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Brume d’or et de sable, l’ombre des voiles
chantait leur songe long,
Mes souvenirs de tes plages ont l’odeur du vent.
Alger la blanche, tu riais insouciante.
Au fond de la Casbah, dans les ruelles obscures,
Petite Salima, tu me prenais la main.
Tu étais une enfant, tu étais jeune et pure,
Pour toi il n’y aura jamais plus de demain.
Les fous de religion, les tarés de prières,
Ont tranché ta gorge et tué ta lumière.
Adieu ma douce amie, tu sais, tes grands yeux noirs,
Pour toujours fermés, restent dans ma mémoire.
Et l’éclat de tes rires, tes mots, tes sourires,
Restent des souvenirs qui ne sauront tarir.
Alger la blanche, tu pleures doucement,
Et tes larmes de détresse sont rouges, couleur sang.
Des banlieues de Baraki, jusqu’à Sidi-Moussa,
De Larbaa aux portes de Blida,
La terre, abreuvée de sang, devient désolation.
Partout, on entend plus que pleurs, lamentations
Triangle de la mort, zone de tous les
dangers,
Ici commence l’horreur, dès la sortie d’Alger.
Lignes téléphoniques abattues, voitures calcinées,
Maisons abandonnées, transformées en fortin.
Enfants tués, femmes violées, hommes égorgés,
Et puis, ces policiers, lance roquette à la main...
Le monde de la folie installe ses quartiers,
Et moi ça me fait mal car je t’ai tant aimée.
Alger la blanche, enfermée dans l’enfer,
Tu entres maintenant pour longtemps dans l’hiver.
Mais moi je veux garder, les rires de tes enfants,
Enfouis dans ma mémoire, comme pour défier le temps.
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Bentlha, Sidi-Kébir, Aïn-Defla,
Béni-Slimane, Benachour,
Villes martyres, la mort présente à chaque carrefour.
Il y a ceux qu’on connaît, et ceux, dont on
ne parle pas.
Il y a mes amis, et ceux, que je ne connais pas.
Abandonnée, Aïn-Sour « la fontaine des
aigles »,
Tous partis... du plus fort au plus faible.
Plus rien à lire dans leurs yeux,
Que le dégoût, les larmes.
Partout, montent des cris de haine,
La révolte, la furie, à la frayeur s’enchaîne.
Hordes de miliciens, groupes de francs-tireurs,
Instaurent à loisir l’ordre de la terreur.
Coups de main, règlements de comptes, représailles
Règne de la folie, barbarie, pagaille...
Les souvenirs cognent à ma porte,
Ma peine, ma douleur de plus en plus forte.
Qu’elle était belle « mon Algérie »,
Qu’il était beau « mon pays ».
Hocine, mon ami, il y a juste un mois
Tu me disais, pour la dernière fois
L’Algérie ne veut pas mourir !
L’Algérie ne peut pas mourir !
Hier soir, tu es parti,
Rejoindre un tout autre pays,
Empli de fleurs et sans jours gris,
Tu as rejoint le paradis.
Je ne t’oublierais pas,
Comme la petite Salima,
Tu resteras toujours près de moi.
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Ramadan
Jeûne, pénitence, méditation, mais aussi...
Souffle de liberté dans un pays meurtri.
Étalages de fruits, de gâteaux croustillants,
Rires de gosses, bagou des commerçants.
Il y a ceux qui trichent et qui dorment le jour,
Boivent, mangent et fument, dès qu’arrive la nuit
Il y a ceux qui, comme tous les autres jours,
N’ont pas même les moyens de se payer un fruit.
Et qui tendent la main, quémandant un écot
Foules chamarrées, et même... faux dévot.
Et puis il y a les autres, grosse majorité,
Qui profitent enfin, d’un moment pour souffler.
La fête s’installe, à Hussein Dey, à Belcourt,
Alors, Alger la Blanche, tu souris sans détours.
Tu te noies dans des flots de thé vert à la menthe,
De bière bon marché, et tous, tu les tentes.
De la salle Ibn-Khaldoun, éclate la musique,
Musique Raï, Andalouse, musique de la vie,
Enfin l’on s’amuse et de nouveau on rit.
En face de la Casbah, place des Martyrs,
Soudain une arme tire.
Des cris, des hurlements, après une explosion,
Les fous viennent de frapper, de tuer l’illusion.
Et partout des blessés, atrocement mutilés,
Cette fois la fête est vraiment terminée.
Les survivants, humiliés et meurtris,
Semblent tout surpris, d’être encore en vie.
Ils essayaient d’oublier, les soirs d’apocalypse,
Les bourreaux armés de haches, les fous islamistes.
Alger, ville maudite, une fois encore,
Tu n’as su leur offrir, que la peur, que la mort.
Ils pleurent sous le joug, des fous, des assassins.
Alger, réveille-toi ! Ce n’est pas ton destin !
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Bernard Duval
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