1830-1962
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L’espace maghrébin et les politiques coloniales européennes
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Si l’on excepte les importations de blé de certains négociants marseillais, l’action des Lazaristes venus racheter les captifs victimes de la course algéroise, les bombardements réalisés contre la capitale barbaresque par Duquesne et d’Estrées, les contacts établis entre Versailles et Meknès à l’époque de Louis XIV et de l’Alaouite Moulay Ismaïl, enfin les reconnaissances du commandant Boutin pour le compte de Napoléon, les relations entre la France et le Maghreb sont demeurées réduites à très peu de chose jusqu’à la conquête d’Alger. Si elle n’avait pas dispersé ses forces entre son empire américain et ses vaines ambitions d’hégémonie européenne et si elle s’était engagée plus tôt dans les transformations de l’ère industrielle, l’Espagne aurait été mieux placée que la France pour jouer un rôle prépondérant au Maroc et dans l’ouest algérien, alors que le jeune royaume d’Italie pouvait logiquement espérer, pour des raisons évidentes de proximité géographique et d’importance du peuplement italien dans la Régence, commander aux destinées de la Tunisie, héritière de l’ancienne province romaine d’Afrique… Les hasards d’une conquête aux objectifs initialement incertains puis la volonté de compléter à l’est et à l’ouest la mainmise établie sur le territoire algérien firent que la France fut en situation de s’imposer dans ce vaste espace maghrébin qui, prolongé des étendues sahariennes, allait apparaître pendant plusieurs décennies comme le plus beau fleuron de son empire colonial.
Fruit des circonstances ou résultat d’une volonté politique cohérente, la conquête des territoires nord-africains s’effectua de 1830 à 1912 mais il faut attendre les années trente du XXe siècle pour obtenir une «pacification» complète de certaines régions du Maroc et de la Mauritanie, abusivement rattachée à l’Afrique occidentale française alors que les réalités géographiques, humaines et historiques commandaient naturellement de la placer dans l’espace chérifien, l’ancien Maroc ayant, à diverses époques de son histoire, poussé ses conquêtes jusqu’au Sénégal et au Niger.
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La chute de la Régence d’Alger
Dépendance nominale de l’Empire ottoman, la Régence d’Alger était placée sous l’autorité d’un dey qui avait longtemps tiré de la course barbaresque l’essentiel de ses ressources, ce que compromettait depuis le XVIIIe siècle la supériorité grandissante des flottes européennes. Kabyles sédentaires et Arabes nomades se partageaient l’intérieur du pays, les Turcs installés depuis le début du XVIe siècle n’ayant jamais contrôlé que les ports du littoral. La persistance d’un différend relatif à des livraisons de blé effectuées à l’époque du Directoire conduisit au fameux «coup d’éventail» reçu en 1827 par le consul de France et, faute de réparation, Charles X et son gouvernement – qui souhaitaient en finir avec l’insécurité persistant en Méditerranée occidentale et renforcer d’un succès extérieur le prestige de la monarchie restaurée, décidèrent l’envoi d’une expédition qui, placée sous les ordres du général de Bourmont, serait chargée de conquérir Alger. Plus de trente mille hommes furent ainsi débarqués à Sidi Ferruch le 14 juin 1830. Cinq jours plus tard, les troupes du dey étaient mises en déroute au combat de Staouéli et la prise de Fort L’Empereur entraînait le 4 juillet la capitulation de la ville où les Français faisaient leur entrée le lendemain. Quelques jours plus tard, une fois parti pour Naples le dey qui avait terrorisé depuis trois siècles la Méditerranée occidentale, l’État algérien disparaissait d’un coup. Victorieux, les Français se trouvèrent bien embarrassés pour exploiter leur succès, d’autant que la Révolution de juillet 1830 était venue compliquer la situation. Certains – et cette solution avait la faveur du gouvernement de Londres – songeaient alors à redonner au sultan ottoman l’administration directe de ces territoires pourtant bien éloignés de Constantinople. D’autres, comme le général Clauzel, voulaient engager la conquête de l’ensemble du pays. Prudent, le gouvernement de Louis-Philippe opta initialement pour une occupation limitée. Les Français s’installèrent ainsi dès 1830 à Oran, abandonnée depuis moins de quarante ans par les Espagnols, à Bône et à Bougie en 1832, puis à Mostaganem l’année suivante. La commission d’enquête envoyée sur place rendit ses conclusions en 1834 et approuva cette «occupation restreinte» dont les inconvénients en matière de sécurité des implantations françaises apparurent rapidement.
