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Les maires sont en classe. Ils ne sont pas dans la rue, ni dans leurs
bureaux calfeutrés. Sous un régime d’internat, ils étudient l’art du
comment être de bons maires.
Il leur faudrait dans ce cas là de
bons citoyens. L’on évitera bien d’en faire des maires-stagiaires en
phase de formation managériale. Ils se préparent, par cette formation,
à subir un cursus qui doit durer cinq longues et difficiles années.
L’on serait de la sorte aperçu qu’ils accusent un dur déficit en termes
de communication, de planification, d’instruments d’urbanisme et de
règles budgétaires. En décidant de les faire astreindre à telle
situation, le ministre de l’Intérieur avait visé un tout petit peu
juste, dans la mesure où, tous les maires qui se sont succédé
pratiquement depuis 1990 ont su et à merveille faire couler le bateau
communal. Venant d’horizons différents, parfois en majorité de niveau
universitaire ils butaient indistinctement sur les flancs de l’inertie
et de l’impuissance à gérer. Si diagnostic y était, l’on aurait pu
déceler d’immenses failles d’abord dans le système de cooptation, soit
en amont de l’approche des candidatures et ensuite dans le profil que
devait dégager le potentiel futur maire.
Un électronicien, un
ingénieur hydrotechnicien ou un instituteur ne peut, en toute évidence,
faire bonne affaire aux commandes d’une assemblée communale de
plusieurs milliers d’habitants et à plusieurs soucis quotidiens.
L’enseignement
destiné à cette catégorie d’élèves adultes n’est pas entrecoupé par une
récréation de jeux ou de loisirs. Ici la récréation est toute autre.
L’on parle d’élections, de coulisses, de manoeuvres et beaucoup
d’autres choses. La cour n’est pas un espace arboré aux allées
discontinue. Ce ne sont que des couloirs, des chambres ou des tables où
le manger dépasse le menu gastronomique pour leur faire sentir, à
présent leur statut de grands écoliers. Un peu plus qu’une cantine
raffinée et moins qu’un cinq étoiles. L’atout de cette scolarité est
d’avoir permis, chose inédite jusqu’ici, à tous les maires de se
connaître, d’échanger leurs cartes de visites, de dialoguer et de se
mesurer l’un par rapport à l’autre. Mais l’essentiel demeure dans ce
qu’ils sont censés recevoir comme formation. Car cette louable
initiative qui ne semble pas d’ailleurs recueillir unanimement un avis
favorable de la part de ces candidats gagnerait à être étendue
progressivement aux vice-présidents pour atteindre en finalité
l’ensemble des élus locaux. Elle est ainsi une réponse incontestable
face à l’insuffisance de niveau quant à la manière avec laquelle
étaient gérées nos différentes municipalités.
Mais il semblerait
que toute la problématique est à situer en amont de tous le processus
créatif du personnage public et gestionnaire du maire. Ce dernier n’est
pas le produit de l’administration ni celui du ministère en charge des
collectivités locales. Il n’est pas un fonctionnaire banal et anodin
qu’un acte pourvu d’autorité administrative arrive à le nommer selon
une forme procédurale suite à un concours externe ni le dégommer selon
une autre. Le maire est un partisan. Il émane, en principe d’une
volonté populaire. Avant cela, il constitue en fait un élément militant
d’une cause et d’une idéologie. C’est au parti, le sien, à qui incombe
le devoir d’assurer la formation nécessaire. Si sur le plan politique,
toute personne portée sur une liste électorale était supposée remplir
les conditions tacites de performance politique, il en serait
autrement, la pratique le démontre ; quand ce candidat devient élu et
de surcroît chef d’un exécutif communal. Là le jeu est tout autre.
La
partie est aussi pénible que ne l’était la campagne électorale. Ce sont
en effet les partis qui procréent les maires. Il suffit d’être tête de
liste ou classé à proximité immédiate de cette tête pour que l’on ait
la chance inouïe de devenir président d’Assemblée communale. Le peuple,
par son vote, ne valide en fait que ce qu’il lui est proposé ou/et
imposé.
Sur un autre registre, il ne semble pas que la commune,
de par sa structure basique, est en état de jouir de l’existence d’une
intendance administrative et technique forte, stable et pérenne. Dans
la majorité des cas, l’exécutif se prend pour l’administration. En
gérant celle-ci de cette façon maladroitement « politique », l’on est
arrivé à faire disparaître petit à petit tous les sens grégaires du
fonctionnement normal d’une mairie. Le maire qui se considérait le plus
souvent comme un directeur général de mairie n’arrivait pas à faire la
distinction entre ses fonctions d élu et sa mission d’utiliser
l’administration communale comme organe d’exécution de son programme
politique. La confusion d’attributions se greffait à la bureaucratie
alourdie pour laisser choir bêtement l’ensemble des projections de
développement dans le hasard et le factuel. La guéguerre faisait le
reste. Il perdait tout son temps à vouloir apprendre les mécanismes
conformistes de la gestion usuelle, en s’enfonçant de la sorte sans le
savoir dans l’inutile et le non indispensable.
