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Aujourd’hui, une larme acide montera en moi
Et je la subirai
Elle me dira une douleur impensable
Et je l’écouterai
Elle me dira le crachat sur la mémoire
Et je la maudirai
Elle descendra en balafre sur ma joue
Et sur mes lèvres je reconnaîtrai son goût :
C’est toi, Algérie, qui pleure ce dimanche
Debout dans le vent de l’oubli
Ta chevelure désespérée
Tes portraits d’or dressés
A la face salée du palais éteint
Tu protèges tes tombes
Des mains souillées des Pétain
Tendues aux assassins
Tu protèges tes tombes
Sépulcres sacrés
Qui gardent ta chair
Et nos orgueils
Tu protèges tes tombes
Et je t’entends de ma prison
A travers la nuit du tyran je t’entends :
C’est ma mère
Qui suffoque de colère
Par la poitrine révoltée
De la mère de Kahina
Amel, Karima et Nour El Houda
C’est toi, je le sens
Dans le silence du pénitencier
Qui pleure des yeux roses
De la fille du policier
Et ce bruit froid et amer
Qui me parvient dans mon cachot
C’est le bruit de ta solitude
Quand tu pleures du soupir infini
De la sœur de Medjoubi.
Je vous entends, cœurs piétinés
Cœurs sacrifiés dans la fente de l’urne
Cœurs trahis d’un trait de plume
Cœurs crevés d’un poignard félon
Qui battez d’un sang profané,
Qui hurlez d’une voix bâillonnée
Cœurs aux pétales aiguisés
Rassemblés en bouquet d’honneur
C’est dimanche, je pense à vous.
Vous êtes le dernier cri d’Alger
Déchirant le silence des lâches
Et je l’entends de ma geôle d’El Harrach,
Au nom de toutes les fleurs à venger
Accompagner les prochaines glycines
Vers une floraison inéluctable
Tu l’as promis aux fleuves et au sable
A l’heure de la lame assassine
Tu l’as promis dans la nuit, soldat,
Il n’est pas un jasmin qui ne t’ait écouté
Qui ne livrera, à l’aube, son parfum de vérité,
Et qui ira fleurir la tombe de Benhamouda
Mon fils, lis, pour moi ce dimanche,
Inscrite sur l’esplanade ensoleillée la vieille légende du peuplier,
En lettre de sang sur leurs banderoles blanches.
Et cueille pour moi, si je rentre un jour
Un rameau de dignité et un bout de racine
Et cet éclat de fierté dans les yeux de l’orpheline
Au souvenir du père et de sa bravoure,
Tu sauras le secret de nos femmes et ma terre.
Et des peupliers qui veillent sur leurs roses,
Apporte –moi une part d’ombre que je me repose
J’ai hâte de te voir dans la lumière.
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Mohamed Benchicou, - Prison d’El Harrach,- Mars 2006
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