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Abd El-Kader
Commandant de la place d’Oran, le général Desmichels négocia alors avec l’émir de Mascara Abd el-Kader un traité qui fit du jeune chef arabe le porte-parole de la plupart des populations de l’Ouest algérien, un statut qui rendit rapidement dangereux ce jeune chef, investi du prestige que lui valait sa réputation d’être un descendant du Prophète (QSSSL). La destruction, en juin 1835, d’une colonne française au défilé de La Macta et la mise à sac de Mascara à titre de représailles marquèrent alors le début d’une guerre qui ne pouvait se terminer que par la défaite totale de l’un des deux adversaires. L’échec de l’action lancée en novembre 1835 contre Constantine conduisit cependant à la conclusion, l’année suivante, du traité de La Tafna qui reconnaissait à Abd el-Kader le contrôle de fait de l’arrière-pays d’Oran et d’Alger. La conquête très difficile de Constantine en octobre 1837 et la création du port de Philippeville dissimulaient mal la fragilité de la position française alors que le traité de La Tafna n’était pour Abd el-Kader qu’une trêve préludant à la reprise de la guerre sainte contre l’envahisseur. La lutte reprit donc en 1839 mais les colonnes mobiles organisées par le général Bugeaud finirent par avoir le dessus sur un adversaire privé de points d’appui solides. Réfugié au Maroc, l’émir parvint à entraîner le sultan contre les Français mais la victoire de l’Isly (4 août 1844) et le bombardement des ports de Tanger et de Mogador obligèrent le souverain chérifien à traiter et à se désolidariser d’un allié bien encombrant. Revenu en Oranie mais constamment traqué par les troupes françaises, l’émir se rendit au duc d’Aumale le 23 décembre 1847. La logique de l’expansion avait balayé le projet d’une simple occupation restreinte et des colons encore peu nombreux commençaient à s’installer quand la Révolution de 1848 puis l’établissement du Second Empire vinrent ouvrir une ère nouvelle dans la toute jeune histoire de l’Algérie française.
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La conquête du Sahara
Il convenait tout d’abord de terminer une conquête encore inachevée en 1850. Les campagnes menées par le général Randon eurent raison en 1857 des dernières résistances kabyles. Il était également nécessaire pour garantir la sécurité des plateaux du Tell et du massif des Aurès de contrôler les bases arrière des pillards nomades que constituaient les oasis des confins sahariens. L’occupation de Laghouat, d’Ouargla et de Touggourt fut réalisée sans grandes difficultés entre 1852 et 1854 mais la prise de contrôle des oasis du Mzab et d’Aïn Sefra n’intervint qu’en 1881-1882, celle d’In Salah et du Touat qu’en 1900-1901. Il fallut aussi attendre la liaison établie en 1900 entre Alger et le Tchad par la mission Foureau-Lamy et le combat de Tit – qui marqua, en 1902, la fin des résistances touareg dans la région du Hoggar – pour que soient enfin soumis les immenses territoires du Sud, ce Sahara auquel devaient s’attacher les noms de Duveyrier, de Flatters, de Laperrine et de Charles de Foucauld.
