«C’était un visionnaire»
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L’Association Machaâl Chahid a organisé hier une rencontre au Centre
de presse d’El Moudjahid en coordination avec notre publication, en
commémoration du 52e anniversaire de l’assassinat par l’administration
coloniale, du chahid Larbi Ben M’hidi.
Pour évoquer la mémoire du
grand militant que fut Larbi Ben M’hidi, ce fut M. Mohamed Djellal,
universitaire et historien qui en rappela la biographie et l’itinéraire
politique et militant.
L’orateur a relevé que le chahid n’était pas
un professionnel de la politique, ni un universitaire, mais il a été un
homme de conviction, un nationaliste ombrageux.
Larbi Ben M’hidi a
été un acteur du mouvement nationaliste, il a été membre des Scouts
musulmans algériens et eut un engagement sans faille. Il connut les
prisons coloniales notamment à la suite des massacres de mai 1945. Il
mena une vie clandestine pour la préparation de la Grande Révolution de
Novembre et fut un acteur influent durant la Bataille d’Alger.
Le
militant est connu pour sa farouche opposition aux méfaits de
l’administration coloniale. Il opposa à ses détracteurs une grande
lucidité. A ceux qui doutaient que le peuple algérien peut entreprendre
une guerre de Libération nationale, il répétera inlassablement que la
révolution armée ne pouvait réussir que si le peuple s’en emparait.
« Mettez la révolution dans la rue, et le peuple saura s’en saisir », disait-il.
Arrêté
le 16 février 1957, il a forcé le respect de ses adversaires par la
dimension de sa personnalité, son courage, sa froideur face aux
menées des détachements des parachutistes qui l’avaient arrêté.
On
l’a qualifié de seigneur. Cette reconnaissance par les occupants de
notre pays montre bien combien était grande et forte la personnalité de
Larbi Ben M’hidi.
Aussaresses, tortionnaire de métier et criminel de
guerre a fini par reconnaître après avoir longtemps nié, avoir torturé
Larbi Ben M’hidi.
Interrogé pour savoir s’il était à l’origine de l’assassinat de Ben M’hidi il a préféré ne pas répondre à la question posée.
Le
détachement de parachutistes lui a présenté les armes lors de son
arrestation. Ben M’hidi a toujours affirmé ne pas avoir aimé que
l’armée ennemie le fasse.
Dans la série de témoignages, M.
Hassani Abdelkrim, moudjahed, compagnon et beau-frère du chahid, a
rappelé que Ben M’hidi a été un compagnon d’armes depuis les années 40.
C’est un homme doué d’un très grand dynamisme.
Il
était d’une grande discrétion aussi. A ceux qui manifestaient de la
tiédeur devant la volonté du peuple algérien d’aller au combat, Larbi
Ben M’hidi rappelait toujours, relève l’orateur, que l’Histoire
départagera ceux qui sont totalement engagés pour la lutte de
Libération nationale et ceux qui hésitent encore.
Larbi Ben M’hidi
aimait rappeler aussi, rapporte Si Abdelkrim Hassani, que le
colonialisme ne peut plier qu’à travers l’expression de la force.
«
C’est l’Histoire qui vous vaincra », disait-il aux représentants de
l’administration et de l’armée coloniales. Ce sont-là des paroles plus
fortes qu’une balle finiront par reconnaître les adversaires de notre
peuple.
Le moudjahed Si Laroussi a évoqué la présence de Larbi Ben M’hidi dans la bataille d’Alger.
Il était aux côtés des militants à la Casbah rappela l’orateur.
Si
Laroussi a rappelé à cette occasion une phrase de Larbi Ben M’hidi
entrée dans l’Histoire : « Donnez-nous vos avions, nous vous donnerons
nos couffins.»
Cette réplique est venue après que des représentants
de l’armée coloniale reprochaient aux moudjahidine et moussebiline de
transporter des bombes dans des couffins.
Larbi Ben M’hidi eut cette réplique géniale en rappelant les bombardements de populations civiles par l'armée coloniale.
Intervenant
à son tour, M. Abderrahmane Bensaïd, ancien membre de l’Organisation
secrète (OS), soulignera lui aussi le rôle particulièrement dense de
Larbi Ben M’hidi dans la lutte de Libération nationale, le respect
qu’il força de la part de ses adversaires.
M. Mohamed Mili, ancien
ministre et acteur de la lutte de libération nationale, a lui aussi mis
en relief l’activité militante du chahid dans le mouvement
nationaliste, son engagement dans les Scouts musulmans algériens.
