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Jean-François Mattei - Dirigé par un camusien de toujours, un livre évoque l'Algérie, source première de l'inspiration de l'auteur de «L'Étranger».
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Non, Camus n'est pas un philosophe pour classe terminale, mais un auteur tragique que l'on ne peut pas appréhender sans comprendre cette terre d'Algérie où il est né et où il aurait aimé mourir. Pourquoi cette passion pour le Sud et l'inguérissable mélancolie qu'elle peut engendrer chez un écrivain ?
C'est le thème d'Albert Camus et la pensée de Midi, ouvrage collectif où Jean-François Mattei, camusien de toujours et oranais d'origine, revient à la source de l'inspiration de l'auteur de L'Homme révolté. « Ce monde méditerranéen, matrice de la culture grecque et latine qui a fondé l'Europe, était pour Camus le seul monde digne d'être aimé », écrit Mattei qui évoque, en quelques pages, la génèse de l'œuvre.
Pour cela, rien de mieux que de relire Noces à Tipasa, sublime chant païen où Camus se fait poète : « Une matinée liquide se leva, éblouissante sur la mer pure. Du ciel frais comme un œil, lavé et relavé par les eaux (…) descendait une lumière vibrante qui donnait à chaque maison, à chaque arbre, un dessin sensible, une nouveauté émerveillée. La terre, au matin du monde, a dû surgir dans une lumière semblable », écrit Camus qui compare « cette joie étrange qui descend du ciel vers la mer » à l'étreinte d'un corps de femme.
C'est cette sensation d'innocence que Camus a cherché tout au long de sa vie, chez les Grecs d'avant et d'après Socrate, qui lui ont transmis l'idée de la mesure et de la finitude, ou chez René Char qui fut son ami. Et c'est le goût, grec, d'un bonheur aussi immédiat que sensuel qui va l'opposer à Sartre et aux idéologues hégéliens de l'Histoire, notamment lors de la guerre d'Algérie. Sombre période durant laquelle Camus dénonça le terrorisme, d'où qu'il vienne, et refusa de sacrifier à une justice abstraite l'amour concret pour sa mère et les siens. La force de ce petit livre dense est de donner une image vivante de Camus, notamment à travers le témoignage de Louis Martinez, étudiant qui fut son hôte lorsque Camus habitait au cœur d'un Saint-Germain dont les « prébandés de la bonne conscience » et « les inquisiteurs des Temps modernes » lui furent toujours hostiles. Il décrit Camus en séducteur latin, qui savait danser et dont le corps vivait. « Dans les caves de Saint-Germain-des-Prés, il fallait à Sartre quelques heures de phénoménologie et beaucoup de whisky pour séduire une étudiante alors qu'il suffisait à Camus d'apparaître et de sourire », rappelle Frédéric Musso. Camus ne se contentait pas d'écrire de beaux livres, il plaisait aussi aux femmes. Les pédants du progressisme mondain pouvaient difficilement le lui pardonner.
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P.-F. P.
25/06/2008
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Il était né, lui aussi, en Algérie. On avait le même amour de la vie, et des jolies filles.
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Albert Camus et la pensée de Midi Sous la direction de Jean-François Mattei Éditions Ovidia, 224 p., 15 €.
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