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La Tunisie, enjeu entre la France et l’Italie
À l’est de l’Algérie, la Régence de Tunis apparaissait comme un enjeu stratégique de première importance, à la charnière des Bassins occidental et oriental de la Méditerranée. Gouvernée par un bey théoriquement soumis à la Sublime Porte mais en réalité à peu près indépendante, la Tunisie était l’objet des convoitises rivales de la France et de l’Italie. La première entendait assurer, à l’est, la sécurité de ses territoires algériens et éviter que l’Italie ne contrarie ses ambitions en Égypte et au Levant en prenant le contrôle des accès de la Méditerranée orientale. Confrontés à une surpopulation inquiétante, les dirigeants du jeune royaume d’Italie rêvaient d’une grande politique coloniale et le territoire de l’ancienne Afrique romaine – prolongement naturel de la péninsule et de la Sicile, où la minorité européenne était constituée pour l’essentiel d’Italiens – était un objectif dont la conquête constituait une priorité pour le gouvernement de Rome. Roustan et Maccio, les deux consuls français et italien, se dépensèrent sans compter pour profiter des difficultés financières du bey mais la France pouvait espérer la neutralité bienveillante de l’Angleterre, peu désireuse de voir la jeune Italie prendre, sur la route de Suez jugée vitale pour les communications impériales britanniques, le contrôle complet du détroit de Sicile. Elle allait également bénéficier des calculs de Bismarck, soucieux de calmer les espoirs de revanche et d’encourager «le coq gaulois à user ses ergots dans les sables du Sahara». Les incursions des pillards Khroumirs en territoire algérien fournirent le prétexte nécessaire et Jules Ferry, soutenu par Gambetta, put faire valoir à des Chambres réticentes – la droite catholique voulait privilégier la ligne bleue des Vosges et la gauche radicale se voulait anticolonialiste en même temps qu’elle rappelait l’échec des aventures mexicaines du Second Empire – qu’il était nécessaire d’aller s’emparer en Tunisie de «la clef de la maison algérienne». En avril 1881, les troupes françaises pénétrèrent dans la Régence où le bey ne tenta pas de résister et accepta de signer, le 12 mai 1881, le traité du Bardo qui faisait de la Tunisie un protectorat français. Quelques mois plus tard, les troupes françaises durent faire face à des révoltes dans les régions de Kairouan et de Sfax mais celles-ci furent rapidement étouffées.
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Le Maroc au cœur des rivalités européennes
La mainmise sur le Maroc s'avéra plus difficile à réaliser. Le royaume Chérifien demeurait en effet, au tournant du siècle, avec l'Éthiopie et le Libéria, l'un des derniers territoires africains encore indépendants. Héritier d'une longue histoire, illustrée par plusieurs grandes dynasties, le Maroc avait, jalousement, préservé son indépendance, mais l'autorité du sultan ne s'étendait qu'au bled es makhzen et le souverain devait compter avec les dissidences chroniques des tribus berbères accrochées à leurs repaires montagnards. Outre la France, le Maroc intéressait par ailleurs au plus haut point plusieurs puissances européennes, parmi lesquelles l'Angleterre, l'Espagne, l'Italie et, plus récemment, l'Allemagne, depuis que l'Empereur Guillaume II avait décidé de mettre en œuvre la «politique mondiale» dont s'était toujours méfié Bismarck. Plusieurs crises internationales survinrent ainsi, à propos du Maroc, et retardèrent longtemps la mise en place du protectorat français. Le «coup de Tanger» – le discours prononcé en 1905 dans cette ville par le Kaiser – conduisit à la conférence internationale d'Algésiras qui, l'année suivante, laissa une marge de manœuvre importante à la France, qui s'était déjà entendue avec l'Italie, en 1902, et avec l'Angleterre, en 1904, pour acheter – contre l'abandon de ses prétentions en Tripolitaine et en Égypte – sa liberté d'action dans le royaume chérifien. L'émeute de Casablanca, consécutive à la construction d'un chemin de fer dont le tracé traversait un ancien cimetière musulman – entraîne en 1907 un massacre d'ouvriers européens et le bombardement de la ville. L'affaire des légionnaires déserteurs accueillis au consulat d'Allemagne est à l'origine d'une nouvelle crise franco-allemande en 1908. Elle est, à peine, réglée quand l'intervention française à Fès, engagée en 1911 à la demande du sultan, a pour conséquence l'arrivée, devant Agadir, de la canonnière Panther et le débarquement d'un petit contingent allemand. L'habileté de Joseph Caillaux permet, cependant, de surmonter la crise, au prix du «troc» qui laisse à la France les mains libres, au Maroc, contre la remise à l'Allemagne d'une partie du Congo. Plus rien ne pouvait arrêter les Français et la convention de Fès, conclue en 1912 avec le sultan Moulay Hafid, établit un protectorat qui allait durer un peu plus de quarante ans. La prise de Marrakech, dès 1912, celle de Taza en 1914, permettent au général Lyautey de «tenir» le Maroc avec des effectifs réduits, tout au long de la première guerre mondiale, mais des poches de résistance montagnardes persisteront jusqu'au début des années trente et la guerre du Rif, qui mit en péril le Maroc espagnol, incita les Français à intervenir contre le chef indépendantiste Abd el-Krim, finalement contraint à la reddition.