Il
a rappelé une intervention de Larbi Ben M’hidi dans El Moudjahid dans
un des premiers numéros ronéotypé en 1955 où l’auteur de l’article
rappelait que le peuple algérien n’avait pour ennemi que le
colonialisme français. Nous sommes amis de tous les peuples, y compris
du peuple français qui n’est pas notre adversaire. Clôturant cette
série de témoignages, c’est la propre sœur du chahid, épouse du
moudjahed Si Hassani Abdelkrim qui souligna que Larbi Ben M’hidi a été
un visionnaire.
Elle a noté dans une intervention fort émouvante, la
discussion entre la maman et son fils, Larbi, et la réaction de toute
maman qui avait peur pour la vie de son enfant. « Mère, disait Larbi
Ben M’hidi, si je suis encore vivant après l’indépendance, je te
donnerai beaucoup de petits-enfants. Si je meurs, ce sont tous les
enfants d’Algérie qui seront tes petits-enfants.»
La mère perdit au champ d’honneur deux de ses enfants, Mohamed-Tahar et Larbi.
Rencontre
commémorative qui rappela donc l’itinéraire révolutionnaire d’un
moudjahed dont l’engagement face à l’ennemi est passé dans l’Histoire.
A
cette rencontre, se sont joints des compagnons du chahid, des élèves de
l’Ecole supérieure de police de Châteauneuf, des lycéens des
établissements scolaires Emir- Abdelkader et Frantz-Fanon, des
moudjahidine et la presse.
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Tahar Mohamed Al Anouar
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Hommage au martyr de la guerre d’indépendance
Larbi Ben M’hidi à ses tortionnaires :
«Vous êtes le passé, nous sommes l’avenir»
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Qualifié par ses ennemis
d’«âme de la résistance» du peuple algérien et de «seigneur», surnommé
par compagnons d’armes et autres patriotes le «Jean Moulin algérien»,
Larbi Ben M’hidi a marqué les esprits chez les uns comme chez les
autres.
En présence des moudjahidine et compagnons d’armes, de Drifa Ben M’hidi, la sœur du chahid, des lycéens, l’historien Mohamed Djalel, professeur d’histoire à la faculté de Bouzaréah, a évoqué le parcours de cette grande figure de la guerre de libération, en soulignant «sa bravoure et son militantisme». A l’adresse des lycéens, afin de mieux comprendre l’histoire de la guerre de libération et connaître le grand martyr de cette guerre, le professeur a brièvement présenté les grandes lignes de la vie du «seigneur» : Né en 1923, Ben M’hidi est séduit très jeune par les idées du mouvement nationaliste. Membre du groupe historique des 22, du comité des Six et du Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action (CRUA), il est désigné à la tête de la wilaya V historique au lendemain du déclenchement du combat libérateur. Ses grandes valeurs de chef lui valurent d’être chargé par ses pairs d’assurer la coordination entre les principales régions du pays. Il contribua efficacement au sein du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) et au Comité de la coordination et d’exécution (CCE) à la rédaction des documents majeurs de la révolution. L’une des grande figures aussi, du Congrès de la Soummam, le 20 août 1956. Il prend, quelque temps après, les commandes des opérations militaires dans la région stratégique de la capitale et dirige en grand stratège la bataille d’Alger jusqu’à son arrestation le 23 février 1957 par les parachutistes dirigés par le général Bigeard. Il est lâchement assassiné le 3 mars 1957 après dix jours de torture. Le conférencier a également rapporté les témoignages «surprenants» des ennemis à l’égard de la personnalité du glorieux Ben M’hidi, notamment ceux avoués par le général Bigeard, dans l’entretien qu’il a accordé à Florence Beaugé, journaliste au quotidien Le Monde. «Larbi a été mis à mort parce que livré, sans arme et sans défense, à des ennemis intraitables ; il ne s’avouait pas vaincu ; il se montrait plus fort que les assassins, dotés de tous les instruments de torture, leur criant au visage jusqu’à son dernier souffle : nous vous vaincrons parce que vous êtes le passé et que nous sommes l’avenir», a révélé sa sœur, en marge de cette rencontre. «Il ne vit que pour l’indépendance de son pays […]. J’ai en face de moi un véritable fauve», un homme qui «a du charisme, une détermination à toute épreuve». «Il est illuminé par sa mission […]. Sa logique implacable [NDLR : celle de l’indépendance] le met à l’abri de la peur […] quand on aborde le problème de la mort, il dit ne pas la craindre.» Il est «impressionnant de calme, de sérénité et de conviction». «Droit, sincère, épris d’idéal jusqu’à être un illuminé […], c’est un visionnaire, un homme de valeur, d’une grande dimension. Avec mes hommes, on se dit même que c’est un ‘’seigneur’’.» Tels sont les propos rapportés par le professeur à propos de Larbi.
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Par Nabila Belbachir
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