... et de sa noble et antique origine
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Il
est certain que si cette ville ne leur eût pas offert et au-delà tous
les avantages de l’Italie, sous le rapport du climat, de la facilité
d’y mener une existence heureuse, ils n’eussent pas abandonné le sol
natal pour vivre à jamais sur la terre d’Afrique et en faire une
seconde patrie. Pline qui vécut au temps de Néron et de Vespasien et
qui dédia son histoire à Titus, fils de ce dernier, raconte que depuis
le règne de Claude, Iol Cesarea était l’une des villes les plus
célèbres de cette époque.
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Le titre de colonie romaine était alors une illustration fort ambitionnée par toutes les villes : leurs habitants suivant les auteurs jouissaient de toutes les libertés, privilèges et exemptions accordés aux citoyens de Rome ; ils étaient considérés comme leurs égaux : ils pouvaient, tant que l’usage en fut conservé, voter sur toutes les affaires relatives à la république romaine, et concourir non seulement à toutes fonctions ou emplois, mais encore prétendre au gouvernement de l’Italie, des autres provinces de l’empire, et à celui de Rome elle-même. Les habitants des colonies romaines étaient tellement romains par les lois, les usages, les cérémonies, la langue et jusque dans leurs jeux publics qu’Aulu Gèle a dit que ces colonies n’étaient qu’une extension de Rome, ou bien suivant d’autres auteurs, la représentation en petit du peuple romain lui-même.
Les habitants d’Alger se trouvaient dans toutes les conditions que nous venons d’exposer, au temps d’Adrien qui fut le 15e empereur romain. Ptolémée qui vivait à cette époque vers 135 de J.-C, signale parmi les villes de la Mauritanie Césarienne inscrites dans ses tables, Iol Cesarea, qu’il qualifie de colonie romaine. Il devait en être également ainsi à l’époque du règne d’Antonin-le-Pieux, vers 160 de J.-C, puisque dans son itinéraire de toutes les villes de l’empire romain, il la désigne de la même manière. Plus tard, lors de la décadence de cet empire, quand sous la conduite de leurs rois Gunther et Genséric, les Vandales et les Alains appelés par le comte Boniface qui gouvernait au nom de Valens III, passèrent en l’an 427 de J.-C., d’Espagne en Afrique, mettant à feu et à sang toutes les villes de ce pays, il est à croire que Iol Cesarea n’eût pas un sort meilleur que celui d’autres villes très importantes des deux Mauritanies mises à sac et rasées par ces barbares impitoyables. Des événements analogues ont dû se produire également quand vers l’an de J.-C 697, sous le règne de l’empereur Léonce, les Arabes conquirent et ruinèrent l’Afrique entière. Ce fait est signalé par Jean Léon dans sa description de ce pays ; quand en parlant du cap Matifou, situé à 12 milles à l’est d’Alger, il dit qu’il y avait sur cette pointe avancée, une ville importante bâtie par les Romains, et détruite par les Goths, dont les pierres ont dû servir à réédifier presqu’en totalité Alger qui devait être alors entièrement rasée. Bien que cet auteur n’explique pas clairement la destruction et le rétablissement de cette ville, on peut être certain que malgré les désastres qu’elle eut à subir à deux reprises différentes, par suite de la double invasion des peuplades barbares, elle n’en fut pas moins habitée sans interruption.
Ce fait, à défaut d’autres preuves, est démontré par l’existence actuelle de vieilles tours, d’anciennes mosquées, et de tous les édifices publics construits d’après les règles de cette architecture des anciens dont on trouve des traces dans les autres villes de la même époque. L’existence de ces monuments devait inviter les habitants à ne pas abandonner cette ville. Un autre motif les y retenait encore, le voisinage de la mer qui baigne ses murailles, et la commodité de son port formé naturellement par une petite île distance de la côte d’une protée d’arbalète. Bien qu’il ne fût pas disposé alors pour la sécurité du mouillage comme il l’est aujourd’hui par suite des travaux entrepris par Kheir ed-Din Barberousse, il offrait aux navires un refuge assez sûr. A ces avantages venaient s’ajouter d’abord l’abri des murailles d’une ville que sa situation rendait inexpugnable à cette époque où l’on ne combattait qu’avec la lance et l’épée, ensuite la fertilité de ses vastes plaines, et des collines environnantes couvertes d’arbres fruitiers, donnant naissance à des sources abondantes qui répandaient à profusion leurs eaux dans un nombre infini de jardins délicieux.
Il n’est, donc, pas possible de croire qu’une localité si abondamment pourvue de tout ce qui peut servir à l’existence n’eût pas trouvé les habitants disposés à jouir de ces dons que la nature leur avait si libéralement répartis.
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D. H.
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