de dirhams sont consommés chaque année dans les provinces du Sud. “C’est totalement disproportionné par rapport au parc automobile de la région”, commente ce journaliste à Laâyoune. La fiscalité représente aussi un manque à gagner conséquent pour le budget de l’Etat. Sur le site Internet du Centre régional d’investissement de Laâyoune, on met fièrement en avant l’argument fiscal : “La région bénéficie d’une exonération totale des impôts et taxes associées : pas de TVA, pas d’impôt sur les sociétés, pas d’impôt sur le revenu”. Bref, un paradis fiscal qui ne manque pas d’attirer les investisseurs, les vrais mais aussi les faux. “Le Tribunal de commerce de Laâyoune connaît l’une des plus importantes activités au Maroc ; des sociétés viennent y enregistrer leur siège social alors que l’essentiel de leur activité s’effectue au nord du Maroc”, nous confie une source au Tribunal de commerce de la ville. A combien se chiffre le coût de ces dérogations et autres évasions (c’est le mot) fiscales ? Aucune réponse. Même le ministère de l’Economie, qui édite pour chaque Loi de Finances un rapport sur les différentes dérogations fiscales du royaume, passe sous silence le caractère particulier des provinces du Sud. L’ensemble de ces prébendes offertes au Sahara s’élèverait, selon les estimations de Fouad Abdelmoumni, à “au moins 1000 dirhams par mois pour au moins 300 000 bénéficiaires”. Soit 0,5% du PIB du Maroc. Cela représente 3,25 milliards de dirhams, de quoi doubler les effectifs ou les salaires des fonctionnaires des ministères de la Justice, de l’Agriculture, de l’Energie et du Commerce réunis. De quoi, finalement, financer une longue “paie” sociale… Le coût de la diplomatie, les investissements de courtoisie Un autre pan important, relatif aux dépenses du Sahara, est lié à l’effort diplomatique consenti par le royaume. Le budget du ministère des Affaires étrangères n’est pas si pesant (1,5 milliard de dirhams), mais la “cause nationale” s’y taille la part du lion. En témoigne le nombre excessif de représentations diplomatiques du royaume. “En 2007, le Maroc disposait de plus de 80 ambassades de par le monde, alors que les études officielles concluaient à la nécessité d’une vingtaine de représentations avant le conflit du Sahara”, explique Fouad Abdelmoumni. Le chercheur illustre son propos : “Au Pérou, pays où le flux d'affaires avec le Maroc est ridiculement bas, on comptait à peine 5 ressortissants marocains. Cela n’a pourtant pas empêché la mise en place d'une belle et coûteuse ambassade à Lima, avec diplomates, personnel, résidence, voyages...”. Pourquoi ? Parce que le Pérou, comme d’autres pays d’Amérique du Sud, joue le plus souvent “à bascule” pour ce qui est de reconnaître la marocanité du Sahara… Les actions de lobbying diplomatique effectuées par le royaume restent secrètes et leur coût réel est jalousement gardé. En dehors de quelques fuites organisées ici ou là. Le quotidien britannique The Guardian a ainsi révélé, en 2007, que le Maroc, via le Moroccan American Policy Center (une organisation non-lucrative pro-marocaine aux USA), a chargé des cabinets de lobbying américains de promouvoir son plan d’autonomie des provinces sahariennes. Coût de l’opération : près de 300 millions de dirhams. Dans les couloirs du ministère des Affaires étrangères, l’on raconte sous cape le cas d’Etats pour lesquels le Maroc a dû passer à la caisse, ou passer l’éponge sur leurs dettes, afin qu’ils retirent leur reconnaissance à la prétendue république sahraouie. Sans oublier les dépenses liées au Corcas, dont le budget est intégré à celui de la cour royale et (donc) frappé du sceau top secret. La facture doit être conséquente quand on sait qu’un simple (et souvent infructueux) round de négociations à Manhasset coûte environ 6 millions de dirhams, entre frais d’hôtel et déplacements pour une soixantaine de personnes sur une période minimale de dix jours. Mais le lobbying diplomatique peut aussi, à l’occasion, prendre la forme de “partenariats” : ouverture à l'étranger d'universités et d'hôpitaux, prise en charge de confréries religieuses. Sans oublier l’implication des entreprises publiques (cas de la RAM et de Comanav avant sa privatisation) dans le maintien d'activités économiques non rentables dans des pays amis de la cause sacrée marocaine. Parfois, l’épine du Sahara est même directement à l’origine de chantiers qui ne répondent pas forcément à la logique économique. Aux yeux de Fouad Abdelmoumni, le projet d’un TGV reliant Marrakech à Tanger, finalement confié à un conglomérat français, peut rentrer dans cette catégorie. “La priorité et l'efficience d'un tel investissement