C'est
la première fois dans l'histoire de l'Eglise algérienne qu'un évêque
originaire du Moyen-Orient est nommé à cet évêché, qui est le plus
important en Afrique du Nord. C'est un événement qui a mis fin à la
spéculation sur le caractère colonial de l'Eglise algérienne. Une
nouvelle page s'est ouverte dans notre histoire.
.
La présence chrétienne en Afrique du Nord, l'actuel Maghreb, ne date pas d'aujourd'hui. Elle s'inscrit dans l'histoire de l'Eglise, particulièrement au cours de ses cinq premiers siècles. A mon point de vue, cette présence se résume en trois périodes charnières dans l'histoire de l'Afrique du Nord, et en particulier en Algérie. La première période commence dès le premier siècle jusqu'au milieu du septième siècle, la deuxième période s'étend à la présence musulmane et enfin la période coloniale.
.
Début du christianisme
Contrairement à ce qui est répandu, la présence chrétienne était forte dans cette région. Le premier concile, qui se tint à Carthage en l'an 215, comptait 70 évêques, selon saint Augustin. En l'an 255 (1) un deuxième concile en comptait 90 évêques, par la suite certains historiens estiment que ce chiffre s'est multiplié en plusieurs centaines. Les évêchés de l'époque avaient plus une dimension de paroisses que les diocèses actuels. Néanmoins, ils manifestent l'extension prise par la foi chrétienne en cette région. A noter que l'Afrique du Nord a donné trois papes à l'Eglise : le premier c'était Victor Ier (189-199), le second saint Miltiade (311-314) et enfin Gélase Ier (492-496). Il existe aussi des grands témoins de cette époque. Parmi eux, on trouve Tertullien (fin du IIe siècle), qui est le grand témoin de l'essor du christianisme de l'Afrique du Nord. Il est le premier auteur chrétien, qui a exprimé en latin le dogme chrétien. Témoins les nombreux ouvrages d'apologétique et de théologie qu'il a laissés. Parmi les plus illustres martyrs, on peut citer l'évêque de Carthage saint Cyprien (mort en 258).
La figure la plus marquante de cette époque et qui a fait (et qui fait) la gloire de l'Eglise de l'Afrique du Nord et plus particulièrement de l'Algérie, c'est saint Augustin (354-430). Qui a marqué la pensée de l'église, et par conséquent la pensée occidentale. Il a formé l'intelligence de l'Europe, selon le cardinal Newman. Il a laissé une oeuvre colossale de sermons, de commentaires de l'Ecriture et de méditations. Les livres les plus célèbres sont «Confession» et «La cité de Dieu», ce dernier est une réflexion sur la distinction entre la politique et la religion.
Il est le fondateur de la séparation de «la cité divine» et «la cité des hommes», ainsi on peut le dire, sans complexe, que saint Augustin était le premier qui a compris à ne pas mêler la religion à la politique. N'est-il pas un vrai laïc ? (2). On peut supposer que cette culture séculière était acquise par ses origines berbères. Son oeuvre est toujours d'actualité, certaines de ses correspondances n'ont pas été traduites du latin à nos jours. Ces correspondances peuvent nous aider à comprendre quelques zones obscures de notre histoire.
Entre 428 à 534, les barbares Vandales ont mis à sac de nombreuses villes en Afrique du Nord. Près de 5.000 clercs ou laïcs catholiques sont persécutés, déportés et certains, dont plusieurs évêques, martyrisés. Au VIe siècle, l'empire romain d'Orient, dit byzantin, ayant Constantinople comme capitale, réinvestit une partie de l'Afrique du Nord, notamment les régions côtières. L'Eglise catholique récupère une partie de ses biens et de son influence.
Mais l'autorité de l'empereur de Byzance, contestée, se disloque progressivement. Parmi les causes de la disparition du christianisme autochtone, on doit noter le caractère latin de la vie ecclésiale et l'émigration, contrairement à ce qui s'est passé au Proche-Orient et qui a contribué à y maintenir des communautés chrétiennes vivantes.
.