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Le statut administratif de l'Algérie : du second Empire…
L'Algérie et les deux protectorats tunisien et marocain connurent des régimes différents. Une fois réalisée la conquête du territoire algérien, la question se posa de son statut administratif. Le pays devait-il relever des autorités civiles ou des chefs militaires ? Était-il souhaitable d'y développer une colonisation de peuplement ? Quelle politique convenait-il d'adopter vis-à-vis des populations indigènes ? Autant de problèmes auxquels furent apportées des solutions successives et contradictoires, dont aucune ne se révéla, finalement, satisfaisante. Bugeaud avait rêvé d'une colonisation militaire de paysans-soldats, mais les volontaires se firent attendre. Le Second Empire, à ses débuts, remplaça le Gouverneur général, qui était un militaire, par un Ministre de l'Algérie et plaça les territoires civils sous l'autorité de préfets tout en encourageant initialement la poursuite de la colonisation, une entreprise incertaine dans la mesure où la situation démographique et économique de la France ne pouvait guère susciter des vocations pour le départ outre-mer.
Les colons venus de métropole furent toujours trop peu nombreux et, si l'on excepte les vaincus de juin 1848 et de décembre 1851, certains Alsaciens-Lorrains protestataires de 1871 et quelques communards éloignés outre-Méditerranée, les immigrants ne furent jamais en mesure de fournir les masses nécessaires à une véritable colonie de peuplement, alors qu 'Espagnols, Italiens ou Maltais formaient une bonne partie des arrivants. La colonisation posait, également, le problème des terres qui, quand elles ne furent pas directement mises en valeur, comme ce fut le cas dans la Mitidja, furent prélevées sur les biens communautaires indigènes ou les terrains de parcours des éleveurs nomades de l'intérieur.
Une telle situation ne pouvait qu'être source de conflit ; Napoléon III en prit conscience, après le voyage qu'il effectua en Algérie en 1860, à l'issue duquel il tenta de mettre en œuvre sa nouvelle politique dite du «royaume arabe». Appliquant à l'Algérie le principe des nationalités, qui lui était cher, l'Empereur, qui préférait «utiliser la bravoure des Arabes, que pressurer leur pauvreté», imaginait alors un royaume indigène associé à la France, ce qui impliquait de limiter la colonisation européenne et de rendre au pouvoir militaire son ancienne primauté en constituant, notamment, des «bureaux arabes».
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… à la IIIe République
À l'inverse, les républicains victorieux revinrent au régime civil, prétendirent assimiler l'Algérie à la France, créèrent trois départements, confiés à des préfets, et firent des Israélites autochtones des citoyens français de plein droit. Ces transformations entraînèrent des troubles graves qui culminèrent, en mars-juillet 1871, avec la révolte du cheikh Mokrani.
Elle fut promptement réprimée, et les terres confisquées furent distribuées aux colons alors que la centralisation Jacobine, triomphante, s'appliquait à un pays bien différent de la France métropolitaine. Jules Ferry, lui-même, en convenait, en 1892, en constatant dans le rapport d'une commission sénatoriale «que les lois françaises n'ont point la vertu magique de franciser tous les rivages sur lesquels on les importe, que les milieux sociaux résistent et se défendent et qu'il faut, en tout pays, que le présent compte grandement avec le passé… Il n'est, peut-être pas, une seule de nos institutions, une seule de nos lois du continent, qui puisse, sans des modifications profondes, s'accommoder aux 270 000 Français, aux 218 000 étrangers, aux 3 267 000 indigènes qui peuplent notre Empire algérien…». Une relative autonomie fut reconnue à l'Algérie à partir de 1896, dans la mesure où le Gouverneur général redevint le chef de l'administration algérienne, qui ne dépendit plus, directement, des ministères parisiens concernés. À partir de 1898, l'Algérie eut son propre budget, voté par les Délégations financières où siégeaient des délégués élus d'Européens et de notables indigènes. Le pays connut des progrès rapides, largement mis en avant par la célébration – en 1930, un an avant la grande Exposition coloniale du bois de Vincennes, du centenaire de la conquête.