Le personnage du
maire se trouve pratiquement impliqué dans tout ce que les lois et
règlements prévoient. Il est un moyen inéluctable dans l’application
multiforme de ce qu’enfantent ces lois comme droits, obligations, actes
de commission ou d’omission. En sa qualité de maire, ce chef de staff,
ce représentant de population, cet officier de police judiciaire, ce
légalisateur, ce magistrat, cet ordonnateur a-t-il besoin de connaître
dans leurs détails les dispositions de tout l’arsenal juridique et des
textes réglementaires subséquents qui régissent le pays de l’arrête de
l’an pluviôse à celui nos jours ? Se sent-il obligé de compulser la loi
portant code des douanes (loi n° 79-07 du 21 juillet 1979 modifiée et
complétée) qui lui fait obligation (article 243) d’ouvrir ses bureaux
pour servir valablement de lieu de rédaction des procès-verbaux de
saisie dressés par les agents assermentés et ceux habilités par
l’article 15 du Code de procédure pénale dont il fait, lui aussi partie
? Ou encore être obligé de viser le livre de bord d’un capitaine de
navire qui aurait accosté par fortune sur les rives de la commune suite
à un cas de force majeure (article 56) ? Doit-il étudier et s’inculquer
l’esprit et la lettre de la loi relative à l’organisation, la sécurité
et la police de la circulation routière (loi n° 04-16 du 19 août 2001),
qui prévoit entre autres dans article 27 modifié, que l’emplacement des
ralentisseurs, définis comme dispositifs matériels destinés à la
réduction de la vitesse sur certaines voies, est une simple proposition
du maire à faire au wali seul investi du pouvoir d’en donner ou non
l’autorisation pour ce faire.
Aura-t-il besoin d’affiner sa
connaissance des interstices et des alinéas de bon nombre de textes
divers et contraignants en plus de ceux relatifs aux procédures
complexes et coercitives, au respect de délais définis et indépassables
que recommande une gestion rigoureuse, saine et transparente ? Oh bien
que non ! Parce que la raison managériale voudrait que le maire soit
assisté par une très puissante administration. L’administration doit le
précéder. Son secrétaire général, ses directeurs, ses chefs de bureaux,
ses responsables techniques, financiers, et sanitaires, ses architectes
et techniciens doivent à leur tour être à la hauteur de ce qu’exige
d’eux cette même gestion rigoureuse, saine et transparente.
L’efficacité donc proviendrait de ces hommes non élus. De cette
compétence présumée animer les distincts tenants de charges publiques
en tant que fonctionnaires tapis à l’ombre des bureaux que gangrènent
ainsi chaque jour les scories d’une bureaucratie galopante.
Ainsi,
les cycles de formation initiés au profit des présidents de communes
doivent connaître une répercussion de même force et de degré
équivalent. Une déclinaison tout à fait locale. Sauf que la scolarité
est à reporter sur d’autres préoccupations que les outils de
commandement, d’animation, d’impulsion et de contrôle. Ce personnel
administratif et technique a bien besoin d’un recyclage. La demande
sociale étant impardonnable et irrésistible l’on sent mal un chef
d’état civil accusant un déficit en matière de communication ou un
directeur technique à la tête non urbanisée et maîtrisant mal les
techniques de pilotage d’un projet. Il en est de même pour un chargé de
la protection de l’environnement qui confond la couleur des roses et
des espaces verts ou un chargé des affaires culturelles qui ne sait
lire ni romans ni vers. Ce volet formationnel serait régulièrement
exigible pour les grandes mairies, notamment celles du chef-lieu de
wilaya. Pour les autres communes, que l’on a habitude à qualifier de «
moindre importance », la formation se limiterait à la priorisation des
dépenses publiques encore que lorsque la cagnotte municipale arrive à
couvrir le chapitre des salaires ou des charges annexes.
Confronté
au quotidien au devoir de nettoiement, d’amélioration du cadre de vie,
d’hygiène et de sécurité, le maire constitue le socle stratégique sur
qui repose le succès ou l’échec d’une politique nationale. Ce socle qui
hisse le maire, petit ou grand, à la vue de tous et au moment propice
de rendre des comptes aurait à lui faire également connaître les affres
des prétoires et le regret des tâches accomplies ou non accomplies. Car
l’irrégularité reste toujours cette tâche que les plus prudents
justement accomplissent ou non. C’est selon.
Ce sera vrai si
l’on dit que les mairies sont les parents ou les enfants pauvres de la
politique générale du développement national. Leur fonctionnement à la
manière de la soupe populaire ; donner et ne rien recevoir handicape
lourdement la célérité des affaires à réaliser. Aller en besogne envers
une demande très exigeante de la part de ses citoyens avec des moyens
dérisoires, d’autant plus si ces moyens restent tributaires du bon
vouloir du wali. Avec une administration fiscale freinée et amorphe,
les recettes fiscales à ordre de la commune ne sont pas reluisantes. La
perception des taxes et redevances dues n’est recouvrée que rarement ce
qui aggrave considérablement le portefeuille communal. Les dépenses
sont monstres, les recettes sont maigres. L’alchimie de faire
l’équilibrisme entre les deux serait-elle obtenue à travers ce conclave
scolaire ? Sauront-ils, ces maires, résoudre l’épineux casse-tête du
comment améliorer la gestion de leurs crédits, renflouer leurs caisses
et réduire maximalement les frais subis ?
Alors que dans les
tréfonds du système il est à constater que les communes, dans leur
ensemble, vivotent et se voient confier des opérations d’utilité
publique, grâce à ce que leur affecte le plan national de
développement. La gouvernance électronique annoncée pour relier les
services communaux sur une plateforme de e-gouvernance n’est pas pour
demain.
L’instance délibérante continuera dans l’attente de
cette révolution à patauger dans la tracasserie, l’urgence et le fait
accompli. L’on verra bien nos potentiels étudiants à oeuvrer à la
rationalisation des moyens et à la satisfaction des besoins de leurs
résidents.
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par El Yazid Dib
10-04-08
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