Cinq rue des Abderames
Notre orgueil porte une adresse.
Un laurier pour trois cadavres...
Cinq rue des Abderames.
C'est l'heure de la lune et du muletier,
Ta tête blonde contre deux chars
Tes vingt ans et la haine de Bigeard :
Néfissa arrête la fontaine,
La poseuse de bombe va mourir...
Cinq rue des Abderames...
Tu chercheras l'offrande de Hassiba
Entre les seins désespérés de la Casbah.
J'irai humer dans ta nouvelle rue
Ce qui nous reste de gloire
Mais j'ai peur d'y perdre pied,
Pèlerin abandonné
Trouverais-je dans les derniers galets,
Si le doute venait à m'épuiser,
Ta cause pour m'y reposer
Et dans le ressac de la mer
Un sel de grandeur
Et un soupçon d'immortalité ?
Cinq rue des Abderames...
Notre errance vient d'une tombe abandonnée :
Il nous a manqué un jour l'humilité
Pour arroser le laurier
Et un instant de mémoire
Pour réparer la lampe du muletier
Cinq rue des Abderames...
Il n'y a pas d'heure dans nos pendules
Après l'heure ultime :
La dernière sommation,
Le regard solitaire de Ali,
L'ultime caresse à P'tit Omar
Et le cri déchirant de Bab Edzira
La poseuse de bombes va mourir...
Cinq rue des Abderames...
J'ai marché dans ta nouvelle rue
Pour marchander ma part d'éternité
Et j'ai égaré mon nom dans ton obscurité
Hassiba, dans quelle éternité as-tu existé ?
Même Sidi Ramdane a oublié...
Je me suis tourné vers la mer désabusée
Elle proposait une vague blasée,
A des touristes désespérés,
Quelques reflets agonisants
D'un vieux prestige oublié.
Une larme de Aziza Bent El bey,
Le cri du dernier exilé
Et le dépit du premier corsaire.
Je n'irai plus dans ta nouvelle rue
Qu'ai-je à dire à cette foule orpheline
Vêtue de tes serments
Et de la prophétie des Aurès,
Que j'ai vu implorer le néant,
Autour d'un soldat inconnu,
De la sauver de l'infini ?
Ne pourrais-tu un jour
Allumer un réverbère sur mes doutes.
A la mémoire de Hassiba Bent Bouali
La poseuse de bombes
Cinq rue des Abderames.
Un poème de prison de Mohamed Benchicou
.
.
5, rue des Abderames
Les paras français dynamitent la cache de Hassiba Ben Bouali, Ali La Pointe, Mahmoud Bouhamidi et le petit Omar le 8 octobre 1957 dans la Casbah.
La rue des Abderames
C'est dans cette rue, au n° 5 que furent assassinés
le 8 Octobre 1957, pendant la bataille d' Alger ,
Ali la Pointe et ses compagons, Hassiba Ben Bouali , Mahmoud Bouhamidi et Omar saadi dit Petit Omar.
.
.
C'est le parfait modèle de ce que peut être un gosse qui prend conscience tôt des réalités de son peuple menant une résistance. Petit Omar, de son vrai nom Omar Youcef, était, à l'âge de 13 ans, agent de liaison dans la Zone autonome. On est en pleine Bataille d'Alger et Yacef Saâdi vient d'être arrêté. Petit Omar meurt aux côtés de Hassiba Ben Bouali, Ali La Pointe, Hamid Bouhamidi, le 8 octobre 1957, quand les paras de Bigeard et Massu découvrent leur cache, à La Casbah. Nos quatre héros refusent de se rendre, leur maison, sise au 5, rue des Abderames, est alors dynamitée. Cette scène a été immortalisée dans le film La Bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo.
.
Née le 18 janvier 1938 à El-Asnam (aujourd'hui Chlef), Hassiba Ben Bouali y entama ses études primaires, qu'elle poursuivit à l'école Aïn Zerga, à Alger, où ses parents s'étaient installés en 1947.
Elle obtient le certificat d'études primaires en 1950 et entre au lycée Pasteur (aujourd'hui annexe de la Faculté Centrale), où elle y étudia jusqu’en deuxième année. De nombreux témoignages la présentent comme une adolescente particulièrement éveillée, curieuse et sensible.