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Les protectorats tunisien et marocain
Établi en 1881, le régime du protectorat tunisien fut précisé, en 1883, par de nouvelles conventions. Le pays gardait son gouvernement et son administration indigènes, mais sous contrôle français. Les différents services administratifs furent, ainsi, dirigés par de hauts fonctionnaires français, et un résident général reçut la haute main sur le gouvernement alors que la France représentait le pays sur le plan international. La colonisation se développe, rapidement, et permet le développement des cultures de céréales et de la production d'huile d'olive, ainsi que l'exploitation des mines de phosphates et de fer, alors que les français installent, à Bizerte, un grand port de guerre. Confié à Lyautey, le Maroc devient, sous son autorité, un modèle de colonisation réussie. Hostile aux projets assimilationnistes, qu'il jugeait parfaitement irréalistes, le chef militaire qui s'était formé à l'école de Gallieni sut pacifier un pays traditionnellement rebelle et établit, solidement, l'autorité du sultan mais il reconnut, en même temps, l'identité et la personnalité du royaume Chérifien et s'efforça de les valoriser, de réaliser, en fait, à un demi-siècle de distance, ce qui avait été le projet de royaume Arabe algérien de Napoléon III. Cela ne nuit, en rien, à la modernisation du pays, symbolisée par le rapide essor de Casablanca, alors que l'installation de la capitale Chérifienne à Rabat, sur la côte atlantique, rompait avec la tradition qui avait fait de Fès, de Marrakech ou de Meknès les grandes cités historiques de l'intérieur du pays.
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Un bilan de la colonisation française
Il n’est guère facile, aujourd’hui, d’établir un bilan impartial de la colonisation française en Afrique du Nord, un bilan qui s’écarte, à la fois, des nostalgies impériales de «la plus grande France» mais, aussi, des lectures «anticolonialistes», étroitement manichéennes. La colonisation reposa, pour une part, sur d’importantes spoliations foncières mais, aussi, sur la mise en valeur de terres demeurées, jusque-là, incultes ; ces transformations contribuèrent à la création d’une agriculture moderne et performante, sacrifiée en Algérie, après l’indépendance, à une volonté de collectivisation aux conséquences catastrophiques. En 1935, les terres de colonisation ne représentaient, en Algérie, qu’un quart des surfaces exploitées, un chiffre qui permet de replacer dans de justes limites la dépossession initiale. En parallèle, d’importants travaux d’infrastructures étaient réalisés dans le domaine routier et ferroviaire – le réseau ferré passe en Algérie de 1 373 km, en 1881, à 4 724 km, en 1932. Alors que la population de souche européenne voyait ses effectifs augmenter rapidement – de 235 500, en 1872, à 946 000, en 1936 – la population indigène progressait, beaucoup plus vite, grâce à la révolution médicale introduite par les conquérants : de 2 300 000 musulmans en 1872 à 5 148 000 en 1914, et à près de dix millions en 1960.
Demeurée longtemps très insuffisante, la scolarisation des enfants indigènes réalisa, ensuite, de rapides progrès après la seconde guerre mondiale et un effort considérable de promotion sociale fut réalisé au moment de la guerre d’Algérie, dans le cadre du plan de Constantine, alors que la mise en valeur des ressources de pétrole et de gaz du Sahara permettait d’envisager un développement rapide du pays.
Les sacrifices consentis au service de la
France, par les populations nord-africaines, à l’occasion des deux guerres
mondiales, contribuèrent, également, à tisser des liens plus étroits entre la
métropole et cet outre-mer, si proche, alors que, dès les années trente, les
premières vagues de travailleurs immigrés maghrébins venaient fournir à la
métropole une partie de sa main d’œuvre industrielle.