ne peuvent se défendre sur le plan pragmatique. On peut se demander jusqu'à quel point le désir de continuer de bénéficier de l’influence diplomatique de la France, concernant l'affaire du Sahara, a pesé sur ce choix”, explique l’économiste. Une question légitime sachant que ce projet, estimé à 20 milliards de dirhams, sans débat parlementaire ni même appel d'offres, a été signé avec la France juste après l’échec des tractations concernant l’acquisition des chasseurs Rafale. On console bien ses partenaires… Au vu de toutes ces charges, Fouad Abdelmoumni estime le coût de ces dépenses diplomatiques liées directement à l’affaire du Sahara, qu’il qualifie d’investissements “de courtoisie”, à au moins 0,75% du PIB annuel. Soit 4,4 milliards de dirhams, qui représentent quatre fois les dépenses d’investissement du ministère de la Santé. Entre autres. Les symptômes de la mauvaise gouvernance Sur place, l’allocation disproportionnée des ressources par rapport à la logique économique et sociale est visible à l’œil nu. Les provinces du Sud sont mieux équipées que les autres régions du royaume. “Depuis plus de 30 ans, l’État marocain a consenti 24 milliards de dirhams comme investissements dans les structures de base”, souligne notre source. Deux aéroports, trois aérodromes, quatre ports maritimes, 10 000 kilomètres de routes, et un taux de raccordement à l’électricité et à l’eau potable qui dépasse les 80%… Des chiffres dignes du plus beau pays au monde, sauf qu’il est difficile de croire que ces investissements auraient été consentis sans le conflit lié au Sahara. Surtout que le “niveau” des infrastructures dépasse parfois les besoins réels de la région. A Tarfaya, une nouvelle centrale de dessalement de l’eau de mer a été installée, avec la perspective de pouvoir alimenter près de 40 000 foyers. “Alors que la ville ne compte que 2000 foyers”, nous explique une source locale. Une autre illustration des chantiers relativement exagérés au Sahara est donnée par le “Programme prioritaire 2004–2008” dont le coût global d’investissement est de 4,35 milliards de dirhams, soit 0,75% du PIB. “On peut légitimement considérer, en comparaison avec des régions aux conditions socioéconomiques comparables, qu’une bonne partie est tout simplement dilapidée”, poursuit Abdelmoumni. Estimation minimale : encore un demi-point du PIB qui s’envole chaque année. L’économiste attribue au Sahara un autre demi-point du PIB qu’il explique par l’absence de bonne gouvernance. Un minimum quand on sait que la cause nationale a réduit au silence toute la classe politique et servi de prétexte pour freiner un processus de démocratisation irréversible. “L’impunité et l’opacité sur les modalités de prise de décision favorisent les détournements en tous genres, du racket à la prédation des ressources. Tout cela pèse sur le développement du pays”. Entre les dépenses directes et le manque à gagner du non-Maghreb (voir encadré), le conflit du Sahara prive le Maroc de plus de 6 points de PIB. Même si l’économiste estime que la moitié de ces points de croissance “irait en projets peu performants ou serait dilapidée à d'autres titres”, il resterait tout de même 3% du PIB supplémentaire chaque année. De quoi métamorphoser la vie quotidienne des Marocains. Le revenu par tête d’habitant actualisé aurait été multiplié par plus de trois sur la durée du conflit. Le Maroc se situerait, pour ce qui est de ses revenus, au niveau de pays comme le Mexique ou le Chili. Le classement du royaume dans l’Indice de développement humain aurait été bien meilleur que sa malheureuse 123ème place. 3% du PIB, c’est aussi le déficit budgétaire annuel, autrement dit l’argent emprunté par l’Etat pour joindre les deux bouts… Au final, maintenir le statu quo dans le conflit du Sahara est supportable, mais pas du tout profitable. “Même si aucune solution miracle ne pourra faire regagner le temps et les ressources perdus, il est plus que temps d'arrêter l'hémorragie”, assure Fouad Abdelmoumni. Vœu pieux ? L’idée même du “coût économique” reste contestée par Rabat, où l’on a tendance à considérer les dépenses liées au Sahara comme investissements productifs et dans tous les cas nécessaires, pourvu que l’on ne concède pas un centimètre de notre si cher territoire. |
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Phosphates, pêche. Ce que ça rapporte
Si
le Maroc perd des points de PIB dans les sables du Sahara, il tire
aussi des recettes de l'exploitation de ses ressources naturelles. Mais
à des niveaux très insuffisants. Il y a d’abord les phosphates, avec la
mine de Boucraâ, l’une des plus importantes après Khouribga et Gantour.