C'est ainsi que, par le biais du scoutisme, elle effectue de grandes randonnées à travers le pays et découvre les conditions déplorables de vie de la paysannerie algérienne. L'étalage de l'injustice la révolte profondément. Hassiba Ben Bouali rêvait de devenir infirmière mais elle ne put que s'employer dans un bureau social, où elle complétera sa vision de la situation des Algériens.
Sa prise de conscience l'amène à militer dès l’âge de seize ans an sein de l’Union Générale des Etudiants Musulmans Algériens. Dès lors, elle s'impliquera de plus en plus dans le combat nationaliste, et, vers la fin de l'année 1956, elle intégra avec d'autres jeunes filles un des réseaux des fedayins qui se distinguèrent durant la bataille d'Alger.
Elle fit ainsi parties d'un groupe chargé de fabriquer des bombes et de les déposer sur les lieux d'opération. Mais les services de renseignement français finirent par recueillir des informations sur ce groupe. L'atelier clandestin de fabrication des bombes est aussitôt investi tandis que de nombreuses arrestations ont lieu.
Hassiba Ben Bouali est alors obligée de quitter son domicile et de rejoindre la Casbah, citadelle de la révolution quadrillée par la soldatesque coloniale. C'est à ce moment que la répression à Alger s'accentua. Les autorités françaises voulaient en finir avec les réseaux urbains du FLN, qui semaient la panique dans les milieux des colons et dont les actions spectaculaires jouissaient d'une grande audience internationale.
En février 1957, Larbi Ben M'hidi, chef de la zone autonome d'Alger, avait été arrêté et assassiné. D'autres arrestations eurent lieu les mois suivants. Le 8 octobre 1957, Hassiba Ben Bouali se trouvait dans une cache au numéro cinq des la rue des Abderames, en plein coeur de la Casbah, en compagnie d'Ali la Pointe et du petit Omar, âgé de douze ans.
A la tombée de la nuit, la maison fut encerclée par les parachutistes français. On somma les trois fedayins de se rendre. Devant leur refus, les soldats français firent sauter la maison. Hassiba Ben Bouali et ses compagnons périrent sous les décombres ainsi que 17 Algériens dont les maisons furent soufflées par l'explosion.
La martyre de Hassiba Ben Bouali devint un motif supplémentaire de la détermination du peuple algérien ainsi qu'une illustration éclatante de la participation de la femme algérienne au combat libérateur.
.
Agé de 27 ans au moment de sa mort, Ali La pointe avait un caractère fougueux et entier. Mais ce qui caractérisera le personnage c’est son courage et sa vivacité d’esprit. Né à Miliana le 14 mai 1930 sous le patronyme de Ammar Ali, il s’est fait connaître à Alger comme joueur de « tchic-tchic » à Bab El Oued. Très vite, il remplit son casier judiciaire de différentes condamnations pour vols d’effets militaires, coups et blessures volontaires, violence et voie de faits à agents et tentative d’homicide volontaire. Il s’évadera du chantier de travail à Médéa où il y purgeait une peine. pour clore définitivement avec son passé, il s’engage dans la lutte et la révolution contre l’occupant. Très vite il est présenté à Yacef Saâdi qui l’incorpore dans son groupe. C’est ce que rapportera l’ensemble de la presse locale en 1957, à la suite de l’explosion causant la mort d’Ali La Pointe. De nombreux articles reviennent sur les différents attentats orchestrés par lui et le grand patron de la Zone autonome et quelques coupures de presse relateront la fameuse explosion du 5, rue des abderames en précisant qu’« Ali LaPointe ne s’est pas fait sauter, il a été attaqué dans son repère hermétique par les bérets verts », note l’Echo d’Alger. L’objectif pour la presse de l’époque est clair : il ne faut pas en faire un martyr qui a préféré se faire exploser plutôt que de se rendre. Il s’agissait de ne pas susciter des envies de suivre son exemple. Mais ce que les journaux ne disent pas, c’est qu’Ali faisait peur. Sa ténacité à défier l’adversaire, sa pugnacité et son courage alimentent l’espoir, enhardissent les plus revêches à s’engager et symbolisent l’algérien dans toute sa dimension culturelle et cultuelle.
.
.
.
Les commentaires récents