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La fin des protectorats et l’indépendance
Fleuron de l’Empire, au temps de l ‘Exposition coloniale et du centenaire de la conquête de l’Algérie, l’Afrique du Nord française allait choisir, un quart de siècle plus tard, les voies de l’indépendance.
La volonté américaine et soviétique d’en finir avec les empires coloniaux européens, au lendemain de la seconde guerre mondiale, ne pouvait que favoriser la puissante aspiration à l’indépendance qui gagnait, alors, les peuples d’Afrique ou d’Asie. Le sultan Mohammed V et le parti nationaliste Istiqlal au Maroc, le parti Néo-Destour de Bourguiba, en Tunisie, réclament la fin du protectorat et la France, contrainte d’abandonner l’Indochine en 1954, doit concéder l’indépendance. Les accords de Carthage, conclus à l’été de 1954, préparent l’accès de la Tunisie à une pleine souveraineté, acquise en 1956. La situation est plus complexe au Maroc, où le sultan Mohammed V est momentanément déposé et exilé à Madagascar, avant qu’Edgar Faure et Antoine Pinay ne concluent, en 1955, avec ses représentants, les accords qui entraînent l’indépendance du pays, proclamée elle aussi en 1956.
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La Guerre d’Algérie
Alors que les indépendances de la Tunisie et du Maroc s’inscrivaient dans leur statut de protectorat qui était, par nature, temporaire, ce ne fut qu’à l’issue d’une guerre de près de huit ans que l’Algérie accéda à l’indépendance. Née de la conquête et de la colonisation, l’Algérie était française depuis plus longtemps que Nice et la Savoie. Une population de souche européenne représentant, en 1960, environ 10% de la population totale, donnait au pays un caractère particulier. Enfin, la guerre révolutionnaire déclenchée par le Front de Libération Nationale, tournée d’abord contre une population musulmane, qu’il importait de contrôler, ne pouvait qu’engendrer une logique de violence sans fin, une guerre qu’aucun des deux belligérants ne pouvait, dans la durée, espérer gagner complètement. Le caractère toujours trop tardif des réformes octroyées, les élections truquées, les grandes inégalités séparant les masses musulmanes de la minorité européenne – au sein de laquelle le petit peuple «pied-noir» était autrement nombreux que les «colons» caricaturés par la propagande hostile – ne pouvaient qu’entraîner une volonté de changement que sut exploiter le FLN, après les premières tentatives du mouvement des Ulémas, de l’Étoile nord-africaine de Messali Hadj et du Mouvement du Manifeste du Peuple Algérien de Fehrat Abbas. Alors que s’exprimaient, déjà, ces aspirations, demeurées longtemps modérées, les représentants de l’Algérie au Parlement faisaient échouer les projets de réforme du gouverneur Violette, notamment celui concernant le double collège électoral, qui ne sera adopté qu’après la seconde guerre mondiale mais qui apparaîtra, alors, très insuffisant. Quand la métropole prendra conscience de l’ampleur du problème, la guerre déclenchée à la Toussaint de 1954 sera déjà commencée et les grandes ambitions manifestées par le plan de Constantine arriveront trop tard. Refusant de voir s’éterniser un conflit qui isolait la France et risquait de devenir un fardeau toujours plus lourd, le général De Gaulle fera le choix, contesté par beaucoup, d’une indépendance qui, accordée au FLN, signifiait le sacrifice de la minorité européenne établie depuis plusieurs générations outre-Méditerranée. Alors que la décolonisation de la Tunisie et du Maroc pouvait être considérée comme réussie, ce que semblent confirmer les bons rapports maintenus depuis avec le royaume chérifien et avec la Tunisie de Bourguiba, puis du président Ben Ali, la fin dramatique de la guerre d’Algérie a ouvert des plaies qui ne sont pas encore guéries même si, au-delà d’une histoire tragique, l’empreinte française est demeurée forte dans l’ensemble du Maghreb.
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Philippe Conrad
14-10-08
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