Selon l’Office chérifien des phosphates, la capacité de production
annuelle serait de 2,4 millions de tonnes et les réserves de 1,13
milliard de m2. Des sources internes de l’Office confient que
l’exploitation de cette mine n’est pourtant pas des plus rentables. “Si
Boucraâ est toujours en exploitation, c’est pour des raisons sociales”,
murmure-t-on. “Même en considérant que la mine tourne à plein régime et
que la marge nette est de 200 dirhams par tonne de phosphates, le
bénéfice annuel ne dépasse pas les 480 millions de dirhams”, relativise
pour sa part l’économiste Fouad Abdelmoumni. Il reste que, plus que le
phosphate, la ressource la plus importante du Sahara est halieutique.
Les côtes du Sud constituent l’un des plus importants bancs de pêche de
l’océan Atlantique. Les derniers chiffres communiqués font état d’une
valeur des captures de 7,9 milliards de dirhams en 2008. En considérant
que la moitié des ventes provient des zones du Sud et même en incluant
le tiers des subventions prévues par l’accord de pêche avec l’Union
Européenne (qui inclut évidemment les côtes du Sud sous la formule
magique de “souveraineté ou juridiction du Maroc”), les profits tirés
du Sahara n’atteignent même pas l’équivalent d’un point du PIB. C’est
peu, très peu…
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Echanges. La facture du non-Maghreb
Les
différends inter-maghrébins sont si nombreux qu’ils deviennent
impossibles à recenser. Mais les spécialistes sont unanimes : “le
conflit du Sahara demeure le premier obstacle pour l'intégration et le
développement du Maghreb”. Le non-Maghreb entraîne donc un important
manque à gagner pour les pays de la région. Les échanges
inter-maghrébins, qui représentent en moyenne 2% du commerce extérieur
de chacun des 5 pays, sont bien en deçà de leur potentiel. Alors que le
Maghreb économique pourrait créer un marché de plus de 75 millions de
consommateurs. Cette taille, similaire à nombre de pays leaders dans le
commerce mondial, permet d’exploiter les économies d'échelle. Les
complémentarités, visibles à l’œil nu, devraient également susciter un
accroissement conséquent des investissements directs étrangers. Et
puis, face à la mondialisation et à la prévalence des regroupements
régionaux, le Maghreb économique semble impératif. Etant divisés, les
membres de ce G5 maghrébin disposent actuellement d’un pouvoir de
négociation réduit en face des puissances internationales. Les
analystes de la Banque Mondiale le laissent d’ailleurs entendre quand
ils évoquent les relations avec l’Union Européenne : “L'UE est la
principale destination des exportations et source d'importation pour
les pays du Maghreb. Ces échanges constituent plus de 65% du total du
commerce du Maghreb. Créer un bloc commercial du Maghreb avec l'Union
Européenne amènerait à de plus gros gains économiques”. Et de préciser
: “Cela générerait 1,5 % de croissance additionnelle du PIB par
habitant pour chacun des 5 pays”. En dirhams, cela représente 9,6
milliards. Largement de quoi multiplier par deux les budgets
d’investissement en matière d’agriculture, de pêche, d’équipement et de
transport.
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Par Fahd Iraqi de TELQUEL Online
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Imaginez le poids financier sur le budjet de l'Algérie pour payer l'armement du Polisario et investir dans sa population et dans une diplomatie pour ternir l'image du Maroc...
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