L'arrivée de l'islam
C'est en 647, que surviennent les premières expéditions arabo-musulmanes. Contrairement à ce que l'école nous enseigne, selon certains historiens, il faudra huit à neuf campagnes successives pour que l'autorité musulmane s'impose sur l'ensemble de la région.
Du VIIe au XIIe siècle, la présence chrétienne va disparaître progressivement.
En 1076 le souverain musulman de Bougie écrit au pape Grégoire VII pour lui demander d'ordonner un évêque pour la communauté chrétienne de cette ville. Le pape lui répond en une lettre considérée comme le plus ancien témoignage de dialogue islamo-chrétien en Occident.
Du XIIe au XIXe siècle, l'Eglise en Algérie a perdu tout le caractère autochtone. Elle ne subsiste que par la présence de chrétiens étrangers : commerçants venus de la rive nord de la Méditerranée, consuls et personnel des «comptoirs» marchands établis dans le pays sur la base de traités passés avec les souverains locaux. A Oran, Alger, Tlemcen, Béjaïa, Annaba, pour ne citer que les plus connus, ces comptoirs ont généralement leur église ou leur chapelle avec des prêtres desservants. On peut citer la présence des lazaristes entre 1646 à 1828.
Cependant, il faut aussi mentionner le nombre important de captifs kidnappés en mer par les corsaires dont, parmi eux, quelques prêtres.
Certains instituts sont fondés alors et qui se mettent en devoir de leur venir en aide et, si possible, de négocier leur libération : trinitaires espagnols, dominicains et franciscains.
.
La période coloniale française
Le début de la colonisation française est marqué par la naissance de deux nouvelles congrégations religieuses, qui sont : les Père Blancs et les Soeurs Blanches. Ces derniers ont pour objectif d'aider la population pauvre en Algérie (la famine 1867-1866) et en Afrique Noire. Ils sont implantés un partout sur le territoire algérien (3), particulièrement en Kabylie. Il y eut des conversions au christianisme dans certaines régions.
Ces Algériens ont choisi de devenir chrétiens pour des raisons diverses (devenir citoyens français et par conviction religieuse, etc.). Cependant, ils étaient mal vus par leurs concitoyens et aussi par la communauté coloniale (4), ainsi ils étaient marginalisés par les deux parties.
Certains étaient contraints à l'exil et d'autres se sont regroupés dans des villages.
Au cours de la Guerre de libération nationale, les chrétiens algériens ont participé à la guerre comme tous les Algériens. Le rôle actif apporté par le cardinal Duval à la Guerre de libération nationale était très important. Certains prêtres, comme le père Scotto par exemple, ont apporté des aides importantes à la Guerre de libération nationale, sans oublier l'appui du «Témoignage Chrétien» pour diffuser les crimes coloniaux dans l'Hexagone. Il y a peu d'écrits sur le rôle des prêtres au cours de cette période.
Après l'indépendance, les chrétiens algériens ne sont pas nombreux, est-ce qu'ils sont partis comme tous les autres ? Est-ce qu'ils sont restés ? Il n'existe pas de documents sur leur présence, mais aussi de leur rôle après l'indépendance. Ceux qui sont partis en France, la majorité portaient des noms chrétiens. Ce qui a facilité leur intégration, mais aussi on trouve peu leur trace...
Il reste à souligner que la communauté chrétienne reste très fidèle au peuple algérien. La preuve, au cours de la décennie noire, ils étaient à nos côté, ils ont payé la facture très lourde, surtout avec l'assassinat du sept moines et l'évêque d'Oran et d'autres prêtres et soeurs. A notre tour de remercier particulièrement tous les prêtres qui ont participé à faire développer notre pays, à apporter la diversité dans notre société et de l'amour pour notre peuple. A vous tous, nous vous souhaitons une bonne fête de Noël.
.
.
1- Cf. Le site officiel de l'Eglise catholique algérienne.
2- Je vous conseille de regarder le documentaire «Apocalypse» diffusé
sur ARTE, la dixième partie (Cité de Dieu).
3- Cf. «Inaia wa el'Assalaa» de Mouloud Kacem Naït Belkacem, p.449. En 1975.
4- Cf. «L'histoire de ma vie» de Fatma Amrouche.
.
par Yazid Haddar
.
.
.
Les commentaires récents