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...de Nathalie Lemoine-Bouchart et Catherine Paoli
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Vestiges dans un écrin de verdure
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Ce grand spécialiste de l’Algérie romaine est cité dans Balade à Tipasa paru aux éditions du Tell, dans la collection « histoire et patrimoine » dirigée par Djamel Souidi. Nathalie Lemoine-Bouchard et Catherine Paoli offrent, sur 160 pages, un petit voyage dans cette ville de la côte ouest d’Alger où se trouve « l’un des plus beaux sites archéologiques de Méditerranée ». « Le nom de Tipasa n’a pas changé depuis l’Antiquité. Il pourrait venir du mot phénicien qui signifie ‘‘passage’’ », écrivent-elles.
La ville nouvelle a été créée en 1854. Son nom populaire est « bazar ». L’origine précise de ce surnom demeure inconnue, même si les auteures tentent une explication par l’activité commerciale de la cité. Tipasa est aussi ancienne que le monde. La première occupation humaine remonte au paléothique supérieur. « Pendant cinq siècles, Tipasa se développa sous l’autorité lointaine de Carthage, avant de devenir ville autonome des royaumes de Maurétanie pendant environ deux siècles. Puis cinq siècles durant, Tipasa est une ville romaine jusqu’à l’éphémère royaume vandale qui dura un siècle. Les Vandales sont chassés par les byzantins qui contrôlent la région pendant un peu plus d’un siècle jusqu’aux incursions arabes », est-il résumé, même si l’histoire de Tipasa ne se résume pas en quelques lignes. Les auteurs rappellent que Juba II, qui s’était installé à Caesarea (Cherchell), avait réussi à attirer les artistes de toute la Méditerranée, alors que l’empereur Claude avait donné le statut de municipalité à Tipasa (la ville payait l’impôt à Rome).
Tipasa, cité-phare
Les auteures développent la thèse discutable de la destruction partielle de certains monuments de la ville après l’arrivée des arabes vers 680. « Les renseignements manquent totalement pour l’époque médiévale », soulignent-elles. L’occupation française a mis à mal le patrimoine de la région. « En 1845, un four à chaux fonctionne à Tipasa. Les ruines lui servent de matière première... Vers 1847, les belles pierres des gradins du théâtre antique sont utilisées pour bâtir, dans l’urgence, l’hôpital de Marengo (Hadjout) par le génie militaire qui doit faire face à l’épidémie de paludisme », est-il noté. Les auteures rappellent que le phare de Tipasa, construit en 1867, se trouve dans le cœur historique de la cité. « Ses fondations ont été faites sans fouilles archéologiques préalables et ont probablement détruit des traces utiles à la compréhension de l’histoire de Tipasa », indiquent-elles. En 1982, l’Unesco a inscrit les ruines de Tipasa sur la liste du patrimoine mondial. Il s’agit surtout du parc archéologique qui s’étend sur 40 ha, comprenant le Mausolée d’Alexandre, la colline Sainte Salsa, le parc Trémaux et la nécropole de Matarès. L’autre moitié des ruines est enfouie sous la ville. Les fouilles sont à l’arrêt depuis 2004.
« L’inventaire du site reste à faire. Les nécropoles ont été très bien étudiées et permettent de connaître les rites funéraires sur dix siècles », estiment Nathalie Lemoine-Bouchard et Catherine Paoli. Selon elles, Tipasa est le premier site visité en Algérie avec un nombre qui avoisine les 100 000 visiteurs par an. Dans leur ouvrage, elles reviennent en détail sur les principaux vestiges : « les grands thermes, la cardo, l’amphithéâtre et son arène ovale, la fontaine de Nymphée, les villas de bord de mer, le decumanus maximus (voie romaine), le temple anonyme, le forum et le capitole... tout dans un écrin de verdure ». La fontaine de Nymphée est considérée comme l’une des plus belles de ce type en Afrique. « De nobles proportions, elle était ornée de colonnes en marbre bleu et de statues », précisent-elles en soulignant qu’à Djemila, l’antique Cuicul, il existe des fontaines publiques similaires mais moins spectaculaires.
Dans la deuxième partie de l’ouvrage, une balade botanique est offerte au lecteur avec présentation d’une soixantaine de plantes qui poussent dans les plaines de Tipasa : « agave, ail de Naples, chardon, asphodèles, grenadier, laurier rose, jacinthe sauvage, rose thé, pavot cornu, pissenlit, cyprès...Partout des bougainvillées roses dépassent les murs des villas ; dans les jardins des hibiscus au rouge encore pâle, une profusion de roses thé épaisses... », phrase reprise d’un roman d’Albert Camus qui passait ses nuits à l’hôtel du Rivage.
Muse de Camus, Boudjedra…
Les auteures rappellent que Camus a écrit deux nouvelles en rapport avec le site archéologique : Noces à Tipasa et Retour à Tipasa. Rachid Boudjedra, Brahim Hadj Smaïl et Nadia Ghalem ont également écrit sur Tipasa. Les peintres Eugène Deshayes et Georges Le Poitevin s’étaient inspirés des beautés de cette région partagée en bleu et vert. Les textes sont accompagnés par des dessins, des aquarelles, des cartographies et des photos.
Historienne d’art et passionnée de photographie, Nathalie Lemoine-Bouchard est l’auteure de plusieurs catalogues de musées français (Montélimar, Chantilly, etc) et d’un dictionnaire sur Les peintres en miniature, paru en 2008. Peintre à l’aquarelle et sur porcelaine, Catherine Paoli a créé un atelier de mosaïque à Alger et enseigne cette technique aux jeunes. Balade à Tipasa a été publié avec l’aide de l’Office national de gestion et d’exploitation des biens culturels protégés (ex- Anapsmh).
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Faycal Metaoui
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"Au
printemps, Tipasa est habité par les dieux et les dieux parlent dans le
soleil et l'odeur des absinthes, la mer cuirassée d'argent, le ciel
bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros
bouillons dans les amas de pierres. A certaines heures, la campagne est
noire de soleil."
Albert Camus, "Les Noces"
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"Après un peu moins de deux heures Mersault arriva en vue du Chenoua. (. . .) C'étair là qu'il allait vivre. Sans doute la beauté de ces lieux touchait son coeur.C'était pour eux qu'aussi bien il avait acheté cette maison. Mais le délassement qu'il avait espéré trouver là l'effrayait maintenant. Et cette solitude qu'il avait recherchée avec tant de lucidité lui paraissait plus inquiétante maintenant qu'il en connaissait le décor. Le village n'était pas loin, à quelques centaines de mètres. Il sortit. Un petit sentier descendait de la route vers la mer. Au moment de le prendre, il s'aperçut pour la première fois qu'on apercevait de l'autre côté de la mer la petite pointe de Tipasa. Sur l'extrémité de cette pointe, se découpaient les colonnes dorées du temple et tout autour d'elles les ruines usées parmi les absinthes qui formaient à distance un pelage gris et laineux. Les soirs de juin, pensa Mersault, le vent devait porter vers le Chenoua à travers la mer le parfum dont se délivraient les absinthes gorgées de soleil."
Albert Camus (La mort heureuse, chapitre IV)
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